CLANDESTIN
Ma conscience est sans voix
Elle ne connaît ni comment ni pourquoi
C’est un palais de silence
Pour celui qui pense
Ce palais héberge un noble héros
Mon dieu qu’il est beau
Qui s’en croit le propriétaire
Mais n’en est même pas le locataire
Avec ses pensées comme clefs
Il essaye de tout fermer
Mais il y a toujours une ouverture
Qui n’avait pas de serrure
Il y a toujours un clandestin
Qui trouve un chemin
Il y a toujours un autre
Toujours un nouvel hôte
Ça n’est jamais fini
Toujours de l’inédit
D’ici je ne suis pas le maître
Surtout si je veux le paraître
Par de longs discours
Par des preuves d’amour
Par des expériences
Par l'excellence
Mais c’est en voulant bien
Ici que les autres soient souverains
En acceptant leur différence
Que je retrouve le silence
Au lieu de totaliser
Je vais plutôt écouter
Je serai partout inaudible
Et toujours divisible
L’autre je ne le verrai plus
Je ne l’entendrai plus
Mais perdant de moi la mémoire
J'assumerai son histoire
JAMAIS À MOI PAREIL
Excusez moi je ne suis pas parfait
De tous vos bienfaits
Et de toutes vos fautes
Je suis l’aimable hôte
Et j’en suis aussi l’auteur
Car c’est moi le beau parleur
C’est par un prétentieux langage
Que j’oublie mon vrai visage
Je vous en demande pardon
Car je n’est pas qu’un pont
Il n’est pas fait que de silence
Mais aussi de votre signifiance
Je ne mets pas d’autre dans mon Un
Je suis seul sur ce chemin
Dont vous êtes les surprises
Comme de déroutantes balises
Elles mêlent nos pas
Me font changer souvent de voie
Elles élargissent l'immense fenêtre
Qu'est la conscience de mon être
A la fois bon et mauvais
Car j’aime et je hais
Je suis un détonant mélange
A la fois démon et ange
Une irrémédiable tension
Au bord d’une explosion
Que seule une douce grâce
Au dernier moment remplace
Une invisible main
Qui je ne sais d’où vient
Avec une étrange indulgence
Me détourne à chaque fois de la violence
Mais il n’y a pas d’élus
Seulement de l’imprévu
Seulement l’ouverture
L’absence d’armure
Accepter d’être désarmé
Pour gagner la vérité
C’est une victoire
Qui ne donne aucune gloire
Mais je ne veux pas paraître inférieur
Aux autres chercheurs
Je ne veux pas dévoiler mes doutes
Risquer de mon honneur la déroute
Soudain voilà que je ris
Soudain voilà que je suis
Je prends conscience
Je suis inconstance
Jamais à moi pareil
C’est cela l’éveil
Impossible à prédire
A la fois le fusil et la mire
Tantôt comme un roi
Tantôt sans la moindre foi
Tantôt dans l’offensive
Tantôt à la dérive
RÊVE
Je marche le long d'une falaise verte.
Devant moi marche Yaki.
J'ai peur, je tremble.
Le sentier est étroit, la falaise est haute et, devant moi, marche Yaki.
Il est vieux, il est gris.
Il marche lentement.
Yaki est un vieux sage et c'est mon ami.
Derrière moi, il y a Olott, l'enfant multicolore.
Il court, il crie, il saute, il me bouscule !
Il me fait peur.
Je pose la main sur l'épaule de mon vieil ami, devant.
Je sens la tribu qui suit, à la file, derrière.
Je suis rassuré.
Soudain je me sens
Poussé,
Re-poussé,
Re-poussant !
Et moi,
Le vieillard,
L'enfant,
Nous tombons ensemble.
Dans le vide.
Je les sens si proches, si proches dans cette chute
qui n'en finit pas !
Enfin, je tombe !
Sans pouvoir me retenir.
Je n'ai plus peur.
Cette chute est sans fin.
Cette chute est sans début.
Elle n'a jamais commencé.
Elle ne finira jamais.
Mon dieu, je découvre qu'elle n'a pas de sens !
Elle est maintenant, elle est ici.
C'est un trou sans fond et sans chapeau.
Pas un trou noir !
Au contraire, un abîme de lumière.
Nous nous tenons les mains, nous ne faisons qu'Un !
Les corps se cabrent, se redressent,
Nous rejaillissons.
Très haut.
Très bas.
Âme à la Verticale.
Maintenant nous sommes Ici.
Ici est une plaine immense, l'horizon familier de ma vie.
Avec toute la tribu.
Mon dieu, qu'elle est immense !
Nous nous ressemblons tous.
Qui est Yaki ? Qui est Olott ?
Mon dieu, qui suis-je, qui est l'autre ?
Je ne me vois nulle part...
Des larmes ne cessent de me laver les yeux.
Enfin, je vois.
SILENCE
Il est monté jusqu'au sommet
Et longuement l'horizon il a scruté
Il n'en finissait pas de descendre
Je n'ai fait que l'attendre
Mais il n'est jamais revenu
Et je ne me suis pas tu
Mes appels résonnaient dans le vide
Ma nuit était aride
Je répétais les mêmes mots
J'espérais qu'ils fussent si beaux
Que le désert ils fécondent
Qu'ils donnent du sens à ce monde
Mais personne ne m'a pris la main
Et seul j'ai continué mon chemin
Je n'attends plus les oracles
Plus besoin de spectacle
La parole n'est plus d'or
Je ne crois qu'en mon corps
Il est immense
Et baigné de silence
Au fond d'un lac il y a un vieux monsieur
Qui maintenant est heureux
Sous cette étendue tranquille
Il a élu domicile
JAMAIS UN SANS DEUX
Au royaume de l’unité
C’est toujours le même qui est aimé
Sous mille formes
Tout partout serait au Un conforme
En vérité et c’est heureux
Jamais Un sans Deux
A la fois unique et multiple
De personne tu n’es le disciple
Tu ne cesses de désirer
Pour te réunifier
Mais c’est un attelage
Qui ne cesse de faire naufrage
Car la séparation ne suit pas l’union
Elle en est la condition
La tension ne précède pas la détente
Mais l'une de l'autre sont dépendantes
Exclure un des deux éléments
Vouloir qu'un seul soit important
Que tout soit unitaire
C'est refuser le mystère
C'est refuser l'éternel
Que de refuser le mortel
A vouloir que tout soit compréhensible
On se croit infaillible
Pratiques sont les schémas
Il n'y aurait que le haut et le bas
Le vivant ne serait qu'un rêve
Et l'inexistant ce qui élève
Ou la mort serait un néant
Et la vie le seul composant
Que l'on rentre ou que l'on sorte
Il y aurait comme une porte
Que ce soit la fin ou le début
Rien aucun absolu
Que de la matière
Rien qui la génère
Oui mais la mort est un grand malheur
Elle nous fait à tous très peur
Surtout quand aucune espérance
Ne peut lui donner une signifiance
Alors y a t-il ou non une vie après
Il y a et il n'y a pas sont vrais
Si tu les sépares
Alors tu les compares
Mais si tu les ressens
En même temps
En acceptant leurs différences
Donc dans le silence
Tu te sens réel
Ni mortel ni éternel
Au moment de disparaître
Tu seras simplement conscient d'être