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D É C R Y P T A G E S

de quelques textes du livre L'Autre Ici de Jean-Paul Inisan
(Éditions Edmond Chemin, 2015)

ICI
Voici un texte directement inspiré par l'enseignement de Douglas Harding. Ici, « à zéro millimètre de soi », il y a un lieu infiniment immense, silencieux, tranquille, totalement immobile, dans lequel chacun est installé... Et cet espace est ouvert au monde, ouvert à la Vie, grand ouvert à tous les Vivants ! Habiter cette tranquillité, c'est en même temps accueillir pleinement la danse frénétique de la Vie en y perdant le sens de son identité (ou parce que...). C'est joyeux, c'est spontané, c’est vivant ! Il y a une coïncidence parfaite entre la conscience tranquille maintenant-ici et l'expérience passionnée, follement amoureuse de la Vie.

PAYSAGE
Encore un texte inspiré de Douglas Harding ! C'est un peu la reproduction de la fameuse expérience d'illumination qu'il vécut dans l'Himalaya en contemplant un paysage grandiose. Il eut soudain cette révélation qu'il n'avait pas de tête. La beauté de l'environnement avait totalement absorbé son attention. Le poème connote  l'absence de distance et de profondeur du tableau et le fait qu'il ne peut être vécu que dans le présent. Il est aussi difficile d'en parler car alors on le met à distance, on en fait un symbole.

CLANDESTIN
En plus de l'influence de Douglas Harding, celle d'Emmanuel Levinas (voir "Liens") est manifeste dans ce texte. Pour ce philosophe nous ne pouvons jamais totaliser un savoir. Il y aura toujours un autre (personne ou évènement) qui surviendra pour dé-totaliser, pour remettre en question notre prétention à tout savoir, à avoir des réponses à tout. Et cela est beau ! C'est source de silence, d'écoute et d'amour ! Un vrai bonheur (et gratuit) !

AUTO-DÉCAPITATION
Ce poème est en quelque sorte une suite au texte précédent en ce sens qu'il met le lecteur à l'épreuve de la différence. C'est avec un humour provocant qu'il illustre la merveilleuse expérience d’auto-décapitation à laquelle Douglas Harding nous a souvent conviés et que ses amis continuent à pratiquer. La dernière strophe est une référence à la notion d’Infini d’Emmanuel Levinas. Pour ce philosophe l’Infini est ce qui ne peut jamais être totalisé, ce qui ne peut jamais être définitivement terminé, ce qui est à jamais altérable. L’Infini, c’est l’Autre, c’est la différence.

ALIBI
Un poème qui célèbre le nouveau, l'imprévu, qui nous dit qu'il ne faut pas craindre la confrontation avec des personnes différentes ou des événements inattendus. Il nous dit aussi que la liberté d'être différent des autres, « ce n'est pas de la tolérance, c'est de la surabondance
 ». Et, en finale, il nous invite à rester vrai, à ne pas jouer à paraître toujours ouvert aux autres, c’est-à-dire à être aussi un autre imprévisible, surprenant, pour soi-même.

COLÈRE
Un très long poème (4 pages), qui est presque un roman spéléologique ! Le narrateur est apparemment coincé dans un boyau souterrain qui symbolise la période de l'adolescence, de la révolte, de la colère. Il se sent rétréci, il souffre qu'on lui ait volé l'immense domaine qui est le sien, et il fait de monstrueux efforts pour en sortir.
Sous prétexte de l'aider, le monde des adultes bien pensants ne fait qu'aggraver sa situation. Sa colère finit par exploser, mais le résultat est paradoxal. Inspiré par la lecture du livre "Le procès de l'homme qui disait qu'il était Dieu", ce texte peut donner matière à de nombreuses interprétations psychanalytiques. Pour certains il s'agit du récit (à peine voilé) d'un revécu douloureux de naissance. Le bébé ne parvient pas à s'extraire du corps de sa mère, il a l'impression qu'il va étouffer... Un fois adulte, cela devient son mode de vie favori. Mais n'est-ce pas aussi tout à fait l'inverse ?

SANS-PAPIERS
Ce poème célèbre la vraie nature de l'exclu, du "sans-papiers", c'est-à-dire de celui que rien ne peut définir : aucun titre de propriété, aucun diplôme, aucune création, aucun outil qui lui permettrait de dominer les autres. C'est un être fragile, qui ne dispose d'aucun pouvoir, ni de la reconnaissance sociale, qui partout est considéré comme un hérétique : "Un petit enfant, un vieux mendiant", "un oiseau craintif, il s'envole au premier tour de parole". Peut-être un saint...

NAVETTE
Un texte qui commence par une belle provocation à tous les adeptes d'une pratique spirituelle et plus particulièrement aux "amis" de Douglas Harding. Mais le poète s'incline quand son interlocuteur lui avoue que parfois il doute et qu'il pense "que chaque vérité a son contraire".  Il vit alors une expérience de "navette" folle et enivrante "Comme un ressort / Entre deux ports / Des deux côtés il y a un phare / Entre les deux c'est la gare / Le conducteur est spectateur", etc.

JAMAIS À MOI PAREIL
"Le sujet est un hôte", a écrit Emmanuel Levinas. Un hôte pour tous les autres, quels qu'ils soient, quoi qu'ils aient fait en bien ou en mal. Il faut prendre le risque de prendre la responsabilité de ce monde si hétéroclite que chacun accueille presque malgré lui, en lui, dans sa conscience. Mais se sentir responsable de tous les autres est source d'une tension dangereuse, "Que seule une douce grâce Au dernier moment remplace" L'auteur se démarque cependant de son inspirateur quand il écrit : "il n'y a pas d'élus", et il finit par rire de sa propre inconstance. C'est alors qu'il se libère.

PASSAGER
Petit poème allégorique de quatre strophes qui parle d'un mystérieux passager fantôme  qui trouve toujours sa place occupée par un autre, dans un train de nuit. "Et il se sent très honoré Parfois il l'interroge Jamais il ne l'en déloge"

SOLUTION FINALE
Titre terrible pour ce poème à tonalité anarchiste, qui dénonce l'esprit de système - "Quand la conception est totale/Attention la solution devient finale" et défend  le pluralisme des idées.

L'ENTRE-DEUX
Poème polémique qui pointe les dangers de l'unitarisme philosophique à la mode. "Sans frustration Il ne peut y avoir de motivation", "C'est contre la division que nous recherchons l'union". "Un couple sans querelles est comme sous tutelle".

PAS BEAU L'AUTRE
Il ne s'agit pas d'aimer l'autre pour son apparence, mais ne pas craindre de ressentir ce qu'il ressent en lui : ses émotions, son agressivité, son histoire, ses problèmes... Ne pas craindre de le détester... Le meilleur cadeau qu'on puisse lui faire, c'est la sincérité. C'est la leçon de ce texte corrosif, sans concessions.

JAMAIS UN SANS DEUX
Dualité et unité sont inséparables. Il n'y a pas d'un côté le tout bon et de l'autre côté le tout méchant. Ce sont là des schémas faciles et rassurants. Mais la mort ? questionne un interlocuteur inattendu. La mort n'est-elle pas mauvaise ? Tu n'es "Ni mortel ni éternel", répond le poète en invitant son ami à "ressentir" silencieusment ces deux réalités opposées.

TENSION
Long dialogue philosophique entre un maître et son disciple sur la question de l'être. L'élève conteste l'utilité de cette notion pour lui purement théorique, ne présentant aucune intérêt pratique. L'enseignant la met en relation avec un "ne pas être" qui est tout à fait différent de l'état de mort. Cette connaissance de la vérité est apaisante.

DU FOND DE MA MARMITE
Un vieil homme s'est réfugié au fond d'une grande marmite d'où, par une petite ouverture, il observe le monde sans qu'on soupçonne sa présence. Il ressent un véritable bonheur en contemplant ainsi la Vie,  les Vivants, sans plus rien en espérer.

BRIGAND
Le poète se moque de l'enseignement de son maître (Levinas ?), lui reprochant de lui imposer, en contradiction avec son propre enseignement, encore de belles généralités. Il ne veut pas être cet autre fragile dont les autres seraient totalement responsables : "Tu me prends pour un ange Tu me fais plein de louanges Mais je ne suis qu'un brigand..."

VOYAGE
C'est l'histoire initiatique d'un Indien (Amérindien) qui voulait monter vers les cimes en un suivant le cours d'un torrent. Mais il ne peut lutter contre la force du courant et est entraîné, par paliers, toujours plus bas. A chaque palier, il rencontre soit la guerre, soit la terre. Finalement, il parviendra à un immense lac paisible où il pourra choisir 
tranquillement son destin.

LE VAUT-RIEN
Ce poème célèbre la libération d'une personne qui a pris conscience de l'inéluctabilité de son ego. Il accepte d'être constamment changeant, jamais le même, de toujours jouer des rôles mais consciemment, en en étant détaché, en s'en amusant.

RE-PRÉSENTATION
C'est le refus de celui qui choisit de jouer la comédie de la vie, qui rejette délibérément la tranquillité aimante de la conscience sous prétexte de vouloir que sa vie soit une aventure dangereuse et excitante. "Jouer des rôles C'est quand même plus drôle". Il rejette aussi la prétendue vulnérabilité  de son visage nu 
(suivant le philosophe Emmanuel Levinas) et sa soi-disant générosité,  car "Je ne suis pas un comptable Je ne donne que ce qui n'est pas vendable".

PARDON MES AMIS
Dieu s'excuse de ne pas être un dieu bon : "Je vous en demande pardon Je ne suis pas un dieu bon". Mais de quel dieu s'agit-il ? N'est-ce pas chacun d'entre nous quand il assume pleinement la responsabilité de ce qu'il vit, sans fuir le monde, sans éviter les faux-fuyants, sans vouloir jouer à l'ange. L'influence du philosophe Levinas est très perceptible dans ce petit poème : "Vos crimes et vos malheurs J'en suis l'auteur Vous êtes vulnérables J'en suis responsable"

DIFFÉRENCES 
Lamentation ironique de celui qui reconnaît des différences importantes avec un ami qui semble être aussi son conseiller spirituel. Il déplore l'inégalité de leurs deux conditions. Il loue la supériorité de son compagnon en lui reprochant cependant ses silences.

BELLE BAGARRE
Dialogue philosophique entre un maître zen et son disciple. Celui-ci reproche à celui-là de ne pas s'intéresser à sa vie personnelle. L'enseignant lui répond en lui disant que le savoir "n'est pas un avoir Que l'on pourrait donner ou recevoir [...] C'est un discret vécu" qui doit rester secret. Et avec les autres il ne joue pas le rôle d'un pacifiste généreux et tolérant. Il ne rejette pas la violence mais assimile cette différence. "Par mon adversaire je suis armé Il est mon égal et mon maître" Mais c'est aussi "un combat déloyal Car quand sur moi il se précipite Aussitôt je me décapite. En posant ma tête sur son cou Je ne sais plus qui reçoit les coups"  On retrouve ici le thème de la décapitation (voir plus haut) mais aussi l'esprit qui préside aux combats martiaux (du moins à l'origine).

DISCORDANCE
Nouveau dialogue où le maître récuse la sagesse et l'innocence qu'on lui attribue : "Alors je deviens fou Je lui rends coup pour coup De lui je me mets à rire Des moqueurs je deviens le pire". Après un échange vif où il repousse les compliments de son disciple, il finit par lui avouer que ce qu'il vénère par-dessus tout, c'est la beauté (au sens de noblesse). Il précise cependant qu'elle ne pourrait être reconnue sans l'existence conjointe de la laideur.

UN COUPLE IMPÈRISSABLE
Poème sur l'unité de la mort et de l'éternité : "Le créé jamais ne perdure L'éternel est sa texture" et "Tu es divisé et uni À la fois limité et infini Pas seulement dans ce qui trépasse Mais aussi dans le présent espace"

TOUJOURS LE MÊME
Long poème où un maître zen reproche à son disciple de tout simplifier par des schémas qui le rassurent et de n'aimer que lui-même à travers les mille formes que peuvent prendre les autres : "Ce n'est pas un nouveau que tu aimes Mais c'est toujours le même Ce n'est pas le différent C'est le ressemblant". Il lui recommande la discrétion et le silence qui permettent de ressentir ce que c'est que d'être autre, mais sans en faire une démonstration publique. Et il précise : "Il ne s'agit pas de ne rien faire Mais du mécanique il faut s'extraire".

SANS GÊNE
Voici un texte court qui célèbre étrangement le resurgissement soudain et totalement impudique de la Vie et invite le lecteur à épouser ce mouvement : "Son corps est généreux Ses formes sont pleines Sans la moindre gêne"

FANTÔMES DU PRÉSENT
Curieux fantômes que ces deux aventuriers de la mer que sont un aveugle et son chien voyageant dans "un océan surpeuplé d'ilots"! Vous serez surpris d'apprendre qu'ils résident chez vous : "Ils habitent chez toi Et tu ne le sais pas Tu ressens leur présence Malgré leur transparence".

LA MAISON DU POÈTE
"Il n'y a que trois murs dans cette maison C'est une drôle de construction Une étrange architecture Avec devant une immense ouverture" Ce long poème puise d'évidence son inspiration dans l'oeuvre de Douglas Harding. Ce que le poète écrit lui vient d'ailleurs, quand il n'est que simple canal pour des mots qui ne lui appartiennent pas. Mais l'influence d'autres philosophes comme Heidegger et Derrida est aussi perceptible :"Aucune grande vedette Peut-être quand même le poète" - "Par lui le textuel Devient l'originel L'indicible Devient perceptible". Et le rite sacrificiel  revêt ici un sens étrange : c'est  "Un hommage à l'inconnu Que jamais il ne tue Il voile son visage Et tourne ainsi la page".

CONSCIENCE DOUBLE
Lorsqu'il était enfant le président américain Obama raconte qu'il se croyait blanc parce que dans son entourage il n'y avait que des blancs. Le cygne né parmi les canards se prend et se comporte comme un canard. C'est donc en regardant les autres que nous créons notre image de nous-même et que nous pouvons aussi les comprendre. C'est ainsi également que nous pouvons atteindre ce qu'il y a de plus profond en nous qui est aussi ce qu'il y a de plus profond en l'autre. "Il y a aussi le côté qui à la vue est masqué Il cache notre plus cher secret". "Ici tout est en double Mais cela jamais ne nous trouble"

LA PORTE
Long poème qui raconte la disparition d'un maître qui, apparemment, a perdu son charisme. Il est amicalement rejeté par ses disciples. Mais, en partant, son ombre devient immense. Ce texte initiatique aurait-il un rapport avec la mort récente (2007) de Douglas Harding qui, malgré des divergences importantes, demeure la référence spirituelle majeure de l'auteur ?

D'EN HAUT
Installé à la fenêtre de son appartement, situé en haut d'un immeuble, un curieux mysanthrope observe nuitamment l'agitation de la rue. Il se réjouit de la distance qui l'en sépare et, en même temps, il ressent un fort besoin de contact social. A l'aube, il descend de son observatoire "pour rêver".

À CHACUN SA JOIE
Le titre et la première strophe sont identiques à ceux d'un texte publié dans un recueil précédent. Ce poème nous recommande de suivre la voie que nous avons choisie sans jamais nous en détourner mais en respectant aussi  les chemins empruntés par les autres, quels qu'ils soient : "Alors tu suis ta route Sans le moindre doute Tu respectes les autres chemins En suivant le tien"

INEXISTENCE
Manifeste provocant d'un rebelle incurable qui ne veut surtout pas donner de lui une image "sucrée" de gentil ou de pacifiste. Il tient à sa vie d'asocial : "Je me sens libre et heureux En vivant comme un gueux À rien je ne m'attache Aucun trésor je ne cache". Mais il reste lucide : "Seule demeurera la conscience De mon inexistence".

L'AUTRE EN MOI
C'est grâce à un ressenti commun que je peux connaître l'autre. Mais sa vraie nature est en fait d'être imprévisible, autrement dit tout à fait réelle. Je ne peux me réaliser et trouver ma liberté que par l'autre, car ici, à zéro millimètre de moi, il n'y a personne : "C'est le règne de la liberté Et de la parfaite inégalité Ce que je te donne Vient de personne Alors que ce que je reçois Vient toujours de toi". Poème "douglassien" (terme dérivant de "Douglas Harding)".

LAÏQUES
L'auteur affiche le caractère laïque de sa quête spirituelle en célébrant les héros de l'histoire qui se sont sacrifiés afin de sortir les peuples de la misère ou de l'oppression. Il déplore qu'ils ne soient pas fêtés comme des saints au même titre que ceux dont les noms  figurent sur les calendriers romains. Il reconnaît qu' : "ils n'étaient pas parfaits" mais "ils avaient plus de courage Que la plupart de nos grands sages". Cependant, il ne veut rejeter personne en concluant
 : "Il n'y a ni démons ni anges Mais seulement un vivant mélange".

SANS GUÉRIR
Il est difficile d'aider un proche quand on s'identifie à sa douleur. Mais si l'on sait garder la distance, tout en restant attentif à ce qu'il ressent : "Á la fois dans une parfaite détente Et ressentant très fort ce qui le tourmente Alors c'est à la fois un duo et un solo Et je trouve les gestes et les mots C'est comme une divine grâce Devant laquelle je m'efface".

FÉMININ MASCULIN
C'est le féminin en lui qui permet à l'homme de comprendre la femme, comme c'est le masculin en elle qui permet à la femme de comprendre l'homme. Et ceci n'a rien à voir avec la différenciation sexuelle : "Car ce qui assouvit mon désir Ce n'est pas de jouir Mais c'est que j'abolis toute distance C'est que ne trouve qu'une seule présence" et "C'est dans ce qui divise que l'unité se puise".

RÊVE
C'est un rêve de l'auteur où il est amérindien. Il longeait le bord d'une haute falaise, avec toute sa tribu. Il y a eu une bousculade et il est tombé dans le vide, accompagné d'un vieux sage et d'un enfant agité.  Ils se prennent les mains, ils ont confiance, ils se laissent tomber sans résister. Et alors soudain "Les corps se cabrent, se redressent, Nous rejaillissons Très haut Très bas. Âme à la Verticale." Et "Maintenant, nous sommes Ici. Ici est une plaine immense, l'horizon familier de ma vie", "Mon Dieu, qui suis-je, qui est l'autre ? Je ne me vois nulle part... Des larmes ne cessent de me laver les yeux. Enfin, je vois

TROU BLANC
Un homme désespéré se laisse aller au plus profond de la détresse et, tout en observant avec amour le monde si vivant autour de lui. "Au fond du trou", alors qu'il n'attend plus rien de personne, un miracle se produit : il entend des bruits de pas puis une voix qui chante au-dessus de lui. Il "remonte à nouveau la pente".

FOU
Dans ce poème, c'est un homme âgé qui s'exprime. Il s'accroche à la vie par un comportement excentrique qui peut paraître  fou mais qui est sa manière à lui de survivre "La maison s'écroule Et pourtant le fou demeure C'est une bonne boule Celle qui ne peut compter ses heures". La conclusion est très "douglassienne" (Douglas Harding) : "Je suis hors champ, je suis hors du temps" "C'est une belle aventure Que me donnent ces lunettes sans verres et sans monture"

TRANSE
Texte hermétique qui semble raconter la quête passionnelle et tourmentée de la vérité par une personne qui veut "Naufrager dans la transe". Il est difficile de savoir ce qui se passe réellement ensuite. Il est question de fenêtre, d'immensité, de révolte, de passion que l'on devine charnelle. Et le poème se termine ainsi "Je s'est jeté il s'immole Il ne me reste rien Il me reste le rien C'est drôle Je me sens plein".

CARREFOUR
Déclaration d'une personne qui ne se décide pas : "Je ne sais pas qui je suis Je suis au même carrefour Depuis toujours Aucune route  je ne choisis". Précisément, n'aurait-il pas choisi la bonne voie ?

MAINTENANT
Court récit d'une quête contradictoire, partagée entre l'attrait de la force et la séduction du fragile (grâcile).

DE LA FIN JUSQU'AU DÉBUT
"Allez, rame !" Cela aurait pu être le titre de ce poème où une personne semble se fermer à tout ce qui veut entrer chez elle, même quand cela lui est favorable. Elle préfère être "comme un poisson Qui dans son bocal tourne en rond" sans jamais se reposer : "Je ne cherche pas de rivage Mais sans cesse je nage".

SILENCE
Le maître était monté seul au haut de la montagne et il n'en était jamais redescendu. Le disciple l'avait attendu en vain, puis il avait crié dans le désert. Personne ne lui avait répondu. Aujourd'hui, "Au fond d'un lac il y a un vieux monsieur Qui maintenant est heureux Sous cette étendue tranquille Il a élu domicile."

MARELLE
Poème initiatique, inspiré par le phosphénisme méditatif créé et pratiqué par l'auteur. Le phosphène* (appelé ici soleil) se trouve au centre et l'attention est irrésistiblement attirée par un miroir en haut sur la gauche, qui se prolonge par un dortoir, plus haut encore sur la gauche. Le parloir est plus bas que le phosphène, au niveau de la gorge, et, au-dessous, il y a le "corpoir". L'auteur nous déclare qu'un vide paisible et une lumière vive (mais pas éblouissante) remplissent sa conscience quand il sait vers où exactement son attention se dirige au moment présent : dans le miroir, dans le dortoir, dans le parloir ou dans le corpoir.

* phosphène : cercle lumineux perçu visuellement après avoir fixé une ampoule de lumière blanche (sans ultraviolets) pendant quelques secondes.

ENNEMI
Poème que certains ne manqueront pas de qualifier de "nietzschéen" car il semble célébrer le combat (loyal) entre deux guerriers belliqueux, revendiquant chacun le monopole de la pureté : "C'est pour me purifier Que je veux de l'autre me libérer" et "Et ce que chacun traque C'est de l'autre le démoniaque". Mais, en réalité, n'est-ce pas plutôt une allégorie représentant la vie comme une tension perpétuelle entre deux pôles ou comme une tentative vaine d'exorciser le mal en le projetant sur l'autre. C'est ce que semble suggérer la fin du texte : "Il me reste la conscience du jeu Que nous jouons tous les deux La lutte est loyale Elle ne sera jamais finale".

ÉLÉVATION 
Ce texte évoque le feu ardent de la passion charnelle, sublimé par le détachement, la non-possession et l'amour.

REPENTANCE
Un homme fait le bilan de sa vie de bohême. Il regrette ses erreurs passées, mais rejette toute idée de réparation post-mortelle car il n'a rien accumulé. Il n'a jamais compté ni le bien ni le mal qu'il a fait. Aujourd'hui, au terme de son existence, la seule chose qu'il déplore vraiment, c'est de "n'avoir gardé personne en otage Car alors par une légitime séquestration J'aurais pu réussir ma réhabilitation

CONFUS
Celui qu'il aurait dû logiquement détester, car il représentait exactement  l'inverse de ce qu'il voulait être, parce qu'il séduisait ceux qu'il aimait, voilà que lui aussi, il s'est mis à l'aimer. Il a ressenti sa fragilité, sa pureté, et il a ressenti une immense tendresse pour lui. Incompréhensible !

AUCUNE PREUVE
La visite d'un extra-terreste extravagant a surpris le poète. Il n'était pas spécialement beau, il refusait de répondre aux questions de son hôte et protecteur. Il n'était pas gentil, il lui vida sa cave à vins, lui chanta des mélodies impossibles, et puis, après maintes fêtes et rires, il disparut comme il était venu. Sans laisser la moindre trace, la moindre preuve de son existence.