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Le Dialogue Intérieur
par des exemples

 (extraits ci-dessous... )  

 

LE MULTIPLE ET LE UN  - Le Dialogue Intérieur en exemples.
S’appuyant sur de nombreux exemples de séances et quelques contes inédits, ce livre présente une version moderne du Dialogue Intérieur, méthode de développement personnel (et de coaching), créée aux États-Unis par deux docteurs en psychologie : Hal et Sidra Stone. Le Dialogue Intérieur s’est fondé sur cette idée (vérifiée par l'expérience) que nous sommes tous composés de personnalités différentes, s’opposant inconsciemment les unes aux autres.  Il en résulte une dispersion de notre énergie et un éparpillement de notre attention, sources de fatigue inutile, de problèmes et d’inefficacité.

En rétablissant la communication entre les différents personnages qui nous constituent, la méthode proposée par ce livre permet de retrouver le sentiment d'unité et de présence à soi-même qui nous procure équilibre et bien-être. La pacification intérieure, qui en est un des effets positifs, s’étend alors à nos relations avec les autres, en particulier à nos relations avec les êtres nouveaux (et états d’être) auxquels la vie ne cesse jamais de nous confronter.

Auteur : Jean-Paul Inisan - Éditions Edmond Chemin, septembre 2015 - 228 pages - format : 15 x 21 cm - prix : 15 € - Peut être commandé dans toutes les librairies et sur les sites de vente internet  (cliquez) : bod.fr (site recommandé pour une disponibilité immédiate du livre), fnac.com, amazon.fr, decitre.fr, dialogues.cometc. ISBN : 979-10-95638-08-7

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E   X   T   R   A   I   T   S . . .   

 EXTRAITS DU CHAPITRE 3

Facilitateur » et « Facilité ».  

Dans la pratique du Dialogue Intérieur, une personne désignée par le mot "facilité" commence par s'asseoir sur un siège (ou tout autre support convenu), en face de celle qui va l’aider, nommée « facilitateur » (ou « facilitatrice »). Le choix de ces deux termes – facilité et facilitateur – n'a pas été effectué au hasard. II signifie que les deux rôles sont interchangeables. Le but n'est pas seulement de postuler un rapport d'égalité entre les deux partenaires mais aussi de souligner la communauté et la communicabilité des énergies qui en découlent.

Pour « faciliter » il faut en effet être capable de s'identifier soi-même, en partie, aux subpersonnalités que le facilité va être amené à incarner. Le facilitateur ne s'y identifie pas totalement, sinon il perdrait le contrôle de la séance. Et certainement, il communique aussi une partie de ses propres énergies au facilité, en particulier celles que celui-ci a besoin de développer. Et c'est un mouvement qui peut s'inverser : on a vu des « facilités » transmettre leur énergie aux « facilitateurs ».

C'est pourquoi la possibilité - largement exploitée en séminaire - d'échanger les rôles est importante. Elle signifie :

« Toi et moi, nous sommes faits des mêmes énergies. Tantôt elles sont en moi et tantôt elles sont en toi. Toutes les énergies sont bonnes »
 

En groupe ou en séance individuelle ?

Dans les séminaires de Dialogue Intérieur, chaque participant apprend ainsi à devenir lui-même facilitateur. Il est tour à tour facilité et facilitateur à plusieurs reprises. Ceci permet, entre les sessions, à ceux qui le souhaitent, de partager des séances en cas de besoin ou simplement dans un but de développement de leurs potentiels respectifs.

Un autre avantage des sessions de groupe, c’est qu’il y a toujours quelques participants qui assistent aux séances. Ce qui est généralement vécu comme étant un inconvénient par les nouveaux venus. Ce caractère public peut en effet paraître être un obstacle gênant pour parler de problèmes qui revêtent souvent un caractère confidentiel, pour ne pas dire intime. Mais les débutants commencent par être simples spectateurs, et, en plus de l’effet entraînant de l’exemple, les énergies des deux partenaires de la session ne tardent pas à interagir avec celles de leur public (dont l’attitude doit cependant rester neutre pendant toute la durée de la séance).

Tout le monde est pris dans un processus d’intercommunication énergétique plus ou moins conscient et délibéré – où chacun se découvre comme étant à la fois semblable et différent des autres. Le groupe offre la ressource incomparable de sa diversité. Il se crée ainsi une dynamique et une confiance dont l’effet sur les séances individuelles est extrêmement positif.

Bien entendu, il y a toujours la possibilité de recevoir de l’aide de la part d’un facilitateur chevronné, en dehors de toute autre présence que celle des deux membres de la dyade. Ceci peut en particulier être intéressant pour approfondir le travail effectué en groupe ainsi que pour les personnes qui n’osent pas commencer l’expérience du Dialogue Intérieur par des séminaires.
 

Sur la chaise centrale l’« Ego Conscient ».

Mais revenons à la structure-type d'une séance de Dialogue Intérieur. La chaise sur laquelle le « facilité » s’est installé au début de la séance va représenter cette instance centrale où il est supposé ne se trouver dans aucune de ses subpersonnalités ou, plus exactement, dans aucune d'elles en particulier. Ce centre, c'est « L'Ego Conscient ». Ce qui semble correspondre au concept de « moi » conscient1  ou, pour le dire plus simplement, à la faculté de réfléchir posément et d’agir consciemment, en étant à l’écoute de toutes les subpersonnalités impliquées dans une situation problématique (ou non). C’est de cette place centrale que le facilité va commencer par exposer la difficulté qu’il veut résoudre ou l’objectif qu’il veut atteindre. Il y reviendra après chaque « visite » à une subpersonnalité afin de se distancier de celle-ci (puis finalement la réintégrer).
 

Sur les chaises périphériques : les subpersonnalités.

Les différentes subpersonnalités, au fur et à mesure qu’elles vont apparaître, grâce au regard perspicace et accueillant (sans jugement) du facilitateur, seront placées dans l’espace périphérique. Elles seront représentées par des sièges (ou d’autres supports matériels comme des coussins, des poufs, des tabourets, des matelas, etc.), dans lesquels le facilité s’installera pour s’exprimer (ou non) avant de revenir à la chaise centrale.

Notons qu’il n’y aura jamais de dialogue direct entre les différentes subpersonnalités, mais que leur expression sera toujours en direction de L'Ego Conscient. C’est pourquoi elles doivent s’exprimer à la troisième personne du singulier quand elles désignent la personne entière du facilité. En plus de sa fonction de conscience et de synthèse, L'Ego Conscient joue donc un rôle d'arbitre, de médiateur entre les demandes, les besoins et les pouvoirs, souvent opposés (parfois violemment), des différentes subpersonnalités. [...]

1. assez proche (il me semble) de la même notion dans la « psychologie du moi » (egopsychology) et surtout de "l'état du moi Adulte" en Analyse Transactionnelle (Analyse transactionnelle et psychothérapie,Éric Berne, 1961, Payot 2001),

 

EXTRAITS DU CHAPITRE 2 

 [...] L’Invisible.

[...]

– Bonjour, vous, vous1 êtes cette partie de Carole qu’on ne remarque pas, c’est bien ça ?

– Oui.

– Et comment faites-vous pour qu’on ne vous remarque pas ?

– Euh... Eh bien, je ne parle pas ou pas beaucoup ! Je ne bouge pas beaucoup non plus. Je suis tranquille.

– Vous ne vous ennuyez pas à ne rien faire ?

– Euh… non, j’écoute les autres parler. Je les trouve intéressants. Mais moi, je ne sais pas quoi dire !

– Oui, vous, vous n’avez pas beaucoup d’imagination !

– Euh… non, non, c’est vrai.

– Et vous ne souffrez pas de rester comme cela sans parler aux autres ?

– Non, moi, je me sens bien comme ça. Je n’ai rien besoin d’autre !

– Pourtant Carole se plaint de vous. Elle se moque même parfois de vous en vous appelant « L’Invisible ». Qu’est-ce que vous en pensez ?

– Oh, moi, je pense qu’elle m’aime bien, même si elle dit qu’elle a un peu honte de moi !

– Oui, qu’est-ce qu’elle vous reproche ?

– Oh, elle me reproche d’empêcher que les autres la remarquent !

– Et c’est vrai ?

– Non, euh… si, si, mais c’est pour son bien.

– Pour son bien ? Vous pouvez préciser ?

– C’est pour éviter qu’elle perde son temps avec des gens pas… pas intéressants.

– Qu’est-ce que vous voulez dire par « pas intéressants » ?

– Qu’ils n’en valent pas la peine, qu’ils ne vont rien lui apprendre.

– Ah, pour vous c’est important d’apprendre ?

– Oui, on n’est là pour ça, non ?

– Peut-être, mais Carole a peut-être quelque chose à apprendre de ces personnes qui ne s’intéressent pas à elle ? Par exemple, leur façon de se rendre intéressantes, leur manière d’entrer en contact avec les autres, etc. Vous ne trouvez pas ça intéressant ?

– Non.

– Qu’est-ce que vous aimeriez apprendre alors avec les autres ?

– Je ne sais pas, qu’ils m’aident à… à grandir, à devenir plus…, à mieux me connaître.

– Vous n’avez pas envie de vous amuser ?

– Non.

– Qu’est-ce que vous ressentez, vous ?

– Euh…, moi ? Rien de spécial, sauf peut-être le calme, un peu d’ennui aussi peut-être. Je ne sais pas.
 

L'Ego Conscient2.

Je remercie cette part de Carole d’avoir bien voulu s’exprimer et j’invite celle-ci à rejoindre le siège représentant son « Ego Conscient 2», c'est-à-dire la chaise située en face de moi, où elle s'était installée en début de séance. Je lui suggère ensuite de considérer silencieusement, pendant une trentaine de secondes, l’endroit qu’elle vient de quitter. Puis je lui demande ce qu’elle pense de ce qui vient d’être dit par « L'Invisible ». Elle me répond qu’elle n’est pas d’accord. Elle comprend tout de suite que ce désaccord peut être considéré comme émanant d’une autre partie d’elle-même, et elle s’installe dans un siège qui va représenter ce nouveau personnage, qu’on appellera par la suite « La Bonne Mère ».
 

La Bonne Mère.
​[...]

– Bonjour, alors vous, vous n’êtes pas d’accord avec ce qu’a dit « L’Invisible » ? Pouvez-vous préciser ce que vous en pensez ?

– Oh, Carole a besoin de rencontrer des gens ! Elle est trop solitaire et renfermée. Si elle continue comme ça elle va finir par déprimer.

– Oui, vous, vous n’êtes pas d’accord quand elle dit que les autres n’ont rien à lui apporter.

– Pas du tout, elle ne peut pas continuer à vivre comme ça, la moitié du temps enfermée chez ses parents ! Il faut qu’elle prenne du plaisir à la vie, qu’elle s’amuse ! C’est de son âge.

– Oui, vous, vous voulez qu’elle soit heureuse, en fait !

– Exactement !

– Qu’est-ce qui pourrait lui donner ce bonheur à votre avis ?

– Oh, je ne sais pas, un peu de chaleur dans sa vie, pas que le travail, quoi !

– Mais vous ne croyez pas qu’elle a déjà cette chaleur chez elle. Ses parents ne sont-ils pas gentils avec elle ?

– Si, si, ses parents sont très gentils. Trop gentils peut-être d’ailleurs. Peut-être que s’ils étaient moins gentils, elle sortirait plus. Mais elle se sent chez eux comme dans un cocon. Eux, ils s’occupent de tout ce qui est pratique : courses, cuisine, lessive, ménage, etc. pendant qu’elle, elle accumule des connaissances. Elle se sent en sécurité avec eux.

– A votre avis elle ne ressentirait pas la même sécurité à l’extérieur ?

– Non, non, pas du tout.

– Alors, elle a besoin de se sentir protégée. Est-ce que vous ne pouvez pas lui apporter cette sensation, vous ?

– Non, non. Moi, elle ne me sent pas assez forte. Il lui faudrait quelqu’un de plus agressif que moi.

– Qu’est-ce que vous ressentez pour Carole, vous ?

– Moi, je crois que je ressens de l’amour.
 

L'Ego Conscient2.

Je la laisse savourer un instant cette sensation d’amour puis je l'invite à rejoindre la chaise centrale (L'Ego Conscient2) et, après le temps de distanciation nécessaire, je m’enquiers de ce qu’elle pense des propos de « La Bonne Mère ». Elle semble à peu près d’accord sur tout sauf sur le besoin de Carole de se sentir protégée par un personnage agressif. À ce sujet elle semble partagée : une part d’elle-même paraît être d’accord et une autre semble réagir en manifestant de l’irritation. Je l’invite à visiter cette dernière.
 

La Contestataire.
​[...]
– Bonjour, merci d’être venue. Vous, vous êtes la part de Carole qui n’est pas d’accord avec cette idée d’un besoin de protection. Pouvez-vous me préciser les raisons de votre hostilité à cette suggestion ?

– (sur un ton assez vif, la voix se faisant plus forte et plus aiguë) Je ne vois pas à quoi ça lui servirait ! Ça risquerait de repousser encore plus les autres !

– Vous, vous ne croyez pas que Carole a besoin de se sentir protégée ?

– (Le ton monte encore d’un cran) Protégée, protégée ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Pourquoi veut-on la protéger ? Il n’y a pas besoin de la protéger ! La protéger de quoi d’ailleurs ? Et pourquoi de l’agressivité ? Ce n’est pas moi, ça ! Ce n’est pas ma nature d’être agressive !

[...]

1 Les dialogues de ce livre sont retranscrits sur le mode du vouvoiement. Il est cependant précisé que le tutoiement est d'un usage assez courant dans les séminaires de Dialogue Intérieur.

2 L'Ego Conscient , c'est le centre de la personne – où elle dispose de la capacité de faire ses choix en pleine conscience (cette notion d'Ego Conscient sera explicitée au chapitre suivant).

 

EXTRAITS DU CHAPITRE 5 (Sébastien)

Le Juge

​[...]

– Bonjour à vous. Alors vous, vous trouvez que Sébastien est « pathétique » ?

– (s’exprimant sans hésitation, avec une voix presque forte) Oui, et c’est triste de le voir comme ça. Il n’a aucun courage, il a peur de tout et il se laisse aller. Il est temps qu’il se reprenne en main !

– Que ressentez-vous, vous, vis-à-vis de lui ?

– Moi ? Oh, je ressens de la colère ! Il exagère à ne rien faire et à rester cloîtré dans sa maison. Il passe son temps à regarder des films ou à jouer à des jeux vidéo.

– Oui, cette colère que vous ressentez, pouvez-vous me dire où et à quel endroit de votre corps vous la ressentez ?

– (Il serre les poings et les mâchoires, d'un air agressif, désigne ses bras du regard). Là, là, j’ai envie de le frapper.

– O.K., ce que je vous propose, c’est de frapper mais pas en sa présence. Si vous êtes d’accord on va le faire dans une autre pièce.

[…]

L'Ego Conscient

[…]

...Martine lui demande de parler de ce qui vient de se passer.

– Euh, je ne sais pas, j’ai été surpris, c’est la première fois que cela m’arrive.

– À quoi cela vous fait-il penser ?

– À une personne très en colère mais vraiment très très en colère.

– Et cette colère était dirigée vers qui ?

– (réfléchissant) Euh… je ne sais pas

– Était-ce contre Sébastien ?

– (sans hésiter) Non, c’était une colère contre je ne sais pas quoi.

– Ses parents ?

– Non, contre le monde entier, contre cette vie qu’il mène ou qu’on lui impose (le ton commence à monter à nouveau) !

– Bien, je vous propose maintenant d’aller revisiter le Sébastien qui ne se sentait pas à l’aise.


Sébastien gêné

​[...]

– Rebonjour ! Que pensez-vous, vous de ce qui vient de se passer ?

– Euh, je ne sais pas, je n’ai rien vu mais j’ai bien senti ce qui s’est passé.

– Est-ce que la violence de Sébastien vous a fait peur ?

– Oui, oui, je me sens déstabilisé, j’ai peur qu’il fasse du mal aux autres.

– Ah, vous, vous avez peur de faire du mal aux autres ?

– Oui, oui, aux personnes fragiles surtout.

– Vous pensez qu’il serait capable de leur faire du mal ?

– Oui, pas intentionnellement mais par maladresse.

– Oui, vous-même, avez-vous été blessé ?

– Oui, oui. (la voix tremble) La violence me fait peur.

[…]

Sur la chaise de l'Ego Conscient

Après la phase de distanciation, la facilitatrice lui demande si la rage qu’il avait précédemment exprimée était dirigée contre le Sébastien gêné auquel il vient de s’identifier.

– Non, non.

– Vous est-il déjà arrivé de ressentir de la colère ou au moins de l’irritation envers quelqu’un ?

– (réfléchissant) Oui, oui, contre une femme qui… qui… voulait toujours me commander. Je devais toujours faire ce qu’elle voulait, lui faire plaisir.

[...]

Morgane

– Bonjour, pouvez-vous me dire qui vous êtes ?

– Euh, je suis Morgane, je suis l’ancienne amie de Sébastien.

– Et qu’est-ce que vous pensez, vous, de Sébastien ?

– Oh, moi je pense qu’il est très gentil mais il est trop timide ! Il ne sait pas ce qu’il veut. Avec lui, il fallait toujours que je décide tout.

– Mais vous aimez décider, vous !

– Oui, c’est vrai, j’aime décider et réaliser ce que j’ai décidé.

– Oui, vous êtes une femme d’action.

– C’est vrai.

– Et comment vous ressentez cela dans votre corps ?

– (Il ferme les yeux et les rouvre rapidement) Là, c’est dans le ventre et dans les jambes ! Ça fourmille d’énergie là-dedans, ça ne peut pas rester en place !

– Oui, vous avez besoin de bouger, de sortir, de voir des gens, d’avoir des contacts !

– Oui, c’est ça !

Petit moment de silence pendant lequel Sébastien - un léger sourire aux lèvres - semble savourer l’énergie de Morgane.

– Et la violence que Sébastien a exprimé tout à l’heure, est-ce que cela vous dérange ? Cela vous fait-il peur ?

– Non, cela m’amuserait plutôt. J’aime bien me battre, sentir qu’il y a de la résistance en face !

– Bien, je vous remercie d’être venue.

[…]

Le Juge

​[...]

– Re-bonjour. J’ai besoin de votre accord sur un point particulier pour pouvoir continuer la séance. Mais d’abord je voudrais savoir ce que vous pensez de la colère de Sébastien quand il a frappé sur le coussin.

– Ça m’a surpris.

– Ça ne vous a pas choqué ?

– Non, et je pense que c’est bien qu’il s’exprime comme ça. Il en a besoin Je vois qu’il est déjà mieux.

– Vous ne trouvez pas cela trop violent ?

– Non non, parce que, généralement, il est trop doux, trop mou.

– Bien. Je pense alors que vous serez d’accord pour qu’il puisse puiser parfois dans cette énergie dans sa vie de tous les jours.

– Oui, bien sûr, mais à condition qu’il ne frappe pas les autres, bien sûr, et aussi que ce ne soit pas aussi extrême que tout à l’heure.

– Donc il peut compter sur vous pour s’exprimer de manière plus agressive ?

– Absolument.

– Bien, je vais faire connaître votre accord et vos conditions à Sébastien. Merci d’être venu.

[…]

EXTRAITS DU CHAPITRE 6 (Charline)

[…]

L’Enfant Gourmande

[…]

– Vous, vous sentez bien quand vous mangez ?

– Oui, cela me fait beaucoup de bien. Je me sens heureuse quand j’ai le ventre bien plein.

– Et qu'est-ce qui se passe quand vous ne mangez pas ?

– Je suis triste. J’ai l'impression que ma vie n'a pas de sens, je me sens seule, abandonnée.

– Vous aimez bien manger seule ou avec d'autres ?

– Avec d'autres c'est mieux. On partage ensemble quelque chose de bon. C'est... c'est comme si on était tous complices, c'est vraiment très agréable !

– Ah ! Vous n'aimez pas manger toute seule alors ?

– Si si, mais ça n'est pas pareil, j'ai l'impression que je savoure moins, que je mangerais n'importe quoi, n'importe comment. Oui, oui, c'est ça, c'est le plaisir de sentir mon ventre plein ! C'est moins le plaisir de la bouche !

– Dites-moi, qu'est-ce que vous apportez, vous, je veux dire : positivement, à Charline ?

– Oh, moi, ce que je lui apporte ? Du plaisir, je calme ses angoisses aussi, et puis, grâce à moi, elle entretient des relations agréables avec ses amies... Elles préparent et partagent des petits repas ensemble, elles vont au restaurant, elles s'invitent les unes les autres.., Elles invitent les maris aussi, et les enfants...

– Qu'est-ce que vous ressentez, vous, lorsque Charline vous reproche de trop manger ?

– Moi ? Eh bien, je ne me sens pas bien, j’ai envie de pleurer, je suis perdue... je ... je ne me sens pas aimée, quoi !

– Et qu'est-ce que vous faites alors ?

– Euh... je ne dis rien, je reste tranquille et, dès qu'elle a le dos tourné, je me précipite vers le frigo... Ça me calme...

– Alors, qu'est-ce que vous voudriez lui dire à Charline ?

– Qu'elle ne me gronde pas parce que ça me rend malade ! Quand je ne me sens pas aimée, je mange encore plus !

– Pour vous venger ?

– Non... non... simplement pour me calmer... Enfin, je sais que ça l'embête... Mais elle m'énerve aussi à se croire aussi forte !

– En fait, c'est vous la plus forte !

– Oui, mais il vaut mieux ne pas le dire !

– Dans quelle partie du corps de Charline vous vous sentez, vous ?

– Ici, dans le ventre, vraiment dans le ventre, et dans tout le bassin aussi.

– Et quelles sensations ressentez-vous ?

– Du bien-être...

– Vous pourriez préciser ?

– Je ne sais pas, moi ! Une impression de plénitude, quoi ! Rien ne peut m'arriver quand je sens ça !

[…]

L'Activiste (Programmatrice)

– Ah, bonjour ! C'est vous qui faites des programmes pour Charline ?

– Oui, oui, elle en a bien besoin. Heureusement que je suis là !

– Ah, pourquoi ?

– Sinon elle se laisserait aller complètement. Vous avez vu comment elle s’alimente ? Elle est complètement boulimique !

– Oui. Est-ce que vous lui faites aussi d'autres programmes que ses régimes ?

– Oui, oui, c'est moi qui lui organise ses activités et qui lui permet d'avoir un tas de projets !

– Ah ! Vous pourriez me donner des exemples ?

– Oui ! Par exemple, elle doit faire de la danse parce que c'est bon pour son dos, la natation aussi ! Mais il ne faut pas qu'elle oublie pour autant son cours de diététique tous les jeudis et sa fille qu'elle doit amener à la patinoire, car elle est très douée ! Et puis il y a ses cours d'anglais du mardi, sa mère qui ne peut plus marcher et, donc il faut bien que quelqu'un s'en occupe puisque les autres enfants n'habitent pas dans la région, et maintenant il y a aussi ces séances avec vous ! C'est important !

– Oui, merci, et elle arrive à faire tout ça ?

– Oh, elle peine, elle peine, mais elle y arrive ! Pas à tout faire, c'est vrai ! Par exemple, ses régimes, elle ne les suit jamais jusqu'au bout, alors ça ne marche pas évidemment !

– Oui, qu'est-ce que vous pensez du fait qu'elle ne suit pas ses régimes ?

– Moi, je pense que ça va mal se terminer. Elle ne m'écoute pas...

– Qu'est-ce que vous ressentez, vous, du fait qu'elle ne vous écoute pas ?

– Moi, ça me met en colère ! Mais elle n'aime pas que je me mette en colère ! Alors je me retiens...

– Ah, vous êtes souvent en colère, vous ?

– Euh... oui... oui, je... je crois que c'est mon état naturel, mais je me retiens, je me retiens...

– Oui, vous avez, à l'intérieur de vous, une force extraordinaire, vous ?

– Oui, c'est vrai, oui ! Mais je crois qu'elle en a peur, elle ne me laisse pas l'exprimer vraiment !

– Aoh ! Qu'est-ce qui se passerait si vous pouviez le faire ? Est-ce que ça pourrait rendre service à Charline ?

– Oui, je lui donnerais de l'énergie !

– Mais ça lui fait peur, non ?

– Oui, je sais, mais c'est bête, car je pourrais lui servir !

– Ah oui ? Comment ?

– À agir, à prendre du plaisir, à crier, à danser, à bouger, à vivre, quoi !

– Mais ce n'est pas ce qu'elle fait déjà ?

– Non, non, elle fait semblant parce que je l'y oblige !

– Dans quelle partie du corps de Charline vous vous trouvez, vous ?

– Moi, ici, dans le haut de son corps, dans son buste ! Je suis comme une bombe prête à exploser mais qui n'explose jamais !

[…]

L'Enfant Rejetée

[…]

– Je ne peux pas la laisser venir ici

– Pourquoi ?

– Parce qu'elle me fait trop souffrir.

– Oui, mais vous êtes la plus forte, vous n'avez rien à craindre !

– Je suis la plus forte quand elle ne me voit pas, quand elle a le dos tourné !

– Aoh ! Alors, vous allez vous cacher pendant ce temps-là, d’accord ? Vous restez bien présente mais vous vous cachez bien pour qu'elle ne vous voit pas ! D’accord ?

– Euh... oui... oui, c'est une bonne idée

– On y va, mais, avant, je veux que vous vous engagiez formellement à ne quitter votre cachette sous aucun prétexte !

– D'accord, je le promets !
 

Enfant Gourmande et Activiste (Programmatrice)

Elle semble amusée par la suggestion puis elle se concentre, yeux fermés. Son visage se transforme progressivement, il perd de sa malléabilité démonstrative, finit par se figer dans une expression de détermination, devient plus tonique. Elle ouvre les yeux et me regarde avec un rien d'insolence.

– Que se passe-t-il ?

– Je ne sais pas.

– Qui êtes-vous en ce moment ?

– Je ne sais pas.

– Vous êtes à la fois la petite fille forte qui se cache et la programmatrice qui, elle aussi, est très forte.

– Oui, je me sens très très forte !

– Quelle image illustrerait le mieux votre force ?

– Euh... Un bateau, je crois... un très gros bateau, genre paquebot.

– Bien, sentez que vous êtes ce bateau. Où est votre force ?

– Elle est dans ma coque. Il y a plein de gens qui s'amusent dans ma coque et mes moteurs ne sont pas loin non plus...Mais elle est aussi sur le pont... Oh, tout ce luxe, toute cette magnificence sur le pont !

– Oui, prenez le temps de bien sentir votre force, le poids de ce bateau immense et puis tout ce luxe...

Long silence.

– Qui est-ce qui dirige tout ça ?

– C'est... c'est moi... Je suis tout ça... à la fois le gouvernail, le capitaine, les passagers qui dansent, les moteurs, les cuisines... Je suis tout, tout, tout...

[...]

 

EXTRAITS DU CHAPITRE 8 (Un couple d'hommes)

L’Enfant Sensible

[...]

– Eh bien, il m’a poussé à venir avec lui alors que moi, je n’en avais pas envie ! Au début, je lui ai dit non et puis il a insisté, et…il était très gentil avec moi, il a fini par me convaincre. Maintenant, j’ai l’impression d’avoir été trompé.

– Trompé ? Trompé par qui ?

– Eh bien, par lui ! répond-il presque sur le ton du gémissement.

– Vous pouvez préciser ?

– Eh bien, il… il disait que ses parents étaient très gentils ! Il… il m’a trompé !

– Vous vous êtes senti trahi ?

– Oui, oui. Je lui faisais confiance et…

– C’est quelque chose que vous ressentez souvent ?

– Non, non… mais… mais… si, finalement, ça m’arrive de temps en temps.

– C’est quoi exactement ? Qu’est-ce que vous ressentez à ce moment-là ?

– Je ressens comme… comme si j’allais être abandonné.

– Dans quelle partie de votre corps ressentez-vous cela ?

– Oh, c’est ici, c’est dans la gorge, c’est noué, brûlant et j’ai du mal à respirer. Ça me donne envie de pleurer.

[…]

L'Ego Conscient

[…]

– Je pense que c’est quelqu’un de très fragile et qui a besoin d’être rassuré.

– Et il est souvent là dans votre vie ?

– Non, non, il ne se montre pas beaucoup.

– Ah, il a peur de se montrer ?

– Non, non, ce n’est pas ça du tout !

– Est-ce qu’il est bien accepté par votre ami ?

– Oh, il ne le voit pas trop ! C’est-à-dire que Nolan a de moi l’image de quelqu’un de très fort.

– Et c’est vrai ? Avez-vous en vous un côté aussi très fort ?

– Oui, oui, mais ce n’est pas de la force physique. C’est plus dans ma capacité à convaincre les gens. C’est peut-être à cause de mon métier.

Le Fort (Séducteur)

Je l’invite alors à représenter cette force par un siège et il s’y installe dans une attitude qui offre un contraste saisissant avec celle qu’il avait dans la subpersonnalité précédente. Il se tient droit, les jambes croisées, un sourire satisfait, les yeux pétillants, donnant l’impression d’une confiance en lui remarquable.

– Bonjour, alors vous, vous êtes la partie de Fabien qui est forte. Dans quelle situation intervenez-vous en particulier ?

– Oh, moi, je suis là tout le temps ! répond-il d’une voix teintée de préciosité mais qui n’altère pas l’impression d'assurance exprimée par son attitude corporelle.

– Ah, et que pensez-vous alors, vous, de la relation entre Fabien et Nolan ?

– Oh, moi, je pense que Fabien a raison. C’est Nolan qui a commis une erreur et, donc, c’est à lui de la réparer.

– Et comment ?

– C’est à lui de trouver. Il devrait reconnaître son erreur d’abord et, ensuite, s’excuser auprès de Fabien, enfin, je veux dire, venir vers lui, faire un geste, mais il s’est complètement fermé sur lui-même. On n’arrive même plus à se parler !

– Oui, ce n’est pas à Fabien de faire le premier pas ?

– Oh, Fabien a déjà essayé de lui parler plusieurs fois. Mais lui, il se renferme, il ne répond pas !

– Qu’est-ce qui lui arrive à votre avis ?

– Je crois qu’il s’inquiète trop de la maladie de son père. Son père, il ne l’aime pas, il me l’a souvent dit. Alors, qu’est-ce qui lui prend tout d’un coup de s’inquiéter pour une personne qui ne lui a jamais parlé que sur le ton du commandement ? Franchement je ne comprends pas !

[…]

Nolan

[…]

Installé dans la chaise représentant Nolan, l'attitude de Fabien change à nouveau. Il devient un peu sombre, le regard noir quelque peu fuyant…

– Bonjour, alors vous, vous êtes Nolan ?

– Ouais ! me répond-il sur un ton rogue.

– Et que pensez-vous, vous, de ce qui se passe entre vous et Fabien ?

– Moi ? Je ne pense rien.

– Vous avez entendu Fabien. Il voudrait que vous vous excusiez et même plus !

– M’excuser ? Pourquoi m’excuser ? Ah, oui, pour l’histoire des parents !

– Il voudrait que vous reconnaissiez votre erreur.

– Quelle erreur ? (Il semble absent, penser à autre chose).

– Vous ne semblez pas présent ici. Que se passe-t-il ? Il y a quelque chose qui vous préoccupe.

– Euh… oui. C’est la maladie de mon père et… et ma mère aussi.

– Oui, qu’est-ce que vous en pensez ?

– C’est compliqué. D’un côté je me sens en colère mais je..., à cause de la maladie, je n’arrive pas à leur en vouloir vraiment.

– Vous vous sentez coupable ?

– Non, si, peut-être, je ne sais pas. C’est compliqué, je vous l’ai dit.

– C’est désagréable.

– Oui, très désagréable.

– Douloureux ?

– Oui, très douloureux !

Son visage affiche une expression d’intense souffrance intérieure.

– À quel endroit de votre corps ressentez-vous cette souffrance ?

Il hausse les épaules et arrondit le haut du dos.

– C’est une souffrance qui est là depuis longtemps ?

Tout d’un coup, il explose :

– Vous allez me lâcher à la fin ! Qu’est-ce que je vous ai fait ? Vous êtes flic ou quoi ? Qu’est-ce que vous voulez de moi ? Oui, elle est là depuis longtemps et je pensais qu’en allant voir mes parents ça me ferait du bien ! Eh bien, non, je me suis trompé !

[…]

L'énergie du Fou-Rire

Je l’invite alors à rejoindre la chaise de L'Ego Conscient et, après l’incontournable phase de distanciation, je demande à Fabien ce qu’il pense de ce qui vient de se passer. Mais il est alors pris d’un fou-rire qu’il n’arrive pas à maîtriser. Je parviens tant bien que mal à ce qu’il se déplace sur un nouveau siège pour qu’il incarne pleinement ce personnage hilare. Je ris un peu avec lui, puis je lui demande ce qui l’amuse autant. Entre deux accès de rire et des grimaces qui semblent vouloir imiter un animal (un singe ?), il parvient quand même à se faire comprendre.

– C’est lui, c’est lui ! Il est trop drôle quand il se met en colère. Oh, je l’adore, on dirait un gros nounours, quand il est comme ça ! C’est trop drôle, c’est trop drôle !

[…]

La Mère

– Bonjour, vous, vous êtes la mère de Nolan.

– Oui.

– Qu’est-ce que vous pensez, vous, de votre fils, de la relation qu’il entretient avec Fabien ?

– Oh, moi, ça m’a choquée parce que je ne m’y attendais pas !

– Vous ne trouvez pas ça bien ?

– Je vous l’ai dit, ça m’a choquée. Bien ou mal, je ne sais pas. J’avais imaginé une autre vie pour mon fils, une vie avec une femme, des enfants…

– Oui, mais maintenant il ne changera pas. Qu’est-ce que vous en pensez ?

– Oui, c’est vrai. J’ai plutôt l’esprit pratique. Ça ne servirait à rien de vouloir le changer, à son âge !

– Alors vous ne lui en voulez pas ? Vous lui avez pardonné ?

– C’est quand même dur à admettre ! La famille, les voisins, ce n’est pas sûr qu’ils vont comprendre. Ils vont se moquer de nous.

– Et vous êtes sensible à la moquerie ?

– Oui, oui, je n’aime pas ça du tout !

– Et votre fils, vous avez senti qu’il était bien avec Fabien ?

– Oui, ils vivent ensemble depuis longtemps, si j’en crois ce qu’ils nous ont dit.

– Ça vous satisfait qu’il soit heureux ?

– Oui, oui, bien sûr.

– Pourquoi vous ne lui dites pas ?

– Oh, il faut me laisser le temps. Et puis il y a son père. Je crois qu’il ne lui pardonnera jamais. En plus il est malade, je ne peux pas lui faire ça derrière son dos.

– Même si vous saviez que cela ferait beaucoup de bien à votre fils ?

– Que voulez-vous dire ?

– Eh bien, je veux dire qu’actuellement il souffre de votre silence au sujet de sa relation de couple !

– Ah !

– Alors ?

– Oui, oui, je peux le faire. Mais pas tout de suite, il faut me laisser un peu de temps.

– Qu’est-ce que vous ressentez vis-à-vis de votre fils ?

– Ce que je ressens, euh, je crois, que…, que…, c’est de l’amour.

– Vous seriez prête à lui venir en aide alors ?

– Oui, oui, je vous l’ai dit mais pas tout de suite, pas tout de suite !

– Comment ressentez-vous cet amour pour votre fils ? Je veux dire dans votre corps.

Il se concentre un instant puis pose la main sur sa poitrine.

– C’est là, c’est une sensation de chaleur douce, l’envie de le prendre dans mes bras de lui caresser les cheveux tout doucement, comme autrefois, quand il était petit.

[...]

 

EXTRAITS DU CHAPITRE 9 (Jeanne)

Le Garde du Corps

[…]

– Mais… mais… qu’est-ce que vous me voulez ? Je vous interdis de me toucher !

Elle se lève soudain et se dirige d’elle-même vers le fauteuil, mais elle ne s’y assoit pas. Debout, face à la facilitatrice, elle lui demande à nouveau, sur un ton presque violent :

– Oui, dites-moi, dites-moi, qu’est ce que vous me voulez ?

– Je suis là pour écouter et aider Jeanne, répond Corinne sur un ton qu’elle s’efforce de rendre neutre mais bienveillant.

– Ah oui, c’est vrai ! lâche-t-elle, un peu apaisée, comme si elle réalisait tout d’un coup où elle se trouvait et pourquoi.

– Êtes-vous d’accord pour qu’on essaye de l’aider ou pensez-vous qu’elle ne le mérite pas ?

– Oui, oui, on peut l’aider, mais il ne faut pas la toucher.

– Vous permettez qu’on l’aide si on ne la touche pas ?

– Oui, c’est ça, exactement. Si vous me promettez de ne pas la toucher, il n’y aura pas de problèmes.

– D’accord, mais pouvez-vous me dire pourquoi il ne faut pas la toucher ?

– Elle est trop fragile, trop sensible, elle risquerait de s’effondrer si on la touchait !

– Votre rôle à vous, c’est d’empêcher qu’on la touche ?

– Entre autres, oui.

– Et qu’est-ce que vous faites d’autres pour Jeanne ?

– Eh bien, je l’empêche de se laisser aller ! Si je n’étais pas là elle ne ferait jamais rien de bien.

– C’est vous qui lui faites des programmes ?

– Ah non ! Ce n’est pas moi. Moi, je ne fais que la protéger, c’est tout !

– Vous êtes une sorte de garde-du-corps, en quelque sorte ?

– Euh… oui, si ça vous plaît de m’appeler comme ça !

– Et vous êtes souvent là dans la vie de Jeanne ?

– Oui, oui, je suis là pour veiller à ce qu’elle aille toujours à l’essentiel, qu’elle ne se laisse pas distraire par des détails.

– Dans quelle partie du corps de Jeanne vous sentez-vous être ?

– Ici, dans ses épaules, c’est comme une impression de force !

[…]

La Programmatrice

[…]

– Oui, mais excusez-moi, j’ai l’impression qu’elle est en train de perdre du temps ici !

– Ah, vous ne vouliez pas qu’elle vienne à cette session ?

– Non, j’étais d’accord, mais je ne vois pas vraiment où elle va, à quoi ça va lui servir. Ça fait trop brouillon, ce n’est pas bien organisé !

– Ah, vous avez besoin que tout soit bien organisé ! Qu’est-ce qui peut se passer quand tout n’est pas organisé !

– C’est une question de sécurité. Elle pourrait prendre peur.

– Ah, d’accord, c’est à ça que vous lui servez ! Vous lui servez à ne pas avoir peur, à se sentir en sécurité.

[…]

David

– Bonjour, vous êtes David.

– Oui, bonjour !

– Qu’est-ce que vous pensez, vous, quand Jeanne dit que vous ne vous investissez pas suffisamment dans votre travail de prof ?

– Je pense que je pourrais lui renvoyer la balle. Elle, elle s’investit trop là-dedans. Il n’y a pas que le boulot dans la vie ! On n’arrive même plus à faire quoi que ce soit ensemble. Si ça continue on n’aura plus qu’à se séparer.

– Vous voulez vous séparer ?

– Non, pas du tout, moi, je tiens à Jeanne mais il faudrait qu’on retrouve une vie normale.

– Ce serait quoi, une vie normale pour vous ?

– Eh bien, qu’on passe des bons moments ensemble, qu’elle ne reste pas travailler jusqu’à deux heures du matin tous les jours, qu’elle ne me parle pas tout le temps de ses élèves, que, pendant les vacances, on sorte vraiment du cercle des enseignants ! Pas de séjour linguistique ou culturel, j’en ai marre !

– Vous êtes en colère ?

– Oui, non, je me sens triste surtout. Je me sens épuisé et j’ai tellement besoin de contact avec elle ! Je me sens seul.

– Comment ressentez-vous ce sentiment de solitude dans votre corps ?

– Oh, c’est comme une sensation de froid là, dans mon dos.

Il y aura encore quelques propos échangés entre cette subpersonnalité et Corinne avant que celle-ci ne demande :

– Pouvez-vous résumer en deux ou trois mots de quoi vous avez besoin pour vous sentir mieux?

– J’ai besoin de me sentir proche de Jeanne, de retrouver l’intimité et la complicité qu’on avait au début.

– Bien, je vous remercie d’être venu.
 

La Bonne Mère

De retour à la place de L'Ego Conscient, après un temps assez long de contemplation ou de réflexion, Jeanne déclare avoir été émue par ce qu’a exprimé la subpersonnalité David. Elle s’installe d’elle-même à la place de La Bonne Mère lorsqu’elle décide d’être désormais plus attentive aux besoins de son mari, de faire ce qu’il faut pour qu’il se sente moins seul. Mais quand Corinne lui demande si elle est prête à retrouver un semblant d’intimité avec son mari, La Programmatrice et Le Garde du Corps se manifestent immédiatement en opposant une double résistance à cette demande. La première disant « qu’elle n’a pas le temps », la deuxième en la déclarant à nouveau « intouchable ».
 

La Juge

[…]

– Que pensez-vous de ce que dit David de Jeanne ? A-t-il raison quand il dit qu’elle travaille trop ?

Jeanne semble réfléchir et hésiter sur la réponse à donner. Puis :

– Oui, oui, finalement, il a raison, elle travaille bien trop.

– Ah, pourtant, à la séance précédente, vous avez dit que David ne travaillait pas assez !

– Oui, mais maintenant qu’il s'est exprimé, j’ai pris conscience qu’il y a quelque chose qui n’est pas juste dans leur relation. Maintenant, je trouve qu’elle exagère. Elle en fait bien trop. C’est ça avec elle, elle est toujours dans les extrêmes ! Elle ne sait pas doser son comportement. Au début de leur relation elle était très amoureuse et elle était complètement fofolle, elle ne le laissait jamais tranquille. Maintenant c’est l’inverse !

– Donc vous, vous seriez assez d’accord pour qu’il y ait plus d’intimité entre eux ?

– Oui, oui, bien sûr, ça me paraît plutôt légitime pour un couple qui, somme toute, est plutôt jeune !

– Et qu’est-ce que vous pensez, vous du couple d’énergies qui s’oppose à ce que Jeanne s’occupe mieux de son mari ?

– Oh, moi, je pense qu’il prend trop de place dans sa vie.

– Qu’est-ce que vous leur reprochez ?

– Elle, elle est trop organisée, trop structurée, elle empêche Jeanne de se lâcher. Et lui, il est comme, comme un policier qui obéit bêtement et qui maintient tout le monde à distance ! Peut-être parce qu’elle est toujours entourée d’une foule de gens qui la pressent. Comme si c’était une grosse vedette et qu’il fallait tenir les fans à distance. C’est peut-être un peu vrai parce que tous ses élèves l’adorent mais, à la maison, il devrait se retirer.

– Vous avez dit que ce policier obéit bêtement. À qui obéit-il ?

– À moi ! s’étonne-t-elle soudain, après avoir réfléchi pendant quelques secondes.

– Alors aurait-il mal compris vos ordres ?

– Euh… Je ne sais pas. Je lui ai peut-être donné cet ordre dans le passé.

– Et maintenant ?

– Maintenant, je ne lui donne plus cet ordre.

– Qu’est-ce que vous lui dites alors et pourquoi ?

– Maintenant, je lui ordonne de laisser son mari s’approcher de Jeanne ,car c’est bien pour elle, martèle-t-elle sur un ton très ferme. Elle en a besoin, cela me parait légitime.

[…]

Le Garde du Corps

[…]

– Alors vous, vous obéissez à La Juge ?

– Oui, c’est elle qui me dit ce que je dois faire.

– Vous lui faites confiance ?

– Oui, oui, c’est elle qui sait ce qui est bien.

– Alors, vous avez entendu sa dernière instruction ?

– Oui, je l’ai bien entendue.

– Et vous allez la respecter ?

– Tout à fait, bien entendu.

– Ça ne vous pose pas de problèmes particuliers ?

– Non non, je vous ai dit que je lui faisais confiance. C’est elle la patronne et moi, je lui obéis.

[…]

 

EXTRAITS DU CHAPITRE 10 (Guillaume)

Le Méditant (ou Sage)

[…]

– Bonjour, vous, vous êtes celui qui médite.

– Oui.

– Vous êtes souvent là dans la vie de Guillaume ?

– Oui, assez souvent.

– Pouvez-vous préciser ?

– Eh bien, je suis là tous les après-midis, jusqu’à environ cinq heures !

– Et qu’est-ce que vous lui apportez à Guillaume ?

– Je lui apporte le calme, l’enracinement, l’ouverture aux autres, une certaine clarté d’esprit aussi, je crois.

– Et Guillaume vous aime bien ?

– Oui, je crois qu’il m’apprécie. Je crois même qu’il ne pourrait pas se passer de moi.

– Comment vous vous sentez dans son corps ?

– Oh, c’est une sensation d’enracinement, d’être compact et lourd en bas, dans le bassin et, en haut, là, au niveau de la poitrine, c’est léger, fluide, bien ouvert.

Je le laisse savourer cette sensation pendant quelques instants.

– Est-ce que vous voudriez être là plus souvent dans la vie de Guillaume ?

– Non, pas spécialement. Le temps qu’il m’accorde me convient très bien.

– Si vous deviez être symbolisé par un élément naturel, lequel serait-il ? Par élément naturel j’entends, par exemple, le feu, l’eau, la terre, l’air, etc.

– Euh… je crois que ce serait, ce serait… la terre et… la terre… et l’air. Oui, c’est ça, les deux à la fois !

[…]

L'Artiste

– Bonjour, alors, vous, vous êtes L’Artiste, le créateur.

– Oui.

– J’ai l’impression que vous êtes quelqu’un de très important dans la vie de Guillaume !

– Oui, je suis le centre de sa vie ! Sans moi il ne serait rien !

– Et qu’est ce qu’il aime bien en vous, Guillaume ?

– Ce qu’il aime, c’est ma créativité, mon côté fantaisiste, quoi ! Avec moi, il ne peut jamais rien prévoir ! Ce que je crée, je ne le programme pas, ça arrive comme ça, je ne sais pas trop comment ! Et, généralement, c’est pas mal du tout !

– Mais Guillaume m’a dit que vous aviez besoin d’être aidé !

– Ah, oui, l’alcool, l’ivrognerie ! Mais ce n’est pas moi, ça ! Quand je crée, je ne suis pas ivre ! Si j’étais ivre je ne pourrais rien créer ! L’alcool, c’est comme un ami, mais ce n’est pas moi.

– Oui, mais vous avez besoin de cet ami pour créer ? Sans lui vous ne créeriez rien !

– Ça, c’est vous qui le dites ! Je ne sais pas pourquoi vous le dites d’ailleurs (le ton monte) ! Moi, je me sens capable de faire de la peinture sans l’aide de quoi que ce soit !

– Oui, vous l’avez déjà fait ?

– Non, non.

– Alors pourquoi ne pas le reconnaître tout simplement ?

– Pourquoi ? Parce que moi, je ne me sens pas du tout alcoolique, je me sens artiste, voilà tout.

– Qu’est-ce que vous ressentez ?

– Vos questions m’ont énervé ! J’ai l’impression que vous me jugez.

– Vous vous sentez coupable ?

– Non, je ne me sens pas coupable, je me sens en colère ! Je ne suis pas venu ici pour me faire juger ! J’ai passé l’âge des leçons de morale, non ?

– Okay, c’est très bien de ressentir de la colère. Pouvez-vous me dire où et comment vous la ressentez dans votre corps ?

– Oh, je sens le rouge qui me monte au visage, j’ai envie de vous frapper !

[…]

L'Ivrogne

– Ah, bonjour, vous vous êtes celui qui boit, celui qui est ivre !

– Oui, oui, c’est moi, répond-il avec une grimace qui se situe entre le rire et la provocation.

– Vous, vous êtes joyeux, heureux de vivre, sans culpabilité !

– Ah, je vois que vous me connaissez bien.

– Et Guillaume, il vous connaît bien aussi ?

– Oui oui, je crois, depuis le temps que nous vivons ensemble !

– Il vous aime bien ?

– Oui, euh… non, ça dépend. Je crois que souvent il me juge ! Enfin, quand je ne suis pas là, quand je suis parti.

– Et vous êtes souvent là ?

– Eh bien, tous les soirs, hein, depuis des années !

– Alors, c’est qu’il a besoin de vous ?

– Oui, il ne peut plus se passer de moi depuis longtemps !

– Ah, et pourquoi ? Qu’est-ce que vous lui apportez ?

– Bien, je lui donne le moral, je suis comme un médicament.

– Un médicament ? Quel type de médicament ?

– Oh, je ne sais pas, un tranquillisant ou un excitant, ou les deux, je ne sais pas trop !

– Qu’est-ce qu’il deviendrait s’il vous perdait ?

– Oh, il a besoin de moi pour se sentir bien. Avec moi, il est tranquille pour faire ses peintures !

– Il ne pourrait pas créer sans vous ?

– Oh, sans moi il n’est rien !

– Ça lui est arrivé ? Qu’est-ce qui fait alors ?

– Il ne fait rien, il est triste, il est comme désespéré !

– Vous lui donnez la joie de vivre, l’envie de faire quelque chose ?

– Oui.

– Alors, pourquoi aujourd’hui vous semblez devenir un problème pour lui ? Il est venu me voir en se plaignant que vous preniez trop de place dans sa vie.

– Oh, il se sent coupable ! Ce n’est pas bien d’être ivre !

– Il craint aussi pour sa santé peut-être ?

– Oh, ça, je ne crois pas ! Je pense plutôt qu’il a peur que je l’entraîne dans trop de plaisir.

– Il n’aime pas le plaisir ?

– Si, si, mais il se sent toujours coupable après.

[…]

Le Juge puis Le Mauvais Père

– Bonjour, vous, vous êtes celui qui jugez Guillaume.

– Oui.

– Qu’est-ce que vous lui reprochez à Guillaume ? Est-ce-que c’est son alcoolisme ?

– Ah non, pas du tout !

– Vous trouvez ça bien qu’il boive ?

– Bof, c’est un comportement d’homme, il n’y a pas de quoi en faire tout un cinéma !

– Ah ! Et qu’est-ce que vous lui reprochez alors ?

– Ce que je lui reproche ? Eh bien, c’est ça justement, c’est que souvent il ne se comporte pas comme un homme !

– Vous pouvez préciser ?

– Oh, c’est un poltron ! Il cache bien son jeu, mais c’est un poltron ! (le ton monte).

– Ce n’est pas l’impression qu’il donne !

– Oui, mais c’est ce qu’il ressent au fond de lui-même ! Au fond de lui-même il a peur, il a peur des autres.

– Oui, et alors, il surmonte bien sa peur, non ?

– Oui, grâce à moi !

– Grâce à vous ? Je ne comprends pas !

– C’est moi qui lui montre comment il doit être !

– Et comment vous lui montrez ?

– C’est simple, il faut qu’il respecte certaines règles !

– Ah oui ? Quelles règles ?

– D’abord être un homme !

– C’est quoi être un homme !

– Être un homme, c’est être fort, ne pas craindre d’affronter les autres, ne pas se laisser rabaisser par qui que ce soit !

– Mais ce n’est pas ce qu’il fait ?

– Oui, grâce à moi, grâce à moi et à mon ami !

– À votre ami ?

– Oui, celui qui ne craint pas de lever le coude !

– Ah, ça, c’est un comportement d’homme ?

– Oui.

– Et qu’est-ce qui n’est pas un comportement d’homme ?

– Par exemple, quand il est mou et gentil avec tout le monde, avec ses pratiques de petit bouddha des villes !

– Ah, quand il médite ?

– Pratique de bonne femme !

– Vous ne pensez pas que ça lui fait du bien ?

– Il me fait honte quand il est comme ça !

– À ce point là ! Ça n’est pas si grave quand même !

– Mais si, il est prêt à s’aplatir devant les autres ! Il en a la trouille des autres. Il suffit qu’ils élèvent un peu la voix et il tremble comme un petit cabot devant son maître !

– Vous exagérez un peu, non ?

[…]

 

EXTRAITS DU CHAPITRE 12 (Lucas)

Le Joueur

– Bonjour, c'est donc vous qui avez décidé de venir participer à cette session de Dialogue Intérieur. Qu'est-ce qui vous plaisait dans cette idée ?

– Oh, moi, j'aime bien les défis !

– Ça ne vous faisait pas un peu peur ?

– Oui, un peu mais c'était la peur de m'ennuyer ! J'ai déjà essayé de participer une fois à ce genre de stage et ça ne m'intéressait pas, j'avais tout le temps envie de partir. C'est ce que j'ai fini par faire d'ailleurs. Mais on m'a dit que celui-ci est beaucoup plus intéressant.

– Ah ! De quoi avez-vous besoin pour ne pas vous ennuyer ?

– J'ai besoin d'action, de prendre des risques, qu'il y ait un peu de bagarre, j'ai besoin d'aventure, quoi !

– Et, dans la vie de Lucas, il y a beaucoup d'aventure ?

– Euh... non, si quand même, grâce à moi d'ailleurs !

– Grâce à vous ? Vous pourriez préciser s'il vous plaît ?

– Oui, grâce à moi, il peut trouver la vie assez amusante !

– Ah, oui, comment ?

– Eh bien, ça se passe la nuit...

– Qu'est-ce qui se passe la nuit ?

– Il joue, je joue !

– Et c'est intéressant ?

– Intéressant ? C'est super, c'est super-excitant !

– Oui, vous, vous avez l'air de prendre beaucoup de plaisir à jouer ! Mais ce n'est pas un peu dangereux  ?

– Oui, mais c'est ça qui est excitant justement !

– Qu'est-ce qui vous excite ?

– Eh bien, le fait de prendre des risques !

– Quels risques ?

– Eh bien, le risque de perdre ! Je prends des risques en affrontant des personnages qui sont très forts !

– Oui, mais vous, vous choisissez aussi des personnages très forts, non ?

– Oui, oui, mais on n'est jamais assuré de rien. Ceux qui jouent contre moi ne se laissent pas avoir aussi facilement que ça ! Il faut être plus rapide qu'eux et trouver rapidement les meilleures stratégies ! Par exemple, il faut savoir gérer ses ressources, ne pas les gaspiller tout de suite, choisir les bons chemins, savoir reculer s'il le faut pour repartir de l'avant ensuite ! Et puis on ne sait jamais ce qu'on va trouver en face de soi. Les décors changent, on change de pays, même de vie des fois !

– Oui, c'est une autre vie que celle que Lucas vit dans la journée !

– Oui, rien à voir ! Moi, je lui apporte vraiment de la vie, de l'intensité, de l'aventure !

– Oui, il semble très satisfait de tout ce plaisir et de cette passion que vous lui donnez ! Comment et où vous vous ressentez être dans le corps de Lucas ?

– Oh, c'est comme une..., une... trépidation, une sorte de petit moteur à l'intérieur qui m'emporte toujours plus loin.

– Où dans votre corps ?

Il secoue vigoureusement les poings en faisant vibrer tout son corps avec jubilation, les yeux un peu exorbités, une expression déterminée sur le visage.

– Oui, je vois que vous lui apportez vraiment beaucoup d'énergie !

[…]

Le Gestionnaire/Protecteur

– Bonjour, vous êtes cette partie de Lucas qui s'inquiète de sa santé et de son bien-être ?

– Euh... oui... on peut le dire comme ça, oui !

– Alors dites-moi ce que vous pensez, vous, de la passion de Lucas pour le jeu.

– Moi, je dis que c'est dangereux. C'est dangereux pour sa santé et même peut-être pour ses finances ! Il ne contrôle plus rien, là ! Il est pris dans une sorte de courant qui l'emporte de plus en plus bas, sans qu'il puisse rien contrôler !

– Oui, mais vous avez entendu comme moi que cela lui donne du plaisir, de la force, une sorte de joie de vivre !

– Oui, comme un drogué prend du plaisir, mais après il faut assumer les conséquences !

– Quelles conséquences ?

– Je vous l'ai dit : la fatigue, son argent et puis il ne voit presque plus personne en dehors de son travail et de ses parents !

– Oui, qu'est-ce que vous en pensez, vous ?

– Moi, je pense que ce n'est pas très bon de se couper de des autres autant que ça !

– Et Lucas, est-ce-qu'il vous écoute ? D'abord, êtes-vous souvent là dans sa vie ?

– Oui oui, mais il ne m'écoute pas ! Je crois même que c'est l'inverse ! Plus je le sermonne, et plus tard il se couche, et plus il investit dans des paris qu'il ne gagne jamais et qui vont finir par l'endetter !

– Que faire alors ?

– Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'il a trop besoin de s'amuser pour qu'on puisse faire quelque chose pour lui !

– Trop besoin de s'amuser ? Pourquoi à votre avis il a ce besoin ?

– Oh, moi, je pense que c'est parce qu'il ne sort pas, il s'est coupé de toute vie sociale après... après... son histoire avec... avec... Marine.

– C'est qui, Marine ?

– Une jeune femme avec qui il a eu une relation pendant deux ans. Il était vraiment très amoureux et ils vivaient presque ensemble. Enfin, il s'était quasiment installé dans la maison de ses parents.

– Et qu'est-ce qui s'est passé ?

– Elle est partie tout d'un coup avec un autre.

– Oui, mais pourquoi ? Qu'est-ce qui a provoqué son départ ? Est-ce parce que Lucas était accro au jeu ?

– Non, à cette époque il ne jouait pas. Il passait tout son temps avec elle. Il était très amoureux !

– Qu'est-ce qui s'est passé ? Ils se sont disputés ? Qu'est-ce qu'elle lui reprochait ?

– Je ne sais pas, enfin, si quand même, je crois qu'elle le trouvait trop possessif et aussi trop dépendant d'elle !

– Ah, et qu'est-ce qui lui plaisait alors en Lucas ?

– Euh... son côté... combatif.

– Combatif ?

– Oui oui, à cette époque il faisait du sport, il était ceinture noire de judo et Marine le suivait partout dans les compètes.

– Et il gagnait des combats ?

– Oui, pas tous mais il était quand même bien classé, et, avec son club, il n'hésitait pas à se déplacer très loin pour participer à des tournois.

– Et maintenant ?

– Il a tout arrêté quand Marine est partie.

– Et qu'est-ce qui plaisait à Lucas dans Marine ?

– Oh, sa douceur, sa féminité...

– Et encore ?

– Je ne sais pas, je crois qu'elle le motivait. Ça lui plaisait qu'elle s'intéresse autant à ce qu'il faisait. Elle était fière de lui !

– Ah, ça lui plaisait de lui plaire ?

– Oui, oui, je crois que, quelque part, elle l'admirait pour sa force, son courage, sa persévérance aussi. Il ne lâche jamais !

– Et lui, Lucas, il a cette image de lui, je veux dire de quelqu'un qui est fort, courageux, persévérant ?

– Euh... non ! Oh, tout d'un coup, je comprends ce qui s'est passé !

Il a l'air surpris de sa découverte et, les yeux baissés, il semble absorbé dans une réflexion intense. Je l'interromps après quelques instants :

– Qu'est-ce qui se passe ?

– Il se passe que je viens de comprendre que ça ne sert à rien de vouloir l'empêcher de jouer !

– Vous voulez dire qu'il faut le laisser jouer, qu'on ne peut pas l'aider à s'en sortir ?

– Non non, ce n'est pas ça ! Je veux dire que s'il nous écoutait, il plongerait tout droit dans la dépression ! Le jeu pour lui, c'est un peu comme Marine : il y a l'excitation de la compète et il gagne quand même de temps à autre. Alors, il est content de lui ! Si on lui enlève ça, il ne lui restera plus rien !

– Oui, mais vous avez dit tout à l'heure que le jeu était dangereux pour sa santé et pour son portefeuille !

– Oui, je maintiens ce que j'ai dit mais, pour l'aider, il faut essayer de le comprendre.

– Alors, que faire ?

– Il pourrait reprendre le judo. S'il gagne quelque combats, ça le remotivera pour continuer ensuite.

– Pensez-vous qu'il sera d'accord ?

– Je ne sais pas. Ce qui risque de l'arrêter, c'est le souvenir de Marine. Il ne veut plus y penser.

– On pourrait peut-être le consulter pour savoir ce qu'il en pense.

– Oui oui, vous avez raison.

[…]

L'Enfant Sensible

– Bonjour, avez-vous entendu ce qu'a dit Lucas tout à l'heure ? Il propose que vous repreniez le judo.

Il répond en faisant un geste et une moue signifiant que cela ne le concerne pas.

– Le judo ne vous intéresse plus ?

– Bof !

– Pourtant vous avez gagné des combats autrefois ! Vous ne vous en sentez plus capable ?

– Si si... mais...

– Mais quoi ?

– Ce ne serait plus pareil maintenant !

– En quoi ce ne serait plus pareil ?

Il semble hésiter à répondre puis :

– C'était un travail d'équipe !

Je m'apprête à lui poser une nouvelle question quand son attitude change. Son regard se pose je ne sais où sur sa gauche et sa bouche se met à trembler. Il fait un effort visible pour se contrôler en serrant les poings, mais il n'y parvient pas. Après un moment de silence, je lui demande doucement :

– Que se passe-t-il ?

– Je... je... me sens... triste.

– Qu'est-ce qui vous rend triste ?

Un éclair noir assombrit un instant ses yeux brillants de larmes contenues.

– C'est... c'est...

[…]

Le Guerrier

[…]

Mais une nouvelle vague de colère l'envahit, plus froide et plus déterminée que la précédente. À une question que je lui pose il répond :

– Ça ne va pas se passer comme ça !

– Qu'est-ce qui ne va pas se passer comme ça ?

– Je ne vais pas me laisser abattre !

– Qu'est-ce que vous allez faire ?

– Je vais me venger.

– Ah ! Comment ?

– Je vais leur montrer qui je suis !

– À qui ?

– À Marine, à mes parents, à ses parents, à tous ces cons !

– Qu'est-ce que vous allez faire ?

– Eh bien, je vais leur montrer que je n'ai pas besoin d'eux !

– Comment ?

– Je vais reprendre les combats, mais je ne leur dirai rien, ils ne le sauront pas. Je vais mettre le paquet à l'entraînement. Ils l'apprendront par d'autres.

– Vous ne pensez pas que vos parents, par exemple, vont comprendre rapidement le sens de vos absences ?

– Non, car je vais déménager. Je vais chercher un appartement à louer dès demain.[…]
 

Le Gestionnaire/Protecteur

– Que pensez-vous, vous, de la décision de Lucas ? Croyez-vous que ce soit une bonne décision et est-il capable de vivre seul ?

– Euh... oui... je pense que c'est une bonne décision. Enfin, à condition qu'il reprenne les compètes de judo. Mais il a l'air motivé. Je sens qu'il a envie de briller à nouveau, de montrer qui il est réellement !

– Oui, vous, vous sentez que c'est bien pour lui ?

– Oui oui, je répète, s'il ne se renferme pas chez lui.

– Comment pouvez-vous l'aider dans sa démarche ?

– Oh, c'est moi qui vais organiser tout ça !

– Sentez-vous qu'il y a d'autres parties de Lucas qui pourraient saboter la réalisation de son projet ?

– Euh... oui, il a un côté défaitiste qui pourrait tout faire capoter.

Je lui propose de donner la parole à cet aspect de lui-même. Ce qu'il accepte non sans difficulté.
 

Le Défaitiste

– Bonjour, vous êtes cette partie de Lucas qui ne croit pas qu'il puisse réussir ?

– Euh... pas exactement. Je suis plutôt son côté réaliste. Sans moi, il se serait lancé dans des projets complètement fous, sans la moindre chance de réussir.

– Ah ! Et vous êtes souvent là dans sa vie ?

– Je suis là pour le protéger, même si souvent il ne s'en rend pas compte.

– Il n'est pas très conscient de votre existence, c'est ce que vous voulez dire ?

– Oui, c'est vrai.

– Et vous le protégez de quoi ?

– Je vous l'ai dit : de sa tendance à se surestimer.

– Et qu'est-ce que vous pensez de son idée de reprendre le judo et de quitter la maison de ses parents ?

– Ah, ah ! Il me fait rire !

– Pourquoi ?

– À quoi ça va lui servir ? Ce n'est pas du tout sûr qu'il gagne des combats ! Il ferait mieux de rester tranquillement chez lui. Il va se créer des complications pour rien ! Il a une vie tranquille chez ses parents. Pourquoi prendre des risques inu-tiles ?

– En fait, si je comprends bien, vous, ce que vous voulez, c'est que Lucas se sente bien. Son Guerrier cherche aussi à ce qu'il se sente bien, mais pas de la même manière que vous. Vous, vous voulez qu'il se sente bien en restant chez lui.

– Oui oui, si on veut, on peut dire les choses comme ça !

– Dans ce cas, est-ce qu'on ne pourrait pas trouver un compromis ?

– Un compromis ? Quel compromis ?

– Il pourrait envisager de réaliser son projet de manière plus... plus réaliste, par exemple en lui mettant des limites !

– Des limites ? Oui oui, après tout pourquoi pas ? On peut essayer mais comment, quelles limites ?

– Je ne sais pas. Il faut d'abord le consulter pour savoir s'il est d'accord.

[…]