JOIE
Un orage a grondé
Et mon coeur a tremblé
Passent les nuages
Entre de célestes rivages
Dans la ruelle
Un enfant est passé
Il chantait
Et je l’entendais
La vie était belle
Quand l’orgueil fait naufrage
Il prend l’autre pour otage
En lui donnant l’amour pour rançon
Il le guérit sans raison
L’AUTOMNE INDIEN
Les orages de l’été se sont éloignés
Et j’ai sauté par-dessus les barrières rousses
De l’automne indien
D’où tu me reviens
Toi
Avec tes grands yeux
Si fabuleux
NOS MAINS
Je puis poser ma main sur ta main
En me disant que je le ferai encore demain
Quoi qu’il arrive
Quelle que soit ma dérive
Je puis poser ma main sur ta main
En me disant que c’est cela mon chemin
Quoi qu’il advienne
Quelle que soit ma peine
Je peux prendre ta main dans ma main
Et me dire que toi et moi nous irons loin
Quoi qu’il en coûte
Quels que soient nos doutes
Je puis prendre ta main dans ma main
Et me dire que nous sommes bien
Quoi qu’il pleuve
Quelles que soient nos épreuves
Je puis séparer ma main de ta main
En me disant que je reviendrai demain
Quoi que tu en penses
Quel que soit le silence
Je puis poser ma main dans ta main
Et me sentir ainsi très bien
Quoi que j’en décide
Quel que soit le vide
Je puis faire tout ce que je veux
Avec mes mains
Avec moi-même
C’est comme cela que je t’aime
Libre avec tes mains
Libre avec toi-même
Nous sommes alors très bien tous les deux
L’ÂME QUOTIDIENNE
Laissons nos coeurs s’ouvrir à la vie
Laissons nos corps s’unir à la mort
Laissons nos bateaux faire naufrage dans leurs ports
Il n y a pas de vérité Maître
Je tremble
Suis-je un traître
Naviguer en eau profonde
Ne me suffit donc plus
Il y a l’appel sourd
Des étoiles nouvelles qui clignotent
Loin dans un intérieur obscur
Il y a l’appel que je n’entends pas encore
Des racines
Des odeurs
De la pulpe fraîche
Des jours de lumière
Là où ma peau épouse étroitement ma faiblesse
Et elle illumine mes yeux clairs
Mon ciel ne peut être toujours le plus haut
J’ai besoin de l’humilité de la terre
Que mon âme enfin soit plus lourde
Que mon corps
Qu’elle se nourrisse de choses simples
Comme une graine jadis enfouie
Et qui a pourri
Elle germe soudain
La fleur magique du pardon
Naît du ferment
Elle s’épanouit lentement
Elle se nourrit à la souffrance secrète
Laissons nos coeurs s’ouvrir à la vie
Laissons nos corps s’unir à la mort
Laissons nos bateaux faire naufrage dans leurs ports
LÈVRES OUVERTES
Guerriers de l'espérance
Nous avons pris tous les matins comme des dimanches
A l'orée de la nuit
Pourtant nous guettaient tous nos ennemis
Et la lune agitait son flambeau blafard
Au-dessus des rues de mon hasard
J'entendais les murmures des ruisseaux lointains
J'attendais les poupées au visage mutin
Il n y avait ici aucun rêve
Je brisais simplement la froideur de mes lèvres
LA VIE DEMAIN
La paix silencieuse de demain
Sera faite de l'ignorance d'aujourd'hui
Lourde fatalité léguée par nos pères guerriers
A l'aurore de l'avenir qui sommeille encore
Et personne ne sait vraiment
Si le serpent souterrain
Des rêves humains
Apparaîtra un jour à la lumière
De ceux qui savent là-haut
Et qui guident ma main
Ma main qui écrit sans réfléchir
Je ne vois rien
La vie me vient
Et surtout sans cesse elle me revient
VIE POSTERIEURE
Longtemps j'errais comme un chien perdu
Dans les quartiers sales
D'une ville inconnue
On me donnait un peu à manger
Mais je devais souvent attendre la nuit
Pour guetter le moment sublime
Où les gens s'abandonnent à leur fatigue
Et enfin à leurs rêves
Mon rêve commençait au coin du premier caniveau
Je pouvais commencer ma quête
Je rencontrais parfois quelques noctambules un peu gris
Qui me lançaient quelques pièces
En échange je leur donnais un peu de poésie
J'allais voir une petite prostituée
Au regard très doux
Et aux longues cuisses nues provocantes
J'étais un moment partagé
Et vite c'était la tendresse qui l'emportait
Je finissais par lui baiser les pieds
Pour moi c'était vraiment la sainte du quartier
Bien sûr il y avait les rats
Ils grouillaient dans les rues
Surtout dans la journée
Quand personne ne les voyait
Ils ne s'aimaient pas entre eux
Moi je les aimais
Mais ils ne le savaient pas
Ils me prenaient pour un chat
Peut-être à cause de mon dos
Qui à l'époque était plutôt gros
D'elle ils se moquaient
Ou ils l'évitaient honteusement
Quelques-uns l'exploitaient
C'était toujours très négocié
Et je ne m'en mêlais pas
Sauf une fois
Où je lui dis que je l'aimais
Ce qui n'a pas de prix
Et ça ça la gênait
Mais ma quête reprenait son cours
J'allais toujours plus loin sur ce chemin
Qui descendait descendait sans cesse
Un peu plus chaque jour
Mais je n'arrivais pas à sombrer vraiment
Toujours quelque chose me retenait
J'étais à la fois touriste et mendiant
A la fois humble et distant
Je ne craignais pas d'être sali
Les bactéries étaient mes amies
Je leur disais toujours merci
AMI DE JADIS
Ô ami de jadis
J'ignore ton nom d'artiste
Tu me jouas si bien la comédie
Que je la préférai à la vie
Sur les places des villes il y a parfois ta musique
Et l’Éternel me dit que tu es triste
L’Éternel écoute ma prière
Je ne suis pas fait que de bois
Mais aussi d'un métal qui ne rouille pas
Mon âme est acérée
Par l'usure des vieux baisers
VÉRITÉ
La vérité
Ma vérité
Est mon espoir
La vérité est toute une histoire
L'histoire de ma vie passée
Et ce que je veux dépasser
L'histoire de mes rencontres
Avec ces femmes au regard si doux
Et si braves en même temps
Que je ne pouvais m'empêcher
De les aimer
Comme j'aime à présent contempler
Les petites barques des marins du dimanche
S'élancer bravement vers l'océan immense
Et disparaître bientôt à l'horizon
Si frêles d'apparence
Elles reviennent le soir
Pleines et sereines
Dans la lumière d'argent de l'automne naissant
Elles me donnent envie d'y dormir la nuit
Bercé par le lent mouvement des vagues mourantes
Mais en réalité les pêcheurs
Les laissent sur la grève
Et moi en cachette
Je vais dans le noir leur dire mes pensées secrètes
Et en touchant timidement le bois encore mouillé
En m'enivrant des odeurs fortes de la mer
Mon coeur frémit
Et presque il s'arrête
DÉLIVRANCE
Mon ami mon frère
Que puis-je pour ta misère
Au seuil de la mort
Je vois encore souffrir ton corps
Et je te cache mon immense tristesse
En te donnant maladroitement ma tendresse
Mes yeux sauront-ils te dire mon amour
Ne serait-ce qu’un instant très court
Pour qu’à la seconde fatale
Tu t’en souviennes comme d’une étoile
Dans mon coeur tu seras toujours né
Tu brilleras pour moi dans la gloire de l’éternité
EXCLUSION
Les voisins sont venus jouer
Sur le pré
Le vent soufflait dans leurs reins
Je me sentais complice de leurs ébats coquins
Je courais vers eux
Et chaque fois je tombais
Personne ne riait
Et je recommençais
Les voisins sont venus jouer
Dans le pré
Paix à leurs âmes guerrières
Je les ai tuées
En riant
J’étais heureux
Personne ne m’attendait
Ma raison se fissurait
Dans leurs yeux je voyais de la surprise
Dans leurs coeurs des friandises
Laissez-moi aller vers eux
Moi aussi je suis heureux
Les voisins sont venus jouer
Dans mon pré
Et quand j’ai crié très fort mon bonheur
Ils ont eu très peur
Laissez-les vivre
Laissez-moi les découvrir
Les voisins sont venus jouer
Dans mon pré
Hélas je ne puis être des leurs
Car je crie et je pleure
On me fait rentrer à la maison
Je ne sais pour quelle raison
Les voisins sont en train de jouer
DESCENDRE
Le cheval fou de l'Espoir
S'est emballé
Et je n'arrive plus à contrôler sa course
Son galop enfiévré
Me conduit vers des terres inconnues
Éclairées par un soleil rouge
Et j'entends des carillons étranges
Sonner sans cesse précipitamment
Les heures de ce temps que j'ai tant aimé
Et que je veux à présent effacer de ma mémoire
Mais bientôt la course s'apaise
Et des mains frêles et tremblantes
Caressent le flanc palpitant de la bête
Elle semble aimer
Elle baisse humblement sa noble tête
Moi je reste toujours en selle
Je voudrais atteindre tout de suite
Les crêtes
Là où l'air est pur
Je vais pouvoir enfin respirer
Tranquille
Jusqu'à la fin des jours
Voir les choses et les hommes de loin
De loin
Mais les hommes m'empêchent d'aller plus loin
Ils veulent que je m'arrête sur mon destin
La fumée des incendies
Que j'ai allumés dans un lointain passé
Et laissé brûler
Sans jamais m'en soucier
La fumée me fait pleurer
Je ne vois plus rien
Je ne veux plus rien
Surtout pas de leurs mains
Je veux fuir sur le Chemin
Je ne veux pas être aimé
Admiré ou approuvé
Je veux être libre
Être moi-même
Et repartir tout de suite vers demain
Mais Il n'obéit plus
II aime la chaude pluie
Des mains et des yeux silencieux
Qui tombent doucement
Sur sa fatigue
Accumulée pendant des siècles de fierté
Alors
je
Descend
RENOUVEAU
Les élans de la nuit
Ont rouvert la plaie profonde de mon ennui
Et j'ai plongé dans l'eau précieuse
De ta jeunesse radieuse
Je ne m y suis point noyé
Mais j’y ai tout oublié
Et par ma défunte mémoire
C'est à toi à présent que je vais croire
Ma conscience est sans visage
Elle ne cherche pas son âge
Elle est comme un matin
Qui n'a pas de fin
Elle est comme la lumière
Qui elle-même s'éclaire
Elle n'a donc pas de mots
Pour dire ce qui est le bien et le beau
Car il n y a rien sous le voile
Que l'infini et ses étoiles
L’éternité du maintenant
Dont Vous est le seul élément
Car c'est ainsi qu’est votre évidence
C'est mon existence qui danse
Quand je vous regarde avec amour
Sans attendre une image en retour
Colère tristesse et allégresse
Ne sont alors jamais à mon adresse
Mais comme de libres fleurs
Qui puisent leurs parfums dans mon cœur
ÉLÉVATION
Nous baladerons nos vies
Dans des royaumes innocents
Et nous baiserons les pieds de l'oubli
Le pardon nous donnera les ailes nécessaires
Pour atteindre l'amour vrai
Celui qui ouvre les cœurs
En y faisant parfois des plaies béantes
D'où coulera le sang noir de la rancune
Alors nos regards s'éclairciront
Et nous monterons main dans la main
Par ces chemins secrets
Qui mènent là d'où personne n'est revenu
Nos lèvres tremblantes balbutieront des mots
Qui feront frémir les esprits sauvages
Galopant dans cette plaine immense
Où nous passerons tranquillement
Désarmés jusqu’aux dents
Pour mieux goûter au firmament
FENÊTRE SUR JARDIN (1 extrait)
Je voudrais me noyer dans la matière
Comme une graine qu'on oublie
Pendant tout un hiver
Et puis soudain voilà qu'elle sort du néant
Et personne n'y comprend rien
D'où elle sort celle-là
D'elle il n'y avait aucune trace
Et tout d'un coup voilà qu'elle prend toute la place
Elle avait si complètement disparu
Qu'on avait oublié son existence
Et soudain elle sort d'un souterrain
Comme un tunnel obscur en plein milieu de la lumière
Bonjour
Vous allez bien
Moi aussi
Je reviens de loin
ÇA VA MIEUX (1 extrait)
Un oiseau est venu chanter auprès de mon arbre
Je m'étais assoupi au bord d'une oasis
J'attendais sur le côté d'une route
Que je ne voyais pas
Je ne sais pas où je vais
Je ne sais pas où je suis
Mais je sais enfin qui je ne suis pas
Je vais pas par pas
Le rire d'enfants
Heureux comme des petits dieux
A fait vibrer mon coeur
Il vit mieux
LA MORT DU RÊVEUR (1 extrait)
Visages de femmes dans la nuit
Que j’ai autrefois entrevus
Je les croisais dans les rues
Sans faire de bruit
J’étais par nature amoureux
Je les trouvais tous beaux
Et je passais silencieux
Sans dire un mot
C’était un défilé sans fin
De petits bonheurs passagers
Et j’aimais ce chemin
Où sans cesse je rêvais
C’était un rêve sans retour
Je n’attendais rien
Il me suffisait d’entretenir mon amour
Pour me sentir vraiment bien
On m’aurait pris pour un simple d’esprit
Si j’avais dit la douceur de ma joie
Personne ne m’aurait compris
On m’aurait montré du doigt
VOYAGE
Oui c’est vrai j’ai souvent fait ce voyage
Oui c’est vrai j’ai souvent franchi le grand passage
Et j’en suis toujours revenu
Bien qu’à chaque fois ce n’était pas prévu
Mais cela se fait quand même
Peut-être parce que c’est une chose que j’aime
Je veux dire que je l’aime trop
Alors on me fait revenir illico presto
Les gens de là-bas n’aiment pas les touristes
Ils les considèrent comme des fumistes
Pour eux il ne faut pas se contenter de visiter
Mais il faut vraiment s’y installer
C’est vrai que c’est un beau lieu de résidence
Comme il n’en existe pas dans cette existence
Mais c’est aussi un peu ennuyeux
De voir tous les jours tout le monde heureux
Ce n’est pas ce que ça me coûte
De prendre souvent cette route
Ça vaut vraiment le détour
Et c’est un trajet très court
Pas le temps d’admirer le paysage
Il vous suffit de changer d’âge
Et pour revenir il ne s’agit pas de rajeunir
Car là-bas il n’y a ni passé ni avenir
Mais il faut simplement perdre la conscience
Et se laisser retomber dans l’ignorance
Par exemple en pensant beaucoup
On tombe dans un immense trou
Et l’on traverse l’espace
Á la vitesse de la disgrâce
Mais comme je vous l’ai dit
C’est bien mieux ainsi
Dans d’aussi belles demeures
Les visites les plus courtes sont les meilleures
C’est trop bien pour moi
Ou peut-être j’ai l’impression que je ne le mérite pas
J’y parviens toujours par inadvertance
Quand j’oublie mon existence
Quand je suis tellement distrait
Que j’oublie mon intérêt
Quand je me sens être personne
Et qu’au hasard je m’abandonne
Alors je me sens par tout envahi
Et je ne sais plus qui je suis
C’est cela le grand voyage
C’est ne plus voir son propre visage
C’est devenir ce que l’on voit
Et tout ce que l’on perçoit
Ce n’est pas une question de technique
Pas besoin de connaissance scientifique
Car il faut beaucoup de légèreté
Comme à la lumière il faut de la fluidité
Il faut abandonner toute mémoire
Ne plus délimiter son territoire
Et alors on voit tout verticalement
On change radicalement de plan
Mais je le répète ce n’est pas si extraordinaire
Du moins quand on n’a pas une âme de sédentaire
Quand son esprit erre et ne s’attache à rien
Et que l’on perd toujours son chemin
Enfin peut-être qu’un jour j’en ferai ma résidence principale
Un jour de grande fatigue générale
J’ouvrirai vraiment mes yeux
Afin de situer exactement ce lieu