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POÈMES DE MON NOUVEL ÂGE 
Ce recueil, qui fait l'objet d'une troisième publication, comprend des textes écrits dans les années 1990, auxquels ont été ajoutés quelques poèmes inédits, plus récents. L'ensemble de l'ouvrage ainsi recomposé met en valeur la spiritualité passionnelle de l'auteur en mêlant curieusement une vision mystique du futur de l'humanité à des séquences empreintes de sensualité brûlante et des évocations nostalgiques du passé. 

 Auteur : Jean-Paul Inisan - 124 pages - format 12 x 19 - prix :12 euros -  première publication en 1998 - réédité en 2014 - Nouvelle édition en 2016 (Edmond Chemin). Disponible en librairie et sur les sites de vente internet  : bod.fr (site recommandé pour une disponibilité immédiate du livre), fnac.fr, amazon.fr, decitre.fr, dialogues.com, etc.  - ISBN : 979-10-95638-06- 3 

Extraits et textes complets...  

(Reproductions autorisées avec mention de la source) 


À CHACUN SA JOIE  

À chaque jour suffit sa joie
Et à chacun suffit sa voie
Va toujours vers ce qui te plaît
Mais ne regarde jamais à côté

 

BON JOUR  

Regarde les yeux de l'aurore
Ils sont ouverts sur une vie à venir
Regarde les yeux encore clos de la nuit
Ce sont tes rêves de demain
Qui dorment au creux de tes mains  

Sur le chemin qui s'avance
Je vois les couleurs de la vie
Qui se mêlent dans un miroir
Où il y a mon visage  

Au-delà de tout âge
Au-delà de mes espoirs jadis déçus
Au-delà de mon cœur aujourd'hui nu
Je sens battre les ailes d'un jour nouveau
Là-bas
Tout de suite
Une lueur est née  

Je ne vois rien mais je sens je ressens
Comme une présence constante
Une énergie chaude douce
Qui m'imprègne me berce me calme
Je me sens si heureux lorsqu'en elle je m'abandonne
À ma douleur  

Car elle devient alors Amour
Car je ne me sens jamais seul
Mais je me sens toujours aimé
Sans avoir rien à prouver
Même pas que je suis heureux
Ou malheureux
Je peut être
Vous peut être  

Dans la nuit à peine finie
Je suis déjà les yeux de l'aurore
Et je crée chaque jour qui vient
À la lumière de mon cœur 

 

JOIE

Un orage a grondé
Et mon coeur a tremblé
Passent les nuages
Entre de célestes rivages

Dans la ruelle
Un enfant est passé
Il chantait
Et je l’entendais
La vie était belle

Quand l’orgueil fait naufrage
Il prend l’autre pour otage
En lui donnant l’amour pour rançon
Il le guérit sans raison 

 

VOYANCE

J'AI VU la nuit s'ouvrir
Sur l'horreur des jours blafards
Où pour respirer il fallait fermer les mains
Et les bandeaux que portaient les prêtres
Étaient plus épais que leurs esprits

J'AI VU des torrents de feu
Dégringoler de montagnes invisibles
Où un vieillard aux traits pourtant nobles
Prêchait la justice universelle
Il portait dans sa main l'anneau
De la Délivrance
Celui par qui l'élévation spirituelle
Devenait un véritable holocauste
Et l'autel de cette vieille église
Détruite par des tempêtes venues d'ailleurs
Avait gardé son marbre majestueux

J'AI VU des enfants perdus
Venir s’y cacher en pleurant
Ils avaient perdu leur mère
Et personne ne s'occupait de leur misère
Je ne pouvais rien faire
Car il m'eût fallu les prendre tous
Je pensais à mes propres enfants
Aujourd'hui grands
Et vieux
Peut-être morts
Je ne le sais

Certains prenaient quand même du plaisir
Ils n'étaient pas les moins éternels
Ils croyaient encore en la vie
Cette joie naïve des carnassiers
Toujours m'étonnait
Je ne pouvais leur en vouloir
Pas plus qu'aux vautours qui rôdaient
Heureux comme jamais

J'Al VU aussi des fleurs étranges
Comme je n'en avais encore jamais vues
Elles étaient vertes
Leur parfum m'enivrait
D'une ivresse si profonde
Que je m'assoupissais

Mes rêves m'amenaient vers les rives
Du passé
La nostalgie ne me réveillait pas
Je me trouvais au milieu de débris
Qui n’étaient que le reflet de mon esprit

 

 

L’AUTOMNE INDIEN

Les orages de l’été se sont éloignés
Et j’ai sauté par-dessus les barrières rousses
De l’automne indien
D’où tu me reviens
Toi
Avec tes grands yeux
Si fabuleux



 

NOS MAINS

Je puis poser ma main sur ta main
En me disant que je le ferai encore demain
Quoi qu’il arrive
Quelle que soit ma dérive

Je puis poser ma main sur ta main
En me disant que c’est cela mon chemin
Quoi qu’il advienne
Quelle que soit ma peine

Je peux prendre ta main dans ma main
Et me dire que toi et moi nous irons loin
Quoi qu’il en coûte
Quels que soient nos doutes

Je puis prendre ta main dans ma main
Et me dire que nous sommes bien
Quoi qu’il pleuve
Quelles que soient nos épreuves

Je puis séparer ma main de ta main
En me disant que je reviendrai demain
Quoi que tu en penses
Quel que soit le silence

Je puis poser ma main dans ta main
Et me sentir ainsi très bien
Quoi que j’en décide
Quel que soit le vide

Je puis faire tout ce que je veux
Avec mes mains
Avec moi-même
C’est comme cela que je t’aime

Libre avec tes mains
Libre avec toi-même
Nous sommes alors très bien tous les deux

 


L’ÂME QUOTIDIENNE

Laissons nos coeurs s’ouvrir à la vie
Laissons nos corps s’unir à la mort
Laissons nos bateaux faire naufrage dans leurs ports

Il n y a pas de vérité Maître
Je tremble
Suis-je un traître
Naviguer en eau profonde
Ne me suffit donc plus

Il y a l’appel sourd
Des étoiles nouvelles qui clignotent
Loin dans un intérieur obscur
Il y a l’appel que je n’entends pas encore
Des racines
Des odeurs
De la pulpe fraîche
Des jours de lumière

Là où ma peau épouse étroitement ma faiblesse
Et elle illumine mes yeux clairs
Mon ciel ne peut être toujours le plus haut
J’ai besoin de l’humilité de la terre

Que mon âme enfin soit plus lourde
Que mon corps
Qu’elle se nourrisse de choses simples
Comme une graine jadis enfouie
Et qui a pourri
Elle germe soudain

La fleur magique du pardon
Naît du ferment
Elle s’épanouit lentement
Elle se nourrit à la souffrance secrète

Laissons nos coeurs s’ouvrir à la vie
Laissons nos corps s’unir à la mort
Laissons nos bateaux faire naufrage dans leurs ports

 


LÈVRES OUVERTES  

Guerriers de l'espérance
Nous avons pris tous les matins comme des dimanches
A l'orée de la nuit
Pourtant nous guettaient tous nos ennemis
Et la lune agitait son flambeau blafard
Au-dessus des rues de mon hasard
J'entendais les murmures des ruisseaux lointains
J'attendais les poupées au visage mutin  

Il n y avait ici aucun rêve
Je brisais simplement la froideur de mes lèvres 

 

 

LA VIE DEMAIN  

La paix silencieuse de demain
Sera faite de l'ignorance d'aujourd'hui
Lourde fatalité léguée par nos pères guerriers
A l'aurore de l'avenir qui sommeille encore
Et personne ne sait vraiment
Si le serpent souterrain
Des rêves humains
Apparaîtra un jour à la lumière
De ceux qui savent là-haut
Et qui guident ma main
Ma main qui écrit sans réfléchir
Je ne vois rien
La vie me vient
Et surtout sans cesse elle me revient 

 

 

NUE VÉRITÉ

Vérité
Tu es nue 
Tu as froid

Je voudrais te donner un peu de chaleur 
Mais tu n'aimes pas ma passion
Tu ne m'aimes pas

Je ne sais que faire de toi 
Ton impudeur me gêne
Ton indifférence me peine 

Je ne puis de toi abuser 
Car tu n'as pas d'intimité 
Alors je t'habille de mes poèmes 
Et enfin je sens que je t'aime


VIE POSTERIEURE  

Longtemps j'errais comme un chien perdu 
Dans les quartiers sales 
D'une ville inconnue  

On me donnait un peu à manger 
Mais je devais souvent attendre la nuit 
Pour guetter le moment sublime 
Où les gens s'abandonnent à leur fatigue 
Et enfin à leurs rêves  

Mon rêve commençait au coin du premier caniveau 
Je pouvais commencer ma quête 
Je rencontrais parfois quelques noctambules un peu gris 
Qui me lançaient quelques pièces 
En échange je leur donnais un peu de poésie 

J'allais voir une petite prostituée 
Au regard très doux 
Et aux longues cuisses nues provocantes 
J'étais un moment partagé 
Et vite c'était la tendresse qui l'emportait 
Je finissais par lui baiser les pieds 
Pour moi c'était vraiment la sainte du quartier  

Bien sûr il y avait les rats 
Ils grouillaient dans les rues 
Surtout dans la journée 
Quand personne ne les voyait 
Ils ne s'aimaient pas entre eux  

Moi je les aimais 
Mais ils ne le savaient pas 
Ils me prenaient pour un chat 
Peut-être à cause de mon dos 
Qui à l'époque était plutôt gros  

D'elle ils se moquaient 
Ou ils l'évitaient honteusement 
Quelques-uns l'exploitaient 
C'était toujours très négocié 
Et je ne m'en mêlais pas 
Sauf une fois 
Où je lui dis que je l'aimais 
Ce qui n'a pas de prix 
Et ça ça la gênait  

Mais ma quête reprenait son cours 
J'allais toujours plus loin sur ce chemin 
Qui descendait descendait sans cesse 
Un peu plus chaque jour   

Mais je n'arrivais pas à sombrer vraiment 
Toujours quelque chose me retenait 
J'étais à la fois touriste et mendiant 
A la fois humble et distant   

Je ne craignais pas d'être sali 
Les bactéries étaient mes amies 
Je leur disais toujours merci   

 

 

AMI DE JADIS   

Ô ami de jadis 
J'ignore ton nom d'artiste
Tu me jouas si bien la comédie
Que je la préférai à la vie
Sur les places des villes il y a parfois ta musique
Et l’Éternel me dit que tu es triste  

L’Éternel écoute ma prière
Je ne suis pas fait que de bois
Mais aussi d'un métal qui ne rouille pas
Mon âme est acérée
Par l'usure des vieux baisers

 

 

VÉRITÉ  

La vérité
MA vérité
Est mon espoir
La vérité est toute une histoire
L'histoire de ma vie passée
Et ce que je veux dépasser  

L'histoire de mes rencontres
Avec ces femmes au regard si doux
Et si braves en même temps
Que je ne pouvais m'empêcher 
De les aimer  

Comme j'aime à présent contempler
Les petites barques des marins du dimanche
S'élancer bravement vers l'océan immense
Et disparaître bientôt à l'horizon  

Si frêles d'apparence
Elles reviennent le soir
Pleines et sereines
Dans la lumière d'argent de l'automne naissant  

Elles me donnent envie d'y dormir la nuit
Bercé par le lent mouvement des vagues mourantes
Mais en réalité les pêcheurs
Les laissent sur la grève  

Et moi en cachette
Je vais dans le noir leur dire mes pensées secrètes
Et en touchant timidement le bois encore mouillé
En m'enivrant des odeurs fortes de la mer
Mon coeur frémit
Et presque il s'arrête  

 

 

DÉLIVRANCE

Mon ami mon frère
Que puis-je pour ta misère

Au seuil de la mort
Je vois encore souffrir ton corps
Et je te cache mon immense tristesse
En te donnant maladroitement ma tendresse

Mes yeux sauront-ils te dire mon amour
Ne serait-ce qu’un instant très court
Pour qu’à la seconde fatale
Tu t’en souviennes comme d’une étoile

Dans mon coeur tu seras toujours né
Tu brilleras pour moi dans la gloire de l’éternité



 

EXCLUSION

Les voisins sont venus jouer
Sur le pré

Le vent soufflait dans leurs reins
Je me sentais complice de leurs ébats coquins

Je courais vers eux
Et chaque fois je tombais

Personne ne riait
Et je recommençais

Les voisins sont venus jouer
Dans le pré

Paix à leurs âmes guerrières
Je les ai tuées

En riant
J’étais heureux

Personne ne m’attendait
Ma raison se fissurait
Dans leurs yeux je voyais de la surprise
Dans leurs coeurs des friandises

Laissez-moi aller vers eux
Moi aussi je suis heureux

Les voisins sont venus jouer
Dans mon pré
Et quand j’ai crié très fort mon bonheur

Ils ont eu très peur
Laissez-les vivre
Laissez-moi les découvrir

Les voisins sont venus jouer
Dans mon pré
Hélas je ne puis être des leurs
Car je crie et je pleure

On me fait rentrer à la maison
Je ne sais pour quelle raison

Les voisins sont en train de jouer
 


 

QUE SUIS-JE ? (extrait)
 

Certains disent qu’en moi il faut avoir la foi
Pour obtenir de moi des grâces
Ils me vénèrent comme le roi des rois
Ils pensent que c’est une attitude efficace

Mais moi je ne suis qu’un pauvre hère
Et je ne comprends pas leur croyance
Moi-même je suis dans la misère
Ma seule richesse est mon existence

Oui je sais que je donne parfois
Mais je ne suis pas comptable
Je ne donne qu’à ceux qui ne calculent pas
Et qui à moi peuvent être semblables

À ceux qui comprennent vraiment qui je suis
Un petit enfant un grand pécheur un être vulnérable
Qui a besoin qu’on prenne soin de lui
Mais sans rien espérer de lui qui leur soit profitable

 

 

DESCENDRE 
 
Le cheval fou de l'Espoir 
S'est emballé 
Et je n'arrive plus à contrôler sa course 
Son galop enfiévré 
Me conduit vers des terres inconnues 
Éclairées par un soleil rouge 
Et j'entends des carillons étranges 
Sonner sans cesse précipitamment 
Les heures de ce temps que j'ai tant aimé 
Et que je veux à présent effacer de ma mémoire 

Mais bientôt la course s'apaise 
Et des mains frêles et tremblantes 
Caressent le flanc palpitant de la bête 
Elle semble aimer 
Elle baisse humblement sa noble tête 

Moi je reste toujours en selle 
Je voudrais atteindre tout de suite 
Les crêtes 
Là où l'air est pur 
Je vais pouvoir enfin respirer 
Tranquille 
Jusqu'à la fin des jours 
Voir les choses et les hommes de loin 
De loin 

Mais les hommes m'empêchent d'aller plus loin 
Ils veulent que je m'arrête sur mon destin 

La fumée des incendies 
Que j'ai allumés dans un lointain passé 
Et laissé brûler 
Sans jamais m'en soucier 
La fumée me fait pleurer 
Je ne vois plus rien 
Je ne veux plus rien 

Surtout pas de leurs mains 
Je veux fuir sur le Chemin 
Je ne veux pas être aimé 
Admiré ou approuvé 
Je veux être libre 
Être moi-même 
Et repartir tout de suite vers demain 

Mais Il n'obéit plus 
II aime la chaude pluie 
Des mains et des yeux silencieux 
Qui tombent doucement 
Sur sa fatigue 
Accumulée pendant des siècles de fierté 

Alors
je   
Descend 

 

 

 

RENOUVEAU

Les élans de la nuit
Ont rouvert la plaie profonde de mon ennui
Et j'ai plongé dans l'eau précieuse
De ta jeunesse radieuse
Je ne m y suis point noyé
Mais j’y ai tout oublié
Et par ma défunte mémoire
C'est à toi à présent que je vais croire

 

 

MASQUE BLANC 

Ma conscience est sans visage
Elle ne cherche pas son âge
Elle est comme un matin
Qui n'a pas de fin  

 Elle est comme la lumière
Qui elle-même s'éclaire
Elle n'a donc pas de mots
Pour dire ce qui est le bien et le beau  

Car il n y a rien sous le voile
Que l'infini et ses étoiles
L’éternité du maintenant
Dont Vous est le seul élément  

Car c'est ainsi qu’est votre évidence
C'est mon existence qui danse
Quand je vous regarde avec amour
Sans attendre une image en retour  

Colère tristesse et allégresse
Ne sont alors jamais à mon adresse
Mais comme de libres fleurs
Qui puisent leurs parfums dans mon cœur  



 

ÉLÉVATION  

 Nous baladerons nos vies 
Dans des royaumes innocents 
Et nous baiserons les pieds de l'oubli 
Le pardon nous donnera les ailes nécessaires 
Pour atteindre l'amour vrai 
Celui qui ouvre les cœurs
En y faisant parfois des plaies béantes 
D'où coulera le sang noir de la rancune  

Alors nos regards s'éclairciront 
Et nous monterons main dans la main 
Par ces chemins secrets 
Qui  mènent là d'où personne n'est revenu 
Nos lèvres tremblantes balbutieront des mots 
Qui feront frémir les esprits sauvages 
Galopant dans cette plaine immense 
Où nous passerons tranquillement 
Désarmés jusqu’aux dents 
Pour mieux goûter au firmament 

 

 

FENÊTRE SUR JARDIN (1 extrait)  

Je voudrais me noyer dans la matière
Comme une graine qu'on oublie
Pendant tout un hiver
Et puis soudain voilà qu'elle sort du néant  

Et personne n'y comprend rien
D'où elle sort celle-là
D'elle il n'y avait aucune trace
Et tout d'un coup voilà qu'elle prend toute la place  

Elle avait si complètement disparu
Qu'on avait oublié son existence
Et soudain elle sort d'un souterrain
Comme un tunnel obscur en plein milieu de la lumière  

Bonjour
Vous allez bien
Moi aussi
Je reviens de loin 

 

 

ÇA VA MIEUX (1 extrait)  

Un oiseau est venu chanter auprès de mon arbre
Je m'étais assoupi au bord d'une oasis
J'attendais sur le côté d'une route
Que je ne voyais pas  

Je ne sais pas où je vais
Je ne sais pas où je suis
Mais je sais enfin qui je ne suis pas
Je vais pas par pas  

Le rire d'enfants
Heureux comme des petits dieux
A fait vibrer mon coeur
Il vit mieux



 

LA MORT DU RÊVEUR (1 extrait) 

Visages de femmes dans la nuit
Que j’ai autrefois entrevus
Je les croisais dans les rues
Sans faire de bruit  

J’étais par nature amoureux
Je les trouvais tous beaux
Et je passais silencieux
Sans dire un mot  

C’était un défilé sans fin
De petits bonheurs passagers
Et j’aimais ce chemin
Où sans cesse je rêvais  

C’était un rêve sans retour
Je n’attendais rien
Il me suffisait d’entretenir mon amour
Pour me sentir vraiment bien  

On m’aurait pris pour un simple d’esprit
Si j’avais dit la douceur de ma joie
Personne ne m’aurait compris
On m’aurait montré du doigt



 

VOYAGE

Oui c’est vrai j’ai souvent fait ce voyage
Oui c’est vrai j’ai souvent franchi le grand passage
Et j’en suis toujours revenu
Bien qu’à chaque fois ce n’était pas prévu

Mais cela se fait quand même
Peut-être parce que c’est  une chose que j’aime
Je veux dire que je l’aime trop
Alors on me fait revenir illico presto

Les gens de là-bas n’aiment pas les touristes
Ils les considèrent comme des fumistes
Pour eux il ne faut pas se contenter de visiter
Mais il faut vraiment s’y installer

C’est vrai que c’est un beau lieu de résidence
Comme il n’en existe pas dans cette existence
Mais c’est aussi un peu ennuyeux
De voir tous les jours tout le monde heureux

Ce n’est pas ce que ça me coûte
De prendre souvent cette route
Ça vaut vraiment le détour
Et c’est un trajet très court

Pas le temps d’admirer le paysage
Il vous suffit de changer d’âge
Et pour revenir il ne s’agit pas de rajeunir
Car là-bas il n’y a ni passé ni avenir

Mais il faut simplement perdre la conscience
Et se laisser retomber dans l’ignorance
Par exemple en pensant beaucoup
On tombe dans un immense trou

Et l’on traverse l’espace
Á la vitesse de la disgrâce
Mais comme je vous l’ai dit
C’est bien mieux ainsi

Dans d’aussi belles demeures
Les visites les plus courtes sont les meilleures
C’est trop bien pour moi
Ou peut-être j’ai l’impression que je ne le mérite pas

J’y parviens toujours par inadvertance
Quand j’oublie mon existence
Quand je suis tellement distrait
Que j’oublie mon intérêt

Quand je me sens être personne
Et qu’au hasard je m’abandonne
Alors je me sens par tout envahi
Et je ne sais plus qui je suis

C’est cela le grand voyage
C’est ne plus voir son propre visage
C’est devenir ce que l’on voit
Et tout ce que l’on perçoit

Ce n’est pas une question de technique
Pas besoin de connaissance scientifique
Car il faut beaucoup de légèreté
Comme à la lumière il faut de la fluidité

Il faut abandonner toute mémoire
Ne plus délimiter son territoire
Et alors on voit tout verticalement
On change radicalement de plan

Mais je le répète ce n’est pas si extraordinaire
Du moins quand on n’a pas une âme de sédentaire
Quand son esprit erre et ne s’attache à rien 
Et que l’on perd toujours son chemin

Enfin peut-être qu’un jour j’en ferai ma résidence principale
Un jour de grande fatigue générale
J’ouvrirai vraiment mes yeux
Afin de situer exactement ce lieu