ÉTRANGER EST L'ÉTERNEL, 2015 (ed. Edmond Chemin)
(N.B. : L'auteur tient à préciser que le langage qu'il prête aux personnages s'exprimant par le moyen des poèmes ci-dessous, ne reflète pas nécessairement ses propres opinions. En particulier, certains de ces textes ont été écrits sur un mode satirique ou caricatural que, pour une juste lecture, il convient de ne pas oublier ou minimiser.)
* * *
Mais je vous le dis que je ne viens de nulle part
C’est tout à fait par hasard
Que j’ai échoué sur cette île
Et je ne veux surtout pas en faire mon domicile
Non je veux aller beaucoup plus loin
Ce n’est pas ici que s’arrête mon chemin
C’est sans la moindre haine
Que mon désir est celui d’une terre lointaine
* * *
Non c’est vrai que je n’ai pas de plan
Simplement je suis le courant
À chaque jour suffit son aventure
À chaque homme suffit sa figure
Moi je n’en ai plus
Pour moi aussi désormais je suis un inconnu
Et ce qui à mes yeux me légitime
C’est d’être parmi d’autres un anonyme
* * *
...Alors afin d’économiser de l’énergie et du sang
Ne pourrions-nous pas aujourd’hui faire autrement
Au lieu de renforcer en vain les frontières
Trouver enfin une solution planétaire
Pour que l’humanité atteigne son âge de raison
Ensemble nous pouvons organiser une juste redistribution
Mais si nous acceptons d’un côté l’abondance
Et de l’autre côté une extrême indigence
Les migrants continueront à vous envahir
Et vous continuerez à de plus en plus à les haïr
Il n’y a pas d’autre issue à cette lutte fatale
Sauf la déflagration finale
* * *
Si je ne veux plus savoir d’où je viens
Si un autre le découvre je ne serai plus un clandestin
Il me donnera mon passé en héritage
Et me renverra bientôt à mon village
* * *
Il n’y a pas plus fort
Que celui qui est déjà mort
Ayant oublié mon lieu de naissance
Je n’ai plus d’existence
Malilo Malila tu va toujours plus loin
Comme un profond mystère
Tu envahis toute la terre
De nous il ne restera bientôt rien
* * *
J’ai plongé dans le néant
Et aujourd’hui je suis renaissant
Hier j’étais dans l’abîme
Demain je serai grandissime
* * *
C’est face à vous que désormais je vis
Pas parce que vous êtes mon ennemi
Mais parce qu’en me donnant la chasse
Vous m’obligez à agrandir mon espace
Malilo Malila quoi qu’il arrive tu restes confiant
Qu’il vente ou qu’il pleuve
Tu es comme le grand fleuve
Qui lentement et sûrement descend vers l’océan
* * *
Chaque fois que vous m’enfermez
Vous me faites encore plus vous intégrer
Croyant me chasser de votre monde
Vous en rendez ma participation encore plus profonde
* * *
M’ayant à la frontière reconduit
Vous me retrouvez pourtant Ici
Vous croyez m’éloigner par la distance
Pour affirmer votre différence
Mais les différences constituent le tout
Et c’est ce que nous sommes moi et vous
Il n’y a pas de mystère
C’est clair comme de la lumière
* * *
Vous êtes de nous pleins
De vous nous sommes le chemin
Par nous vous faites l’expérience
De votre véritable essence
* * *
Plutôt trois fois mourir
Que de retomber entre leurs pattes
Et qu’ils me traitent comme un psychopathe
Ils m’amèneraient chez un médecin
Après m’avoir attaché les mains
De leur gentillesse
Je m’en bats les fesses
Je préfère être leur ennemi
Que de leur paraître soumis
Je préfère mon vagabondage
À leur marchandage
Je préfère mes trafics
À leur service public
* * *
Celui qui a été par le hasard avantagé
N'est pas vraiment volé
C'est par le hasard aussi qu'on le ponctionne
C'est ainsi que la nature fonctionne
* * *
Nous ne faisons que dévoiler
Ce qu'à vous-même vous cachez
Vous distribuez les mauvais rôles
À ceux qui n'ont pas la belle parole
Même ces quelques mots
Vous direz que c'est trop
Si vous ne pouvez appliquer la censure
Vous engagerez des procédures
Pour ne pas entendre la vérité
Vous êtes prêts à m'arrêter
Mais si vous me mettez dans une cage
Je diffuserai quand même mon message
Le monde sera comme un immense écho
Ce qui est interdit paraît toujours plus beau
Plus il est indicible
Et plus il paraît crédible
* * *
Bientôt de vous il ne restera plus rien
Qu'une sorte de grand magasin
Et dans ce petit espace
Vous vivrez dans l'angoisse
Obsédés par votre sécurité
Rien ne pourra vous rassurer
Mais nous vous laisserons toujours le nécessaire
Pour continuer à entretenir notre vie parasitaire
* * *
On casse tout
On prend tout
Que voulez-vous y faire
Messieurs les propriétaires
Fermez les yeux
Pour vous ce sera mieux
Ça vous fera moins de peine
De ne pas voir notre haine
Tournez-nous le dos
Et nous vous ferons un cadeau
Vous supporterez mieux notre existence
En sentant en vous notre violence
* * *
Mon visage dans le miroir
Est loin de ceux que je vois sur les trottoirs
Et quand j’oublie la couleur de ma figure
Il y a toujours quelqu’un pour me rappeler ma nature
Ma peau n’est pas masquée
Rien à faire pour la cacher
À la fin je me résigne
D’être aussi indigne
Et même je joue leur jeu
Je deviens irrespectueux
Je joue le rôle
De celui qui n’est jamais allé à l’école
* * *
Heureusement il y a les miens
Nous unissons nos chemins
Nous nous écartons de votre route
Pour effacer ensemble nos doutes
Nous sommes faits pour être nous-mêmes
Et tant pis si aucun de vous ne nous aime
* * *
Ce qui vous appartient
Est pour vous le plus sacré des liens
Mais celui qui n’a pas d’attache
Faut-il qu’au visage on lui crache
Au chaud dans votre confort
Vous ne pensez jamais à la mort
L’enfant qui meurt dans la froideur crépusculaire
N’est pour vous qu’un risque identitaire
En repoussant les exilés
C’est votre monde que vous rétrécissez
Et ce qui n’est pas transformable
N’est que par la violence périssable
* * *
La liberté et l’égalité
Ne sont-elles pas pour toute l’humanité
Quelles que soient les personnes
Ou ne sont-elles que des idées bouffonnes
Si de vous je suis différent
J’ai les mêmes droits cependant
Ce sont ceux de tous ceux qui pensent
Et cela ne se limite pas à la France
* * *
Ceux qui manifestent leur foi
Ils seront un jour près de Toi
C’est le cœur rempli d’allégresse
Qu’ils recevront Ton infinie tendresse
En Toi jusqu’au bout ils auront cru
Et de Toi ils auront tout reçu
Mais moi je suis encore trop indocile
J’incline lourdement mon dos de reptile
Je l’incline cinq fois par jour
En n’espérant rien en retour
Sauf de Te plaire
Et plus si c’est nécessaire
Mon dieu accorde-moi la grâce
D’agrandir toujours Ton espace
* * *
Si l’’ombre qui me recouvre
Me permet de voir mieux
Ce qui devant moi est lumineux
C’est parce que je sais où je me trouve
Et si je cache mon visage
C’est parce que je ne peux être regardée
Sans devenir pour moi un objet
Je ne suis pas une image
* * *
Pourquoi donc il vous dérange
Cet innocent tissu
Dont je suis depuis toujours revêtue
Que voudriez-vous donc me donner en échange
Je serais une prisonnière
Et vous voudriez me donner des droits
Par exemple celui d’avoir froid
De ne plus avoir de vie communautaire
De ne croire en rien qu’en ma personne
D’exciter des hommes le désir
Vous voudriez qu’au goût du plaisir
Passionnément comme vous je m’adonne
Que je dévoile ma face
Pour que vous puissiez m’étiqueter
Comme faisant partie des gens évolués
Et qu’ainsi je perde de la liberté mon espace
* * *
Vous m’avez dit que sur terre tous les humains sont égaux
Et vous me l’avez expliqué avec vos mots
Mais moi je ne me suis pas sentie votre égale
Je n’étais pas assez pâle
Aujourd'hui je sais pourquoi on voulait que je reste ici
C'est parce que je possède un titre de noblesse
Qui a lui seul dit l'immensité de ce que je suis
Il est comme un cri qui jamais ne finit
La Négresse
* * *
Ne prends que ce qui ne les empêchera pas de vivre
Ainsi ils n’auront pas le temps de te poursuivre
Et n’oublie pas de remercier Dieu
C’est lui qui te fait changer si souvent de lieu
Quand la demeure est mobile
Alors le cœur est tranquille
* * *
Tu n’es pas fait pour t’attacher
Tu es fait pour aimer
Tu es fait pour le voyage
Pas pour être enfermé dans une cage
Le plus grand des bonheurs
C’est d’être en famille des rôdeurs
Ici il n’y a rien à redire
À celui qui ne sait pas lire
* * *
Quand je m’introduis dans votre maison
Je ne trouve pas qu’elle ne sent pas bon
Je lui trouve même beaucoup de charmes
Et c’est pourquoi j’y entre toujours sans armes
Je sais que c’est risqué
Car vous vous n’hésiteriez pas à me tuer
Quand vous vous sentez victime
Votre supériorité n’’est jamais aussi légitime
C’est pourquoi je suis très prudent
Chez vous je rentre invisiblement
Et ce que je laisse comme trace
C’est de vous avoir fait plus d’espace
* * *
Vous voulez soit nous détruire soit nous convertir
Mais surtout pas nous accueillir
Ce peuple qui jamais ne travaille
Et que vous appelez la racaille
Pourtant en vous allégeant de vos biens
Nous vous faisons un environnement plus sain
Pour que pure reste l’élite
Il lui faut des parasites
Nous vous nettoyons que du superflu
Afin que vous ne soyez pas corrompus
C’est à nous que revient la tâche
De vous préserver de basses attaches
* * *
On ne peut rien donner aux voleurs
Sans leur provoquer un haut-le-cœur
Mais d’une juste intolérance
Ils vous remercient d’avance
* * *
C’est ainsi que vous nous craignez
Venant pour vous déposséder
Assurer notre descendance
Et créer de nouvelles croyances
Parce que les uns aux autres nous restons unis
Vous nous prenez pour des ennemis
Parce que nous ne voulons pas d’amalgame
Vous craignez pour la pureté de vos âmes
Vous savez que le plus grand danger pour le bien
C’est le clandestin
Car celui qui n’a pas d’attaches
Quelque part demain en l’autre les cache
* * *
Bonne et merveilleuse prison
Sur tes murs j'écris partout mon nom
Tu nous apprends vraiment à vivre
Tu nous apprends le savoir-vivre
* * *
Je ne serai pas pris au dépourvu
Quand je me retrouverai dans la rue
Je saurai me défendre
Car j’aurai du courage à en revendre
Car j’ai tout appris en prison
L’adresse des bonnes maisons
Où l’on peut dissoudre
Et l’argent et la poudre
Et comment parier
Sans jamais risquer
Comment déjouer la protection sécuritaire
Des résidences secondaires
Bonne et merveilleuse prison
Entre tes murs je prépare mon prochain rebond
Tu nous apprends vraiment à revivre
C'est la liberté que gratuitement tu nous livres
* * *
Ici je me suis fait plein d’amis
Et je leur dis un grand merci
Car pour celui qui vole
C’est la meilleure des écoles
On se sent quand même moins isolé
Quand on est aussi bien entouré
C’est une véritable assurance
Que d’avoir des connaissances
Bonne et merveilleuse prison
Entre tes murs les mots n'ont que le son
Tu nous apprends vraiment à vivre
Ici pas besoin de livres
* * *
Je reconnais les miens
Je connais mon destin
Je continuerai ma route
Sans le moindre doute
Et j’irai peut-être très loin
Très loin sur ce chemin
De tout je suis capable
Je suis irrécupérable
Bonne et merveilleuse prison
Sur tes murs j'écris partout mon nom
Tu nous apprends vraiment à vivre
Tu nous apprends le savoir-vivre
* * *
Ce sont mes pires ennemis
Ceux qui me traitent comme une brebis
Ce sont les loups de la sociale
Qui veulent m’imposer une vie normale
Ils me prennent pour un fou
Mais je suis un vrai voyou
Je me sens en défense légitime
Quand ils me prennent pour une victime
* * *
On nous appelle la racaille
Mais à chacun sa manière d’être voyou
Nous on ne nous donnera pas de médailles
Pour faire croire qu’on est au-dessus de tout
* * *
Notre slogan c’est Antisocial
Comme tous les personnages
Des fictions et des jeux
Dont nous adoptons les coutumes et les usages
Et la liberté d’être haineux
Nous avons la haine contre ceux qui ont le beau rôle
Celui de pouvoir réprimer
Sans jamais manquer à leur parole
* * *
Nous préférons prendre par la violence
Plutôt que d’avoir à dire merci
Plutôt que de perdre notre appartenance
Plutôt que d’être reconverti
C’est à nous notre morale
Ne pas être du bon côté
Pas du côté de la nationale
Mais être du côté des cités
Le droit au trafic et au piratage
Ici ce n’est pas un délit
Ici c’est un banal usage
Une pratique millénaire établie
* * *
Les fumées de Dachau
Sont montées très haut
Et j’ai le cœur dans une tenaille
Quand je pense à cette tenace grisaille
Mais toi tu es resté serein
Toi tu ne craignais rien
Tu écrivais des poèmes
Tu ignorais nos problèmes
Et si aujourd’hui tu as le regard noir
De ceux qui n’ont pas osé la vérité voir
Ne fais pas la justice
En infligeant à d’autres le même supplice
* * *
Aujourd’hui nous avons recréé Israël
Mais nous ne sommes pas immortels
La fumée est comme un long voile
Qui nous cache toujours les étoiles
Emmanuel ouvrons-nous les mains
Et regardons vers demain
Oublions les vieilles blessures
Que la lumière nous transfigure
Bien sûr nous n’oublierons jamais
Bien sûr il y aura toujours cette fumée
Cette odeur écœurante
Les images révoltantes
Mais si par Dieu nous avons été élus
C’est pour être tous le visage nu
C’est pour affirmer notre différence
En renonçant à toute vengeance
* * *
Le temps de la soumission est passé
Le martyre nous a légitimés
Comme le peuple de l’espérance
Le peuple de la transcendance
Nous conformant à l’enseignement divin
Nous assumons aujourd’hui notre destin
Nous sommes installés sur nos traces
Nous avons retrouvé notre espace
C’est celui qui nous était promis
Cela était depuis toujours écrit
Nous irons vers toujours plus d’abondance
Et en assurerons contre tous la défense
* * *
Le procès à duré presque deux mille ans
Et les bourreaux n’ont fait qu’exécuter le jugement
La sentence était depuis longtemps écrite
Et pour l’accomplir l’accord général fut tacite
C’est pourquoi il n’y a pas eu de manifestations
C’est pourquoi il y a eu tant d’inattention
Ce n’était qu’un dénouement tout à fait logique
Préparé et béni par la Sainte Éthique
Et l’extermination était le plus juste des châtiments
C’est le destin naturel de tous les mécréants
L’éradication est la solution la plus efficace
Quand on veut effacer du mal toute trace
* * *
Ne pleure pas Sarah
Tes yeux ne t’appartiennent pas
C’est une rivière profonde et claire
Où doivent plonger des regards sincères
Ne pleure pas Sarah
Tu n’as plus de maison à toi
Mais ton nouveau domicile
Est un endroit tranquille
Ne pleure pas Sarah
Là où tu es on respecte La Loi
Et on trouve très sage
De tourner la page
* * *
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf de la littérature
Que l’on donne aux étudiants en pâture
Vous qui avez souffert en vain
Pour que l’humanité soit meilleure demain
Ces millions de sacrifices
Qui pour vous n’ont créé que précipice
Celui de l’extrême pauvreté
En échange d’une fausse liberté
Avec en vitrine l’opulence
Maintenue par le mensonge et la violence
* * *
C’est la loi de la compétition
Qui fait le bonheur de toutes les religions
Car c’est dans la misère
Que le mieux elles prospèrent
La loi de la compétition
C’est celle qui entraînera l’ultime explosion
Il n’y aura plus de trêve
Il ne restera alors de l’homme que ses rêves
Il ne restera que les rêves et les héros
Pas ceux que nous montrent les jeux vidéo
Mais ceux qui étaient prêts à rendre l’âme
Pour sortir l’humanité du drame
* * *
Exploiter avec lucidité les travailleurs d'ailleurs
Ne pas se laisser envahir par les profiteurs
Dominer le tiers monde par la puissance monétaire
Et renforcer sans cesse les contrôles aux frontières
Tel est le nouveau credo des peuples d'Occident
Tous unis dans un magnifique élan
Dans la gestion économique
Et une politique antiseptique
C’est le nouveau programme commun
Qui nous unit tous la main dans la main
C’est la nouvelle et sainte alliance
Qui nous prépare à notre future impotence
Prolétaires et nantis des grands pays
Nous sommes aujourd'hui tous unis
C'est la nouvelle lutte de classes
Des nations riches contre les lointaines masses
* * *
On a enlevé un journaliste de guerre
On en fait toute une affaire
Des pauvres gens meurent tous les jours de faim
Désolé de parler d'eux ce serait vain
C'est ainsi que les médias nous instruisent
En confondant information et marchandise
La nouvelle éthique
C'est l’audimatique
On conditionne les foules
Chaque jour on les saoule
De brillantes représentations
Qui suscitent de belles émotions
* * *
Qu'on est à l'aise sur son siège
Pour dénoncer les privilèges
Nous sommes tellement émus
Que nous ne pouvons plus bouger notre cul
Nous nous identifions aux personnages
Que nous montrent les images
On a enlevé un journaliste de guerre
On en fait toute une affaire
Des pauvres gens meurent tous les jours de faim
Désolé de parler d'eux ce serait vain
* * *
C'est en assistant à des représentations
Que nous éprouvons les plus nobles émotions
Il y a des choses vraiment intolérables
Et il faut vite trouver les coupables
La télé est un feuilleton policier
Un jeu passionnant où l'on peut tous les jours juger
Ce n'est pas le discours de la méthode
C'est la démonstration par les épisodes
* * *
Ainsi est mon pays de jungle et de rizières
De chaleur et d'incessants travaux
Où la paix est comme un souvenir de guerre
Le socle d'un monde nouveau
Et le charme naturel des femmes
Qu'elles soient mères ou sœurs
Du quotidien elles tissent la trame
En mêlant finement la grâce et le labeur
Au travail elles sont comme des abeilles
Et elles sont aussi les fleurs du jardin
Celui sur lequel elles veillent
À la fois le but et le chemin
* * *
Nous ne ferons jamais l'aumône
Mais s'il le faut encore nous nous battrons
S'il le faut jusqu'à ce que la vie nous abandonne
Et mille fois s'il le faut nous reconstruirons
C'est ainsi que s'est forgé notre caractère
Ici le jonc n'est pas que souple il est aussi tranchant
Sous l'amabilité de nos traditions séculaires
Se cachent des millions de grands combattants
* * *
La réalité c’est l’impermanence
C’est parce qu’à soi-même on est étranger
Que le monde est aussi immense
Et que les frontières sont aussi vite traversées
La grandeur n’a pas de mesure
Elle ne se réduit pas à un chemin
Elle a toujours un goût d’aventure
Elle ne sait pas de quoi sera fait demain
* * *
Ici il n’y a pas de coupables
Ici il n’y a pas de comptables
Celui qui faute doit payer le prix plein
Pour tous c’est la même loi
Elle n’est pas celle des autres
Mais c’est la nôtre
Des vôtres nous n’en voulons pas
Ce n’est pas moi qui l’ai condamné à mort
Il connaissait la sentence
Il savait l’implacable vengeance
Je n’ai été qu’un prétexte pour son sort
* * *
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Qu’on les ramène sur une civière
Je veux être leur bourreau
Mais ça y est les policiers les ramènent
J’espère qu’ils ont l’argent sur eux
Sinon ils connaîtront les effets de ma haine
Je leur arracherai le cœur et les yeux
Enfin je me sens à nouveau prospère
On me rend mon argent
Et ma carte bancaire
Je me sens à nouveau très grand
Deux jeunes m’avaient volé ma carte bancaire
Deux étrangers m’avaient volé six-cent euros
Mais je ne suis plus en colère
Ce soir au casino je serai encore le héros
* * *
Ce qu’en moi on assassine
Ce n’est pas le goût du charnel
C’est le cœur universel
Ce qu’on viole c’est mon origine
Et alors je deviens un jeune loup féroce
Ou un enfant mendiant
De froid et de faim tremblant
À moins que je ne meurs aussitôt d’une fin atroce
Face au reflet de ma misère
Je ne devrais surtout pas pour les autres ressentir
Je devrais sans me retourner vite fuir
Mais trop tard ce qui vient c’est de la colère
* * *
Merci mémé de nous avoir compris
Et d’avoir mis la main à la poche
Je les sens tout de suite plus proches
Ceux qui n’ont besoin de rien
Et ceux qui sont trop fiers pour ouvrir la main
Ceux qui entre nous mettent la distance
Je n’aime pas leur suffisance
S’ils n’ont pas besoin de moi
C’est qu’ils ne m’aiment pas
Je ne peux ressentir de la tendresse
Pour ceux qui n’apprécient pas mes largesses
* * *
Ici on ne pouvait être que de passage
À moins de devenir sage
À moins de devenir convenable
À moins de devenir responsable
J’assume ma misère
Je suis un pauvre hère
J’assume ma crasse
Car celle-là jamais elle ne passe