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500 CITATIONS COURTES
de

Jean-Paul Inisan

(Reproduction des textes autorisée avec mention de la source)

Je montre mon vrai visage,
Ce n’est pas celui d’un vieux sage.
C’est celui d’un apprenti.
Un apprenti de la vie.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Le meilleur de ton être ne peut être vu,
Ne peut être entendu.
Le meilleur de ton être,
C'est ce que tu ne peux jamais paraître.

Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.

* * *

Bon, je sauverai peut-être ma peau
En admettant que je ne suis pas beau.
Je viderai toutes mes poches
Afin qu'ils voient que je suis toujours aussi moche.

Jean-Paul Inisan Clairs de nuit, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Je ne mets pas d’autre dans mon Un,
Je suis seul sur ce chemin
Dont vous êtes les surprises,
Comme de déroutantes balises.

Elles mêlent nos pas,
Me font changer souvent de voie.
Elles élargissent l'immense fenêtre
Qu'est la conscience de mon être.

 L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Tu t'aperçois là-bas, très loin d'où tu es,
Car tu confonds le vrai et son reflet,
Le masque et la face,
Ce qui est immuable et ce qui passe.

Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.

* * *

À chaque jour suffit sa joie
Et à chacun suffit sa voie.
Va toujours vers ce qui te plaît,

Mais ne regarde jamais à côté.

Poèmes de mon nouvel âge, ed. Edmond Chemin, 1998, 2016.

* * *

Quand le corps devient fragile,
L'âme devient tranquille.
Plus on s'approche de la fin,
Plus on aime et moins l'on craint.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Ce que m'a appris la souffrance,
C’est d’accepter la différence.
Je reste dans le silence.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Celui qui connaît la vérité ne cherche pas à plaire,
Encore moins à se satisfaire.

Il vit spontanément.
Il peut être avide et violent
Ou tout donner avec une douceur merveilleuse.
Sa sincérité est toujours prodigieuse.

Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.

* * *
L'amour, c'est quand tu es toi-même,
Même si alors tu ne m'aimes pas,
Car je ne peux être aussi moi-même
Que si je sens ton cœur qui bat.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023

* * *

Le privilège de la vieillesse,
Ce n'est pas la sagesse,
Mais c'est la liberté d'aimer
Sans jamais s'attacher.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

J’ai plongé dans le néant
Et aujourd’hui je suis renaissant.
Hier, j’étais dans l’abîme,
Demain, je serai grandissime.

Étranger est l’Éternel, ed. Edmond Chemin, 2016.

* * *

Toute beauté n'est qu'une expression
D'une beauté bien plus belle encore.
C'est la vérité.

 Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.

* * *

Quand l'orgueil fait naufrage,
Il prend l'autre pour otage.
En lui donnant l'amour pour rançon,
Il le guérit sans raison.

 Poèmes de mon nouvel âge, ed. Edmond Chemin, 1998, 2016.

* * *

Je pars toujours de la fin pour arriver au début.
Ainsi, j’ai déjà tout vécu.
Je ne cherche pas de rivage,
Mais, sans relâche, je nage je nage je nage.

L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Chaque fois que vous m’enfermez
Vous me faites encore plus vous intégrer.
Croyant me chasser de votre monde,
Vous en rendez ma participation encore plus profonde.

Étranger est l’Éternel, ed. Edmond Chemin, 2016

* * *

L'autre n'est jamais fini.
L'infini est ICI.
C'est ce que la rencontre
Partout et toujours démontre.

 L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *
La maison s’écroule
Et pourtant le fou demeure.
C’est une bonne boule.

 L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Je regarde les regards
Comme s’ils étaient de vrais miroirs,
Je cherche la douceur
Parce qu’elle rime avec chaleur,
Je fuis la violence
Parce qu’elle rime avec pense.

L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Pour moi cela est suffisant :
Je ne crois qu’en maintenant.
C’est la plus belle des grâces
Que cet instant si fugace !

 L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

C'est au moment présent
Que je suis ton amant.
Ce qui m'élève
Est ce qui  jamais ne s'achève.

  L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Je n’attend jamais demain,
Les autres sont son chemin.
Ils sont son unique chance,
Ils font en toi le silence.

 L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Ma force est de ne pas être parfait.
C'est ce qui te permet de tout me pardonner.
Mais ceux qui me croient irréprochable
Me rendent ainsi impitoyable.

 Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.

* * *

Je suis ce que l'on croit que je suis :
Le plus généreux des amis ou le plus cruel des ennemis.
Je prends toujours l'apparence
De ce qui répond le mieux à leur croyance.

 Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019..

* * *

Le rire d'enfants,
Heureux comme des petits dieux,
A fait vibrer mon coeur.
Il vit mieux.

 Poèmes de mon nouvel âge, ed. Edmond Chemin, 1998, 2016.

* * *

Dans mon cœur, vous êtes tous mes enfants,
Des uns et des autres tous très différents,
Mais, pour moi, vous êtes tous les mêmes,
Car tous, comme vous êtes, je vous aime.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

C’est face à vous que désormais je vis.
Pas parce que vous êtes mon ennemi,
Mais parce qu’en me donnant la chasse
Vous m’obligez à agrandir mon espace.

 Étranger est l’Éternel, ed. Edmond Chemin, 2016.

* * *

En repoussant les exilés,
C’est votre monde que vous rétrécissez.
Et ce qui n’est pas transformable
N’est que par la violence périssable.

Étranger est l’Éternel, ed. Edmond Chemin, 2016.

* * *

Bonne et merveilleuse prison !
Sur tes murs j'écris partout mon nom.
Tu nous apprends vraiment à vivre,
Tu nous apprends le savoir-vivre.

 Étranger est l’Éternel, ed. Edmond Chemin, 2016.

* * *

On nous appelle la racaille,
Mais à chacun sa manière d’être voyou.
Nous, on ne nous donnera pas de médailles
Pour faire croire qu’on est au-dessus de tout.

 Étranger est l’Éternel, ed. Edmond Chemin, 2016.

* * *

Je me sens libre et heureux
En vivant comme un gueux.
À rien je ne m'attache,
Aucun trésor je ne cache.

L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Descendons dans les rues,
Beaux et complètement nus.
C'est ainsi en étant à notre avantage
Que nous obtiendrons le meilleur éclairage.

Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.

* * *

Je le vois dans les rires cristallins,
Je l'entends dans les voiles du matin :
Il n'y aura pas de repentance
Au bout de la violence.

Il n'y aura rien.
Même pas un chemin.
Il n'y aura qu'un carnage
Et nous reviendrons au vieil âge.

Rêves de cyclope, ed. Edmond Chemin, 2022.

* * *
La seule victoire qui perdure, c'est celle de la Vérité,
Ce n'est pas celle qui est par la force imposée.
Amis ou ennemis, nous sommes tous respectables,
De la paix et de la guerre nous sommes tous responsables.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Tu es lumière et tu retourneras en lumière.
Au-dessus des nuages, le ciel est toujours bleu
Et c'est à la fin de la nuit que le soleil se lève, radieux.
Tu es lumière et tu retourneras en lumière.

Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.

* * *

Au royaume de l’unité,
C’est toujours le même qui est aimé.
Sous mille formes,
Tout, partout, serait au Un conforme.

En vérité, et c’est heureux,
JAMAIS UN SANS DEUX :
A la fois unique et multiple,
De personne tu n’es le disciple.

 L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.

* * *

Sonnez, sonnez, trompettes,
Aujourd'hui c'est la fête !
Allons danser dans les champs,
Tout le monde au premier rang !

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Ce qui est définitivement inconnaissable
Génère inévitablement l'improbable.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Que ferais-je d'une seule identité ?
Je finirais à l'usure par succomber.

J'en trouve toujours de nouvelles,
Qui ne sont pas toujours plus belles,
Mais au moins je ne m'ennuie pas :
Je change souvent de voie.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Quand on s'est sorti d'un mauvais chemin,
On peut ensuite tendre aux autres la main.

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

* * *

Quand donc les grands vont-ils enfin comprendre
Que des petits ils ont tout à apprendre ?

Traces de vie, ed. Edmond Chemin, 2023.

 

Clairs de nuit site

 CLAIRS DE NUIT, ed. Edmond Chemin, 2023.


Il me fallait perdre la face
Pour retrouver la grâce.
La grâce de retrouver ce que Je suis,
Ce qu’essentiellement Je suis.

Tout m’est connu dans l’ici-maintenant.
Les prochaines naissances,
Les anciennes et les futures absences,
Sont toutes présentes en cet instant.

Ici-maintenant est un immense lieu,
Et il est droit comme un pieu.
Enfoncé jusqu'au centre de la terre,
Il atteint aussi les plus hautes sphères.

Tu ne peux trouver ce sentier secret
Qu’en acceptant ton immobilité.
Il te faut d’abord être racine
Pour retrouver ton origine.


Ce je que je suis essentiellement,
C'est ici et maintenant.
C'est ce que je suis sans mémoire
Et sans territoire. 

Je ne crois pas en la résurrection de mon âme,
Seul subsistera de moi ce qui résistera aux flammes.

Moi, je ne fais que dire ce que l'on me dit.
Je ne suis pas un pur esprit.
Je ne fais que retourner sans cesse à l'école,
Celle qui n'est pas faite que de paroles.

Simplement écouter en acceptant les différences
Est source d'une grandiose jouissance.

Ma seule issue dans cette vie, c'est le silence,
Qui aura été ma meilleure expérience,
Celle qui m'aura permis de dépasser mes hontes et mes peurs
Et de découvrir le secret du vrai bonheur.

Pour élargir notre point de vue
Il nous faut accomplir notre ultime mue,
Celle qui va nous unir à tout être
Bien en-deçà du paraître.

Celui qui veut être le plus juste en étant le plus fort
Condamne inéluctablement le monde à la mort.
Tout ça avec un merveilleux langage scientifique
Qui ne peut aboutir qu’à un avenir cataclysmique. 

C’est le même Je qui est en chacun de nous,
C’est l’Infini qui se cache au fond de chacun d’entre nous
Et que nous redécouvrons par la reconnaissance,
En faisant de la vérité de l’autre l’expérience.

Mais en vérité, je vous le dis, l’amour n’est pas un comportement,
Le véritable amour n’est pas un sentiment. 
C’est simplement une intérieure expérience
Qui se fait dans le plus total silence.

À zéro millimètre et à zéro seconde de soi,
On découvre une indestructible joie.
C’est celle qui n’a pas besoin d’un génial langage.
Pour vivre l’amour et le partage.

Nous n’avons pas à nous épuiser
Pour découvrir de la vie le secret.
Et la mort est comme une vide conscience
Où chacun se repose de son existence.

Le danger est grand de se croire supérieur.
Et alors on risque de vivre un grand malheur,
Car c’est uniquement en ne la révélant à personne
Que la connaissance vous désempoisonne.

La vérité est que vous faites un avec la différence.
Vous êtes la fois rien et d’une infinie puissance.


"Je" sait que, parce qu’il est invisible et muet,
Il ne peut jamais être identifié.
Mais, grâce à ses racines profondes,
C’est dans son cœur qu’il accueille le monde.

La beauté terrestre n’est qu’un pont, un escalier
Pour nous faire aller vers ce qui est plus élevé.
C’est comme une magique nacelle
Qui nous élève vers la sphère spirituelle.


Ce qui est beau est haut
Et nous sommes tous égaux.
Nous sommes tous au bas de l’échelle
Face à la beauté éternelle.

Mourir en aimant,
C’est monter au firmament.
Mais mourir avec haine,
C’est se condamner à la géhenne. 

Tout ce que tous les deux nous avons fait,
C’était pour trouver notre vérité.
Et cette recherche était aussi respectable
Que de vouloir comme vous devenir convenable.

Je contiens l’espace et le temps
Et je ne suis pas contenu dedans.
Je suis dans tous les êtres
Et pas seulement dans leurs paraîtres. 

 

Homme ou femme, ami ou ennemi,
Pendant un instant je deviens elle ou lui.
Je ne fais plus de différence
Et cela me confère une étrange puissance.

Le Grand Mystère doit être paradoxal,
Car le savoir ne peut jamais être total,
Il y aura toujours de nouvelles surprises
Qui engendreront de nouvelles crises.

Pour revenir à notre plus profonde vérité
Nous devrons sans cesse oublier notre unité,
Avant d’en reprendre à nouveau conscience
Et de redevenir à nouveau infiniment immense.

Je ne sauverai pas que les meilleurs,
Je récompenserai aussi les pécheurs,
Car vous faites tous partie de mon être
 :
Autant les esclaves que leurs maîtres. 


Je reconnais avoir la totale responsabilité
De tout ce que vous avez dit et fait.
Plutôt que le mortel face à face, 
Je préfère être votre éternel espace.


Toute vie avait disparu,
Le monde s’était tu.
Et dans cet horrible silence,
Ma maison était comme en vacance. 

C’est en supprimant ici-bas les limitations
Que nous accédons à un au-delà sans frontières,
Sans début ni fin et sans barrières.

C’est cela l’amour, c’est devenir infiniment immense
En pensant ce que notre ennemi pense.

J’ai conservé ma silencieuse immobilité.
Même dans la plus folle des danses,
Je reste toujours le même et, dans le silence,
Je reste conscient de ne jamais être né.

Toute connaissance jaillit de l’inconnu.
De l’obscurité profonde jaillit la lumière
Et l’ombre projetée est devant ou derrière.
C’est ainsi que tous les deux se sont connus.

Vénérer des idéaux de perfection,
C’est ce qui entretient toutes les violences,
C’est ce qui justifie toutes les intolérances,
La source glaciale de toutes les destructions.


Je ne puis être un être divin
Que si j’accepte ma nature humaine,
Toujours capable d’envie et de haine.
C’est cela mon chemin.

On n’arrive pas à effacer mon passé,
On en cultive même la mémoire,
Ce qui fait se répéter sans cesse la même histoire.
Difficile  dans ces conditions de me recréer.

Le manque d’unité entraîne le manque de continuité.
C’est ainsi que nous allons être tous exterminés.
La culture analytique, c’est elle la criminelle,
Car, à chaque nouvelle découverte, encore plus elle nous morcelle. 

L’Amour, c’est l’unité, c’est l’immensité, c’est l’éternité.
La haine, c’est la division, c’est le rétréci c’est le renfermé,
C’est le lourd, la répétition uniformément mécanique
De la surconsommation des jouissances narcissiques.
Ainsi le monde s’est-il condamné à l’explosion,
Qui n’est que la forme ultime de la division,
Mais, enfin, pour atteindre les étoiles 
Il nous suffira de dissiper les voiles.

En assumant des autres tous les Je
J’ai retrouvé mon être lumineux.
Ce n’était pas seulement une origine,
Mais aussi ce qui par soi-même illumine.

Quand c’est moi qui par amour donne,
Ce que je donne ne vient de personne.
Mais cet autre qui me fait la grâce d’un don,
Je reconnais tout de suite son visage et son nom. 
C’est quand je suis de l’autre à zéro millimètre
Que je retrouve le meilleur de mon être.

Heureusement, le temps qui passe se déplace
Sur un fond de lumière et d’espace.
Heureusement, le temps qui est à l’intérieur
Se mesure toujours à l’extérieur.


Comment avoir la connaissance
Si du différent on ne reconnait pas l’existence ?
Il finit de toute façon par s’imposer,
Il finit de toute façon par nous éclairer.

Nous jouissons de ce qui est infiniment immense,
Mais toujours sans en voir la redondance.
Pour pouvoir sans cesse nous agrandir
Nous devons sans cesse à nouveau nous rétrécir. 

Comment éviter la fracture
Quand on est aussi proche de la rupture ? 
Irrémédiable semble être l’opposition
Entre l’action et la contemplation.


Le rêve est fou qui continue le matin
Et je ne vois pas en quoi je ne serais qu'un pantin.
La nuit s'en va comme une mer qui se vide,
C'est la lumière maintenant qui me guide.

La lune, elle, ne fait pas la différence.
C’est la Grande Indifférente,
Mais c’est à l’intérieur de son Silence
Que tout homme pense ce qu’il pense.

 

Seule la matière est destructible,
Nous ici, nous sommes indivisibles.


Un jour, nous retrouverons nos originelles maisons.
Elles se trouvent dans les plus hauts horizons.
Nous traverserons les univers et les mondes
En une fraction de millimètre, en une fraction de seconde.

Pour nous créer un nouveau destin,
C’est aujourd’hui que nous regardons vers demain.

Au plus proche de moi,
Je ne me vois pas,
C'est une transparence
Pleine de vos multiples différences. 

Ici, c'est grouillant de joies, de peines, de vie,
De mouvements et de cris.
Et pourtant à jamais immobile
Et parfaitement impassible.

Bien au-delà de ma toute petite vie
Et de ma toute petite mort,
Merci à l’Existence d’exister,
Merci à l’Être d’être,
Merci à l’Êtreté d’être.

Je ne veux pas vivre dans le passé
Et passer mon temps à le regretter.
D’autres que moi sont en train de le vivre :
C’est une pensée qui me délivre.

De la pré-vision de mon imminente vastitude
Je m’enivre maintenant jusqu’à la plénitude.
C'est d’ici, chez moi,
Que je m’élancerai vers là-bas.

Heureusement, je viens de lire la dépêche
Qui me dit qu’il faut que je me presse.
Je vais boire mon dernier et meilleur cru,
Celui qui a le goût exquis de la cigüe.


Quand les querelles sont belles,
Elles sont toujours bidimensionnelles. 
Elles se conjuguent toujours au présent,
Elles ne génèrent jamais de ressentiment.
C’est comme si l’on n’avait plus de mémoire,
Personne ne cultive alors son histoire.

Ce n’est qu’un simple renouvellement.
La mort n’est qu’une simple opération de rechange,
Comme changer les ailes d’un ange.
Mais cette procédure ne change rien :
L’ange restera toujours un être divin,
Son existence restera toujours éternelle,
Même en cas d’altérations partielles.

C’est vrai que là-bas je souffre et je meurs,
Mais c’est sans ressentir de la peur,
Car tout le reste de mon être continue à vivre
Et je ne m’inquiète donc pas de ce qui va suivre.

Ici, je continue sans cesse à m’incarner,
À tous mes coéquipiers je suis à jamais lié. 
Éternelle est ma présence,
Car indéfinissable est la conscience. 

C’est cela le secret du pouvoir illimité,
C’est renoncer à toute identité,
C’est perdre toute souvenance
De sa prétendue puissance.

En nous ressentant être à la fois l’autre et l’un,
Nous devenons un prodigieux magicien.
Mais, en même temps, un être totalement anonyme
Que rien ne peut reconnaître ni ne rendre légitime.

Ici, à zéro millimètre et à zéro seconde de moi,
Je n’ai vraiment qu’un seul possible choix :
C’est de disparaître en tant que personne,
C’est de devenir un roi sans couronne,
Le plus puissant des souverains,
Celui qui ne possède rien,
Qui à tous fait toujours confiance,
Car il voit au-delà des apparences.

Je ne suis qu’une émanation de l’Infini,
Comme un éphémère souffle de vie,
Une minuscule fleur de passage
Qui aura vite fait de tourner la page.
Et, dans le cosmos, un microscopique point
Qui équivaut presque au rien.
Mais je crois en ma part essentielle,
Qui est mon infinitude originelle.


C’est ainsi que va l’existence :
Elle ne précède ni ne suit l’essence
Mais toutes deux sont intimement liées,
On ne peut jamais les séparer.
On ne les connaît que par leur différence,
On ne peut jamais en avoir une claire connaissance.

Quand je ressens la totalité de ce que vit un seul être
Et que j'accepte alors dans le silence de disparaître,
J'accède à tout ce qui peut être perçu et ressenti,
J'accède à l'expérience d'un temps et d'un espace infinis.
Et alors peu m'importent mes défauts et mes carences,
Car ils font partie d'un univers immense.

Bien que je me déplace à la vitesse de la lumière
Je vis tout de même dans la plus totale misère.
Heureusement, je suis un être cristallin
 :
C’est avec le cœur que je vous atteins,
Je traverse l’immense espace
En cédant à l’Autre ma place.

Je ne peux pas être emprisonné :
Tous ceux qui en ont fait l’expérience
N’ont trouvé en moi que de la transparence.
Je demeure essentiellement un clandestin,
Car on ne peut être un être divin
Que si l’on est seulement de passage,
Jamais enfermé dans une cléricale cage.


Il n’y a aucune différence
Entre la conscience et l’existence,
Aucune différence entre moi et vous,
Aucune différence entre le sage et le fou,
Aucune différence entre vous et l’autre.
C’est toujours et partout le même hôte.

Ici il n’y a ni début ni fin
Ni soir ni matin.
C’est le plus court des voyages
Celui où tu perds ton visage.
Mais ceux que tu vois
Font tous partie de toi,
Aucun vraiment ne te fascine
Et c’est ton regard qui les illumine.

Il n’y a pas loin d’ici à là-bas,
C’est juste à quelques pas. 
Et ce n’est visible
Que si vous êtes invisible.
Invisible à vous-même dans les miroirs,
Inaudible à vous-même dans les parloirs.
Alors vous n’êtes jamais le même
Et tout l’Univers vous aime.

Y a t-il ou non une vie après et avant ?
Il y a et il n'y a pas sont comme deux amants :
Quand tu les sépares,
C’est la fin de leur histoire,
Mais si tu respectes leur intime union,
Sans la moindre intervention,
En acceptant l’immédiate évidence
De leur passagère transe,
Tu te sens ni mortel ni immortel.
Tu crois et tu ne crois pas au ciel
Et, sans vouloir le paraître,
Tu deviens simplement conscient de l’être.


Le futur et le passé se conjuguent au présent.
Il n’y a pas d’ancien ou de nouvel âge.  
L’Histoire n’est qu’un cosmique voyage
Qui ne respecte pas la chronologie des événements,
Aucun ordre n’est préétabli. 
Certes, les temps de paix précédent les temps de guerre
Et, après les temps d’opulence, surviennent les temps de misère,
Mais la Mort peut aussi y engendrer la Vie.



Cela est aussi vrai de l’Amour :
Pour se connaître il a besoin de la Haine
Et la joie pour se connaître a besoin de la peine,
Comme la voie directe a besoin du détour.

Je suis reconnaissant à l’oubli,
Car c’est en retrouvant et en perdant la mémoire
Que je construis et déconstruis sans cesse mon histoire.
C’est ainsi que je sais qui vraiment je suis.

Je contient immobilement l’espace et le temps, 
Il n’a ni corps ni voix ni goût ni âge.
Il n’est qu’un immense et inaltérable passage,
Sans cesse creusé par des passants toujours différents
Qui ne reviennent jamais sur leurs pas.
Et pourtant ce sont toujours les mêmes silhouettes
Qui s’approchent puis s’éloignent de mon immense fenêtre
Et, dans mon oreille de silence, ce sont les mêmes voix.

La lumière est contenue par la plus obscure des nuits
Et l’océan aveugle est parsemé de phares.
Le mal n’est que l’envers de la même histoire.
Le bien et le bon ne sont pas ses ennemis,
Mais ce sont d’inséparables compagnons,
Car même si en apparence ils s’opposent
Chacun des deux est de l’autre la secrète cause,
Comme la vallée a besoin de l’ombre des monts.


Le bonheur, c’est simplement d’aimer.
Quand on aime, on est ou on sera aimé.
Mais la vengeance, c’est de la haine
Qui fait à jamais de votre cœur son domaine.
Et alors vous ne vous sentirez jamais apaisé,
Car il y aura toujours d’autres à condamner.
Vous souffrirez sans cesse des injustices
Qui n’auront pas fait l’objet de peines réparatrices.


Cette étoile qui descend vers moi,
C’est la maison de mon âme
Dont jamais ne s’éteint la flamme.
Comme le jour entre deux nuits
Je m’y repose entre deux vies.
Mais parfois, dans mon cœur je l’invite
Et elle m’honore de sa visite.

Rien ici-bas n’est jamais complètement terminé,
Il nous faut toujours tout recommencer.
Cela devient finalement presque une béatitude
De fuir sans cesse son infinitude,
Car le retour incessant de la faim
Vient de ce que le temps et l’espace n’ont pas de fin.


Ô hasard des aventures imaginaires
Où l’on ne sait jamais quelle faim nous sera réservée.


Nous contribuons pourtant à les faire venir,
Les sœurs jumelles qui nous font des signes.
L’une a les cheveux courts, l’autre les a mi-longs.
Et comme elles échangent sans cesse leurs visages
Nous croyons voir deux chemins identiques
Là où il n’y a que le Un, c’est-à-dire que du différent.

Mais aux autres je n'ai rien pris,
Simplement j'ai beaucoup appris.
C'est cela sans doute qui est impardonnable :
On ne peut accepter que je ne sois pas manipulable.
Bon, je sauverai peut-être ma peau
En admettant que je ne suis pas beau.
Je viderai toutes mes poches
Afin qu'ils voient que je suis toujours aussi moche.

Ne pas se laisser enclore
Dans un mirage magicien,
Ne pas se laisser devenir incolore,
Oser être à soi-même son propre nain
Afin d’échapper à la fusion souveraine.
S’enfouir dans les sables mouvants,
S’en faire une amoureuse gaine
Où nous attendrons la mort éternellement.

Cela n’indigne aujourd’hui personne
Qu’on ait sacralisé des barbares. 
Leurs exploits continueront encore longtemps 
À enchanter les historiens du dimanche,
Prisonniers fidèles des histoires qu’ils interprètent
Afin de leur rendre la vie plus belle. 

L’Infini est dans le temps interminable.
Et, étant sans limites, il est dans l’espace indéfinissable.
C’est pourquoi morts et vivants sont toujours réunis ici,
Car, dans l’Univers cosmique, rien n’est jamais fini.

La mort n’est qu’un voyage éclair dans l’espace
Qui nous fait simplement changer de place.

Personne ne veut renoncer à soi ou aux siens.
Et certains s’accrochent désespérément à leurs biens.
À leurs corps, à leurs souvenirs ils s’accrochent
Et ils voudraient bien retrouver leurs proches.
Mais ici nous ne faisons pas de discrimination,
Avec tout le monde nous sommes en union.

Ici, il n’y a jamais de durable ou grave crise
C’est l’inépuisable diversité qui remplace la surprise

Celui qui sur l'autre a raison
A tort d'avoir raison
Mais celui qui s'est égaré dans l'océan du tort
Peut toujours revenir au port

Ici et maintenant, au plus proche de soi,
Strictement à zéro millimètre de moi,
C'est vraiment sans gêne et sans  limites
Que le monde entier en moi s'invite.

 

 

 

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L'AUTRE ICI, 2015 (éd. Edmond Chemin)
 

Ici est un  point sans fin.
De tout il est plein.
C'est une caisse de résonance
Pour la musique et la danse.

 

* * *

 Ici-maintenant, c'est l’immuable essieu
Et la grande roue des cieux,
Qui tourne à si vive allure
Qu’à chaque instant elle me défigure.

Mais, même sans reflet,
Je me sens aimé.
Je n’ai plus de rêve,
Je revis sans trêve.


* * *

Ici pas de chef,
Ce n’est pas un fief !
Pas besoin de guide
Pour voir qui ici réside !  

C’est un vieux mendiant
Qui est aussi un petit enfant.
Il ne peut vivre que de manière secrète,
La publicité le fait disparaître.
 


* * *

Assis sur mon arrière-plan,
Je suis vraiment trop lent ! 
Dans la clairière paisible et sans fin de ma conscience
Le monde me paraît toujours comme en transe.


* * *

 
Ô mes amis que j’aime votre allégresse !
C’est la plus belle de mes maîtresses. 
J’aime sa divine créativité
Qui jaillit en silence et me fait aimer.


* * *

Je ne veux pas qu'on me pardonne,
Car je ne veux pas qu'on me sectionne.
Je veux rester entier,
Je ne veux rien renier.


* * *

Oui, je sais j'ai aussi été bon,
J'ai même fait parfois de moi le don.
Ce sera compté dans l'ultime inventaire
 ?
Mais, vous savez, je n’en ai rien à faire.


* * *

On ne me reconnaît pas
Quand je veux rentrer chez moi,
On ne comprend pas mon langage,
On me prend pour une image.


* * *

De cette maison, ici, personne ne s’évade,
Car il n’y a pas de façade.
Il n’y a que trois murs dans cette maison.



* * *
Ce n'est pas que je sois meilleur que vous
Ou le plus intelligent de tous les fous.
Et, comme vous, de la vie je suis avide,
Comme vous je n'aime pas le suicide.

Mais c'est moi qui contiens le temps :
Je ici est l'invisible contenant
De toutes les existences.
Elles me servent à avoir de moi conscience.


* * *

ICI, aucune grande vedette...
Peut-être quand même le poète.

Parce qu’il est fragile
On le croit docile.

Mais c’est un réveille-matin,
Il éclaire nos destins,
C’est par la transe,
Qu’il crée nos signifiances.


* * *

Je me sens libre et heureux
En vivant comme un gueux.
À rien je ne m'attache,
Aucun trésor je ne cache.


* * *

Je suis trop jouissif
Pour être possessif.
Ma seule dépendance,
C'est l'intempérance.


* * *

Je ne suis pas un saint,
Pour vivre je n'attends pas demain.
Simplement j'assume
Que tous les jours je me consume.

Très proche est ma mort,
Je ne sens déjà plus mon corps.
Seule demeurera la conscience
De mon inexistence.

* * *

C’est sur fond de silence
Que l’homme pense.


* * *
Maintenant nous sommes ICI.
ICI est une plaine immense, l'horizon familier de ma vie.
Avec toute la tribu.

Mon dieu, qu'elle est immense !
Nous nous ressemblons tous.
Mon dieu, qui suis-je, qui est l'autre ?

Je ne me vois nulle part...
Des larmes ne cessent de me laver les yeux.

Enfin, je vois.
 

* * *

ICI je me sens comme un poisson
Qui dans son bocal tourne en rond
En réalité c’est une immense baignoire
Une très très longue histoire

* * *

Je suis hors-champ, je suis hors du temps
Je suis ici maintenant

* * *

À la fois bon et mauvais,
Car j’aime et je hais,
Je suis un détonant mélange,
À la fois démon et ange.

 

* * *
Ma conscience est sans voix,
Elle ne connaît ni comment ni pourquoi.
C’est un palais de silence
Pour celui qui pense.

 

* * *

L’autre est toujours imprévu,
Surtout quand tu te crois au bout parvenu.
Il y a toujours une nouvelle conjoncture
Qui t’ouvre à une nouvelle aventure.


* * *

ICI, à zéro millimètre,
Tu trouves ton maître.
Ta tête est dans les regards,
Elle est dans les miroirs.

Jamais tu ne te dévisages
Sans te mettre en cage.
Tu ne peux te regarder
Sans aussitôt t’enfermer

Dans ta courte mémoire
Ou dans un tout petit territoire.


* * *

Bien avant l'horizon
Il y a eu une explosion
Puis un drôle d'arc-en-ciel,
Il ne semblait pas naturel.

Il avait bien toutes ses couleurs,
Mais il n'était pas à la bonne hauteur.
Il n'était pas à hauteur d'homme,
Il était en face de celui que jamais je ne nomme.

* * *
C'est toujours le même scénario
Dont je suis le seul héros
J'ai besoin d'obstacles
Pour réussir mon spectacle


* * *
A pleine vitesse
Tout change sans cesse
Le conducteur
Est spectateur

Ce n’est plus lui qui voyage
Ce sont les paysages
Immense est l’espace
Il  a pris ma place

Et j’ai tout le temps
Maintenant
Le temps est devenu docile
Je suis son domicile

 

* * *

Soudain, voilà que je ris,
Soudain,  voilà que je suis.
Je prends conscience :
Je suis inconstance.

Jamais à moi pareil,
C’est cela l’éveil !
Impossible à prédire,
A la fois le fusil et la mire.

Tantôt comme un roi,
Tantôt sans la moindre foi,
Tantôt dans l’offensive,
Tantôt à la dérive.

* * *
 Il n’y aurait qu’un seul chemin.
Celui qui n’en ferait pas le sien
Serait digne d’indulgence
Mais pas de reconnaissance. 
Quand la conception est totale,
Attention, la solution devient finale !

 

* * *

C’est le gavage
Qui nous décourage !

Sans frustration
Il ne peut y avoir de motivation,
C’est contre l’insuffisance
Que nous trouvons l’abondance.

C’est contre la division
Que nous recherchons l’union,
C’est en fuyant la finitude
Que nous recherchons la complétude.

* * *
Tu as toujours raison,
Toi ou ceux de ta maison.
C’est ce que tu démontres,
Même sans qu’à l’autre tu te confrontes.

Sinon, tu ne dirais rien,
De l’autre tu serais plein,
Sans gloire, sans panache,
Sans pour autant que tu t’y attaches.

* * *
C’est un merveilleux alibi
De se déclarer de tout autre son ami !
Aucun effort à faire,
Même pas celui de se taire.

* * *
Oui, il te faut être désintéressé
Pour vivre dans la vérité,
Celle qui est indépendante,
Celle qui n'est pas une servante.

 

* * *
Il me reste peu de temps.
Il me reste maintenant.
Il me reste l’espace.
De moi je ne trouve déjà plus la  trace.


* * *
Tu me prends pour un ange,
Tu me fais plein de louanges. 
Mais je ne suis qu’un brigand.

Tu me voudrais permanent,
Mais je ne suis que de passage.

 

* * *
Plus de profondeur,
Donc plus de peur.
Plus d'arrière-monde
Mais la vie qui féconde.

 

* * *
Enfin je me suis libéré de moi,
J’ai  des milliers de voix,
Je me contredis en permanence,
Car je ne suis pas qu’indifférence.

* * *
Faisant à moi bravo
Quand je me crois sans ego,
Le plus brillant des modestes
Que tout le monde fuit comme la peste.

* * *
Même si à rien je ne crois,
Cela me donne des droits.
Jouer des rôles,
C’est quand même plus drôle !

* * * 
La représentation
Est ma religion
Et mes costumes
Je les assume.

* * *
Je sais, ce n’est pas très courageux
D’être aussi facilement heureux,
Mais je ne cherche pas la gloire,
Je ne veux pas graver mon nom dans les mémoires. 

* * * 
Moi, je serais généreux ?
Je ne suis pas un comptable,
Je ne donne que ce qui n'est pas vendable.


* * *
Ici est plein d’amis,
Tous en conflit,
Mais leurs querelles,
Je les trouve belles. 
C’est dangereux ?
Eh bien, tant mieux !

 

* * *
C’est pour faire durer l’espoir
Que j’arrive souvent en retard
Plus douce est la chute
Avec un parachute

* * *
L’assailli est l’assaillant,
Comme l’aimé est l’amant.
Ses armes me sont familières,
Ce n’est qu’une question de frontières.

Par mon adversaire je suis armé,
Il est mon égal et mon maître,
Il m’apprend vraiment ce que je suis à être.

* * *
Veux-tu me dire que nous sommes tous égaux ?
Oui, sauf moi qui suis l’égal du zéro.
Je suis la quintessence
De l’in-différence.


* * *
Tu confonds la carte et le territoire,
Tu as horreur du contradictoire, 
Tu ne connais que des raccourcis,
Tu ne crois qu’à ce que tu as compris,
Tu empruntes les voies les plus courtes,
Celles qui ne te laissent aucun doute.

* * *
A l’aube tu ne dis pas bonjour
Et quand tu célèbres l’amour,
Tu en as peut-être la réminiscence,
Mais tu n’en fais pas l’expérience.

Si, un jour, tu le ressens à nouveau,
Suspends pour une fois l’usage des mots
Et, en cachant à tous sa présence,
Rends-le ainsi mille fois plus intense.

* * *
Tu es comme un filet percé
Qui laisse tout passer.
Le monde entier tu accueilles
Sans que tu le veuilles. 


* * *
Je pourrais changer d'altitude,
Je pourrais changer d'attitude,
Prendre l'ascenseur,
Renoncer à ma hauteur.

Mais alors je verrais leurs visages,
Je perdrais mon paysage,
Ils auraient des yeux et un nez,
Je vais trop leur ressembler.

* * *
Et l'amour, qu'est-ce que tu en fais ?
C'est mou et c'est sucré,
De mon mieux je l'évite,
Je n'aime pas l'eau bénite.

Je ne suis pas un saint,
Pour vivre je n'attends pas demain.
Simplement j'assume
Que tous les jours je me consume.

* * *
Oui, ce que tu ressens,
Moi aussi je le ressens.
Pourtant, je ne crois pas que je t'aime,
Car tu n'es jamais le même.

* * *
Il vaut mieux parler des bienheureux
Plutôt que de nos héros généreux.
Il vaut mieux l'inoffensive gentillesse
Que l'inquiétante hardiesse.

* * *
Moi dans l'autre ou l'autre dans moi,
C'est toujours les deux à la fois.
C'est dans ce qui divise
Que l'unité se puise.

Il me faut remettre sans cesse très loin
Ce qui est à portée de main
Et puis l'absorber à nouveau à zéro millimètre,
Sans jamais le reconnaître.

* * *
Je ne suis pas si vieux,
Je peux encore aoir de beaux gestes !

Je peux encore boiter avec élégance,
Je peux encore chanter faux
Sans me sentir de trop.

* * *
C’est ainsi que je chemine :
Par petits bonds et par grands rebonds.
Jamais je ne domine,
Je n’ai jamais tort car je n’ai jamais raison.

* * * 
Je ne sais qui je suis
Je suis au même carrefour
Depuis toujours
Je cherche un trône
Pour régner sur personne

* * *
Je n'attends plus les oracles,
Plus besoin de spectacle !

La parole n'est plus d'or,
Je ne crois qu'en mon corps.
Il est immense
Et baigné de silence.

* * *
Au fond d'un lac il y a un vieux monsieur
Qui maintenant est heureux.
Sous cette étendue tranquille
Il a élu domicile.

* * *
Ô toi mon ennemi,
Mon meilleur ami,
C'est sans colère
Que je te fais la guerre.

Je jouis de mon agression
Surtout quand elle est sans justification.
Mais nous respectons tous deux les usages,
Nous n'allons jamais jusqu'au bout du carnage.

* * *

La conscience d’être différemment déterminé,
Il n’y a pas d’autre liberté.
Ce n’est pas de la tolérance,
C’est de la surabondance.

* * *

Pour être tout autrui
Il te faut un bon alibi.
Sinon, tu seras déclaré coupable
De ne pas être définissable.

* * *

Pour être vraiment ouvert
N’en ai pas toujours l’air.
Tu finirais par ne plus te croire
A force de te raconter la même histoire.

* * *

il n’y a pas de durable rapprochement
Sans risque d’affrontement.

* * *
Un couple sans querelles
Est comme sous tutelle.

* * *

 Rien n’est jamais acquis,
Rien n’est jamais fini,
C’est tendu entre deux pôles
Que tu feras toujours tes cabrioles.

* * *
C’est un cadeau empoisonné
Que de toujours les autres aimer.
Quand il n’y a aucune alternative,
C’est la liberté qui bientôt dérive.

* * *
Exclure  un des deux éléments,
Vouloir qu'un seul soit important,
Que tout soit unitaire,
C'est refuser le mystère.

C'est  refuser l'éternel
Que de refuser le mortel.

 

* * *

Je ne suis pas seulement le grand Un,
Je suis aussi son plus proche voisin.
Je suis à la fois imperceptible
Et tellement sensible.

* * *

Je suis ce que vraiment je suis
En n’étant pas ce que vraiment je suis.
Ce que je veux être,
Je ne peux que le paraître.

* * *
Cela ne me rend pas meilleur
D’être de tout le Créateur,
De vos allégresses
Et de vos tristesses.

Je vous en demande pardon :
Je ne suis pas un dieu bon,
Je n’ai pas de mémoire
Et donc aucune gloire.

* * *

Je ne vois pas mes yeux :
Comment puis-je savoir qu'ils sont deux ?
Parce qu'à l'autre je suis identique,
C'est quasiment arithmétique.

Ce n'est pas par les miroirs
Que sur moi j'ai un savoir,
Mais c'est en regardant mes semblables.
Je ne suis pas incomparable.


* * *
Quand tu me dis que tu n'es pas un objet,
Je comprends que je t'ai blessée.
Je sais ce qu'est la conscience
Parce qu'en toi je vois au-delà de l'apparence.

Et toi aussi tu vas au plus profond.
Tu aiguises ainsi ta vision
En ne restant pas à la surface,
Tu ne te fies pas uniquement à ma face.

* * *

Il y a aussi le côté qui à la vue est masqué,
Il cache notre plus cher secret.
C'est dans la nuit noire comme une étoile
Qui jamais  ne  se dévoile.

Nous en connaissons  le lieu
En nous regardant droit dans les yeux.
Nous savons que cette lumière clandestine
A pour nous deux la même origine.

* * *

Quand tu te concentres
Sans te sentir du monde le centre,
Quand tu restes fixé sur ton objectif,
Sans qu'il soit pour toi distinctif,

Alors tu suis ta route
Sans le moindre doute,
Tu  respectes les autres chemins
En suivant le tien.


* * *

Ce que je te donne
Vient de personne

Alors que ce que je reçois
Vient toujours de toi.

 

* * *

C'est comme une prison
Où l'on ne rêve pas d'évasion
Car c'est sans limites
Que le monde entier sans cesse s'y invite

* * *

Certes, il n'y a que maintenant,
Mais maintenant n'est pas qu'un néant.
Il est aussi plein de toutes les humaines aventures,
Il ne connaît pas la censure.

Il n'y a ni démons ni anges,
Mais seulement un vivant mélange.


* * *
Je te perçois comme un animal blessé
Qui se sent par tous traqué,
Qui à personne  ne fait confiance
Pour s'occuper de sa souffrance,
Qui ressent comme une intrusion
Le moindre geste de compréhension.

* * *
Quand toute mon attention est vers toi tendue
Et que, dans l'espace, je me sens à l'infini étendu,
À la fois dans une parfaite détente
Et ressentant très fort ce qui te tourmente,

Alors c'est à la fois un duo et un solo
Et je trouve les gestes et les mots.
C'est comme une divine grâce
Devant laquelle je m'efface.


* * *

Moi dans l'autre ou l'autre dans moi,
C'est toujours les deux à la fois.
C'est dans ce qui divise
Que l'unité se puise.

* * *
Tout au fond d’un trou,
Je suis allé jusqu’au bout.
Rien ne me sauvera,
Je suis tombé bien trop bas.

Mais il y quelqu'un là-haut qui chante.
Je remonte à nouveau la pente.


* * *
Je s’est jeté, il s’immole.
Il ne me reste rien,
Il me reste le rien.

C’est drôle,
Je me sens plein.



* * *

La douceur entre tes mains
Au milieu ce vaste écrin,
Cette  étrange délicatesse
Que mes yeux caressent,

Cette éternelle contemplation
Pleine d'une sublime tension,
Et puis, impossible à écrire,
Ton mystérieux sourire.

 

* * *
Devant ce regard si peu distant,
Je me sens heureux comme un enfant
Qui ne se sent pas être une chose.
Il ose.

* * *
Mon amour change soudain de niveau :
Il va de bas en haut.
Le feu qui s'allume
Jamais ne se consume.

Jamais je ne l'éteins,
Car jamais je ne le fais mien.
C'est un torrent et un ardent reptile
Qui me ravit parce que je reste immobile.


* * *
Ah, tout est enregistré
Dans un grand cahier ?
Si je savais où il se classe
Je lui ferais de l'espace !

S'il peut être détruit,
C'est que tout n'est pas inscrit.


* * *

Je n'écris pas mon histoire
Pour un jour de gloire.

 

* * *
Mon seul regret
Est d'avoir autant aimé
Et, après un tel carnage,
De n'avoir gardé personne en otage.

Car alors, par une légitime séquestration,
J'aurais pu réussir ma réhabilitation.
Mais, sous prétexte d'indépendance,
Me voilà en pleine repentance.

* * *
Il est parti comme il est venu.
Il a soudain disparu
Sans laisser de traces.
Comme un mirage qui s'efface.

Il ne reste rien.
En tout cas rien en langage humain.
Donc, aucune chance
De prouver son existence.

* * *

La grande déflagration
Ne sera qu'une énième répétition.
Ce ne sera  qu'un nouveau voyage
À travers les âges.

* * *

Seul l'attachement
Nous fait craindre le néant.
Ce n'est pourtant que le complémentaire
De la divine matière.

Ici tout part en fumée,
Là-bas un autre monde naît.
Même si cela vous dérange,
Tout dans l'univers à chaque instant change.

* * *
Nous ne cessons de nous séparer
Pour ensuite nous retrouver.
Durées et distances
Ne sont que les différences.


* * *

C'est à partir de ce cri :
"Moi aussi",  "Moi aussi"
Que j'accrois ma connaissance,
Toujours à partir d'une ressemblance.

C'est ainsi que s'étendent les empires :
En prenant le meilleur et en imposant le pire.
Je veux bien changer de perspective
Si ma visée reste expansive.

* * *
Si tu ne veux être que gentil
Et n’avoir que des amis,
C’est ta violence
Que tu compenses.


* * *

Quand on t’agresse,
Ce n’est qu’un retour d’adresse.

 

* * *

Tu n’es ni mauvais ni bon.
Mais tu es mauvais et bon.
Ce n’est pas contradictoire
Ni deux répertoires.

Tu racontes sans cesse qui tu es,
Différent de ce que l’autre est
Ou de ta propre histoire,
Inscrite dans ta mémoire.

* * *
L'infini se renouvelle
Chaque fois que je chancelle.

* * *
Je n’attend jamais demain.
Les autres sont son chemin,
Ils sont son unique chance.
Ils font en toi le silence.

* * *
Il n'existe pas de demain,
Mais d'innombrables espaces
Et un temps pour que de l'un à l'autre sans cesse on passe.

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NOUVEAU : Éclats de miroirs (août 2019)

Éclats de miroirs (éd. : Edmond Chemin, 2019)

 

Je suis ce que je suis
En n'étant pas uniquement ce que je suis,
Mais en me dépassant moi-même,
En étant bien plus que ce qu'en moi j'aime.

* * *

Rien n'est aussi subtilement meurtrier
Que l'innocence qui, au lieu de se venger,
Envoie à l'agresseur ses pensées les plus généreuses
Bien qu'invisibles et totalement silencieuses.


* * *

Autant dans le temps que dans l'espace, c'est sans limites
Que le monde est à la fois Un et infiniment composite.

* * *

Nuages et rêves passent,
Mais rien ne bouge Ici.

* * *

Ce qui reste est sans âge
C'est un total partage

* * *
Il n'y a que du nouveau, que du différent
Il n'y a que de l'autre,
Dont je suis, malgré moi, le meilleur des hôtes.

* * *

Tu joues décidément trop bien ton rôle
Pour voir ce qu'il y a entre tes deux épaules.

* * *

Chantons à haute voix sur les toits,
N'attendons pas d'être aux abois,
N'attendons pas que le destin nous dérange,
Nous ne serons jamais des anges.

Prenons-le à bras-le-corps,
Défions même la mort,
Allons jusqu'au bout de nos rêves
Là où jamais ils ne s'achèvent.


* * *

Aimer est une joie en soi
Qui ne se partage pas.
À vrai dire, aimer est égoïste,
L'amour n'est pas un moraliste.

Ce n'est pas un objet de représentation,
Ce n'est pas un objet de consommation,
Et si, par hasard, malgré nous, il s'exprime,
Ne le laissons jamais devenir légitime.
 

* * *

À ceux qui se moquent du mot Amour
Parce qu'ils le jugent mielleux hypocrite ou lourd,
Je dis qu'ils le confondent avec le mot gentillesse
Ou qu'ils lui donnent par erreur le sens de faiblesse.

En vérité, l'amour n'est ni faible ni gentil,
Il nous attire aussi bien des ennemis que des amis.
C'est un ressenti qui peut faire des ravages
Quand il s'adresse à ceux qui aiment le carnage.

* * *

 ...on n'aime pas que les êtres bons,
On n'aime pas que les moutons.
On aime aussi les loups et les panthères,
Les prédateurs et ceux qui aiment la guerre.

Quand on aime des êtres égoïstes et haineux,
On ressent la même cruauté qu'eux.
Et on ne s'en sent pas coupable,
C'est même une expérience formidable !

* * *

Était-ce cela l'amour, Notre amour ?
Cette étrange coïncidence
De deux parcours d'existence ?
Et ce qui n'aurait pu n'être qu'un carrefour

Est devenu un seul chemin.
Cela s'est fait en silence,

Sans la moindre déclaration,
Sans le moindre préliminaire.

Et, après cent mille millénaires,
Nous ne lui avons toujours pas donné un nom.

* * *

Je t'aime et je te hais,
C'est cela ma vérité.
Tes jugements sauvages
Font partie de mon personnage.

Je ne suis pas meilleur que toi,
Moi aussi je peux te secouer comme une noix
Sans que cela remette en cause
Notre indestructible osmose.

* * *

Juste pour un petit instant :
Décider de ne pas être amants,
Mais ouvrir doucement la fenêtre
Du plus secret de notre être.

L'amour est alors comme une fleur
Que l'on ne connaît que par son odeur,
Un étrange interminable orgasme,
Tout le contraire d'un spasme.

 

* * *

Cela survenait souvent dans la rue,
Quand je rencontrais une belle inconnue :
Je m'emparais de son visage
Et je m'en faisais une image.

Je pouvais aussi la capturer sur un écran
Et devenir le soir même son amant.
Que m'importait son absence ou sa présence !
La puissance de mon amour pulvérisait toute possible distance.

* * *

Alors, c'est vrai que mes amis sont très différents !
Je ne parviens jamais à les réunir en même temps
Ou alors ils se disputent jusqu'à presque se battre,
Ils ne savent pas de leurs divergences calmement débattre.

Mais moi, je les apprécie tous comme ils sont.
Je ne cherche pas à donner à l'un plus qu'à l'autre raison.
Je préfère plonger dans mon intérieur silence,
En reprendre secrètement conscience.

 

* * *

Le malheur, c'est d'être
Une machine.
Une machine à désirs,
Une machine à répéter toujours les mêmes désirs,
La même vie,
À refaire toujours les mêmes choses,
À répéter sans cesse les mêmes gestes,
À ressentir toujours les mêmes sentiments,
Les mêmes sensations,
Les mêmes satisfactions
Ou insatisfactions.
Le malheur, c'est d'être attaché à son image.

 

* * *

Oui, c'est vrai que j'ai dit : "Aimez et vous serez aimés",
Mais sachez aussi que vous serez haïs si vous haïssez.
Ceux qui persécutent ma fragile progéniture
S'infligent à eux-mêmes d'inguérissables blessures.

Ce n'est pas un effet du hasard
Ni une vengeance de ma part,
Mais c'est purement mécanique
Ou même simplement arithmétique.

* * *

Celui qui me croit puritain,
J'attends de lui qu'il suive le même chemin.
Et celui qui m'imagine dans le libertinage,
Je n'attends pas de lui que sa vie soit sage.

J'attends de chacun qu'il soit ce qu'il est,
C'est-à-dire la simple volonté de refléter
L'image qu'il a en lui de ma Présence,
Même si c'est celle de l'absence.

* * *

Tu voudrais leur donner en abondance,
Mais comme tu ne possèdes rien,
Ce que tu leur donnes est au-delà du mal et du bien.
C'est de leur existence la claire conscience.

* * *

Dans cette vie avant la vie
Je n'ai pas pris le temps de prévoir l'oubli
Et me voici maintenant comme un inutile présage.
Je ne sais plus quel est mon âge.

Je n'avais pas inscrit sur un mur ma vérité
Et voilà que maintenant je ne peux que dire : j'ai été.
Est-ce ainsi que mes anciens destins se vengent ?
Ne voulaient-ils pas pourtant que je change ?

* * *

Quand on a fait de la violence sa profession,
Peut-on être si vite pardonné de ses erreurs et de ses crimes 
Et recevoir en plus l'amour et la sécurité en prime ?
Ne devrait-on pas plutôt subir la plus sévère des sanctions ?

Mais c'est mon nouveau chemin
Et il va falloir que je change de nature,
Que j'accepte ma faute, ma blessure.
Ça ne va pas se faire du jour au lendemain.

* * *

Le temps est comme un cercle fermé
Où le futur est aussi le passé.
Le temps n'est qu'un aspect de l'espace
Et l'espace n'est que du temps qui se tasse.

* * *

Nous avons tous plusieurs vies
Et elles ne sont pas seulement antérieures,
Elles ne sont pas seulement intérieures.

Elles existent aussi toutes ici et maintenant,
Séparées de nous par un invisible écran.
Il faut passer par-dessus les images
Pour percevoir un autre langage


* * *

Que donneras-tu à la lumière,
Toi qui as vécu une vie guerrière ?
T'arrêteras-tu un jour sur ton chemin
Ou voudras-tu toujours aller plus loin ?

Sacrifier toujours plus à tes idoles,
Accumuler toujours plus de signes et de symboles,
Sans prendre jamais le temps de déguster
Un instant de pure clarté.


* * *

L'éternelle clarté
Que sera la conscience de mon obscurité
Me fera dépasser ma limite d'âge,
Sans qu'il soit besoin d'en faire tout un langage.

* * *

Là-bas, je suis solitaire et biodégradable
Alors qu'ici je suis très entouré et absolument inaltérable.
C'est comme la lumière d'un immense faisceau
Qui viendrait de si loin, de si haut

Qu'elle illuminerait tous les visages
Et étendrait sans limites mon familier paysage.


* * *

C'est en paraissant insignifiant ou vulnérable
Que j'ai pu échapper aux menaces implacables

* * *

Mais comment finir cette extraordinaire histoire
Si ce n'est en élargissant à l'infini son territoire,
En décrivant un dénouement heureux
Qui ne serait pas que les épousailles du Un et du Deux,

Qui serait au contraire le début d'un récit multiple ?


* * *

Ils auraient choisi le lieu et le jour de leur renaissance
Et il ne leur faudrait pas toute une vie pour en prendre conscience.
Ils en assumeraient pleinement la responsabilité
Sans se soucier de ce qu'ils auraient précédemment été.

* * *

Depuis que j'ai quitté mon pays natal
On me prend pour un animal,
Que l'on me prenne en chasse
Ou que dans un camp on m'entasse.

Je ne suis pas un être humain,
Je ne suis pas un chrétien,
Je suis sur une terre étrangère,
Mon seul droit est de me taire.

* * *

Je n'aime pas les journalistes.
Alors, on me fait passer pour un fasciste
Ou un raciste violent,
Un abruti ignorant.

Je montre ma colère
Face aux injustices et à la misère.
Alors, on me met en prison
Pour mes mauvaises façons.


* * *

Ne trouvant plus la porte, j'ai voulu sortir par la fenêtre,
Mais c'était la conscience de mon être.
Je suis donc définitivement resté enfermé Ici,
Où avec le monde entier désormais je vis.

* * *

Tout à l'avance est prévu
Et toute pré-vision est du déjà vu.
Cette vérité est apaisante,
Tant elle est absorbante.

* * *

Le monde courait au galop,
L'univers se rétrécissait, comme pris dans un étau,
Sur mon esprit coulaient d'étranges caresses,
Je n'avais jamais demandé de tendresse.

Et pourtant des singes ont sauté par-dessus les murs,
Ils ont cueilli sur les grands arbres des fruits mûrs
Et l'explorateur, sur ses sentiers de solitude,
N'a pas vu qu'il s'agissait d'un simple interlude.

* * *

Je sais, tu l'as oublié,
Un jour il s'est évadé,
Il ne voulait pas vivre en cage,
Il rêvait de liberté, de voyage.

Il est monté très très haut,
Là, Ici où se trouve l'immuable Beau,
Dans cette pure transparence
Qui annihile toute apparence.

* * *

Mais voici venu le temps des retrouvailles,
C'est celui qui célèbre vos éternelles épousailles.
Voici venu le temps venu de la grande liesse,
Celui qui unit la plus jeune enfance et la plus extrême vieillesse.

Celui qui célèbre l'éternité de l'instant présent,
Celui qui relie le mourant et le naissant.
À son seul Amour, enfin, Je s'abandonne.
Et Tout dans l'univers, autour de lui, rayonne.

 

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Couv bnfTRACES DE VIES, ed. Edmond Chemin, 2023.


∞ 

Vous verrez, un jour nous sortirons de la nuit
Pour retrouver le meilleur de la vie.
Nous ne vivrons plus dans des mondes parallèles,
Demain sera le jour de l'Hirondelle.

Celle qui annonce un nouveau Printemps,
Celle qui, fidèle, chez nous revient tous les ans,
Qui n'est pourtant jamais tout à fait la même,
Mais au
moins on est sûr qu'à jamais elle nous aime.


Ça va papa ? Ça va  papa ?
Le père était soldat
Et il ne peut pas répondre,
Car il n’est plus de ce monde.

Ça va papa ? Ça va  papa ?
L’enfant ne comprend pas,
Il croit que son père sommeille
Et sur lui gentiment il veille.

 

J’ai intégré tous les autres à mon être
Et moi, j’ai fini par disparaître.
Je suis devenu à moi-même un parfait inconnu :
Celui que moi, je n’ai jamais vu.
C'est ainsi que mon invisibilité devint immense,
Personne ne remarqua ma présence.
Cela ne m'intéressait d'ailleurs pas,
Je voulais seulement suivre ma voie.

 


L'amour, c'est dans la différence
Et non à chercher dans nos communs miroirs
L'image de la touchante ressemblance,
Que nos amis en nous deux veulent à tout prix voir.

 


C’est le plus prodigieux des bonheurs
Que vous apparaissiez ainsi dans mon intérieur.
J’en reprends toujours conscience
En faisant en moi le silence, 
Simplement en vous écoutant,
Simplement en vous voyant,
En acceptant ma totale ignorance
Celle qui me permet de refaire sans cesse votre connaissance.

 


La seule victoire qui perdure, c'est celle de la Vérité, 
Ce n'est pas celle qui est par la force imposée. 
Amis ou ennemis, nous sommes tous respectables, 
De la paix et de la guerre nous sommes tous responsables.



Il nous faut choisir entre l'enfer et le divin.
La haine, les provocations, les injures
Sont la source des plus funestes destins
Qui, pendant des siècles, perdurent.

Le vrai vainqueur, c'est celui qui est clair,
Celui qui n'invoque pas le droit à la justice, 
Mais, avec un gant d'amour et une main de fer, 
Inflige aux prédateurs une mort recréatrice.


À vous peuples noirs qu’on a jadis déportés,
Pardon pour nous être aussi vite pardonnés.
Pardonner nous-mêmes les crimes de nos ancêtres,
C'est presque à nouveau les permettre.

Pardon d'avoir fait de vous des martyrs oubliés,
Qu'aucune église ne veut toujours sanctifier.
Pardon pour mon impuissance
À vous donner cette reconnaissance.

 


Samuel, ton sacrifice n'aura pas été vain,
Car tu nous as montré le chemin.
C'est le chemin des êtres vrais et sincères,
Celui qui nous rend tous égaux et solidaires.

 


Les esclaves ont de tout temps fini par se libérer,
Et c'est des révolutions que des lois de progrès sont nées.
Liberté et égalité ont été acquises par la violence,
La justice a toujours été conquise par une active Résistance

 


Les élites de tous bords sont toujours du côté des puissants.
Elles démontrent brillamment que le peuple est incompétent,
Qu'il ne faut surtout pas lui donner un pouvoir référendaire,
Car il n'est pas capable de gérer les affaires.

 


Déjà tout le monde proclame : Je suis Narcisse,
En dehors de moi ou des miens rien n’existe !

 

Ici, je n’ai pas réellement de corps.
Il ne m’a pas suivi, il est resté là-bas, dehors.
Il appartient à une autre histoire,
J’en perdrai même bientôt la mémoire.

Mais je vous vois sur lui vous pencher et pleurer.
Je voudrais vous crier que vous vous trompez,
Qu’il n’a été qu’un étroit habitacle
Qui a connu une très prévisible débâcle.

Je voudrais vous dire que ce n’est plus moi,
Que de la matière lourde je ne subis plus la loi.
Ici maintenant, je suis fait d’une subtile substance
Qui rend mon champ de vision immense.



Le temps est toujours très court
Quand il est traversé par l'amour.
Nous sommes tous des étoilons
Et nous ferons tous un jour le grand bond,
Celui qui nous ramènera à la Lumière
Qui est notre origine première.

 


J’ai mis fin à cette folle entreprise
Qui me menait de crise en crise.
Certes, je ne suis pas encore immunisé,
Mais maintenant je me connais.

Je connais mon visage,
Je sais que c’est un mirage
Qui se trouve très loin de moi.
J’ai choisi une autre voie.

 

Accepter l'autre comme il est, 
Sans vouloir le changer,
C'est cela le secret de la vie,
Le secret de l'éternité.

 

Le privilège du grand âge,
Ce n'est pas se préoccuper de son image.
C'est celui de la joie,
De savourer chaque geste, chaque pas.

Celui de ne pas réagir en urgence,
Mais, en une paisible jouissance,
Prendre le temps de lentement déguster
Chaque instant de beauté.


C'est ne pas jouer à l'ancêtre,
Ne pas se soucier du paraître,
Faire toujours le choix de ce qui est éternel
Sans pour autant espérer aller au ciel.




Quand cette étoile nous apparaît,
La plus claire de nos clartés
Se transforme en une nuit obscure,
Devient comme une opaque tenture.

 

Transformés par cette immersion dans l'Infini divin,
Nos rancœurs et nos regrets prennent fin,
Nous ne craignons plus la mort et la souffrance,
Nous nous sentons dans une éternelle vacance


Quand chacun dit à l’autre ce qu’il pense,
C’est pour tous deux une véritable chance.
Nous entretenons ainsi notre chemin commun,
C’est celui de notre merveilleux destin.



En ne vivant toujours pas de manière conforme,
En ne me conformant toujours pas aux normes,
Au lieu de tranquillement me ranger,
Je me mettais à nouveau en danger.

 


Je crois que je douterais de tout
Si je devenais trop mou.
J’ai besoin de ma colère
Pour donner un sens à ma misère.

 


Qu'est-ce qu'aimer ?
C'est comme une lumière d'intérieur,
Une clarté secrète qui dissipe toute peur,
Une joie qui se suffit presque à elle-même.
Elle a juste besoin de l’être que l’on aime,

Sans en faire un sujet de contemplation,
Encore moins un objet de possession,
Mais en respectant son indépendance,
Tout en abolissant toute distance.

 


C'était mon premier rendez-vous
Et ce fut de tous le plus doux,
Celui qui marqua le début de mon histoire,
Mais dont je n'ai aucune mémoire.

 


Je ne t'ai pas choisie,
Tu étais déjà ici.
Je suis arrivé sur terre
Longtemps après toi, ma mère.

Et quand, pour la première fois,
Tu m’as pris avec amour dans tes bras,
Nous avons fait connaissance
En nous regardant longuement en silence.

Tu n'as pas eu besoin de parler
Pour que je me sente tout de suite aimé.
Je n'étais pourtant pas d'une beauté exceptionnelle,
Mais ta tendresse fut tout de suite inconditionnelle.

 


Le bonheur est fragile.
Le bonheur n’est pas un animal docile.

Il peut soudain se rebeller
Et se conjuguer au passé.


Prenons le parti de la franchise
Quand nous traversons une crise.
Sachons nous dire que nous n’allons pas bien
Sans attendre passivement de meilleurs lendemains.

 


Chant d’amour n’est pas gardien de phares !
Comme un fragile enfant
On a trop peur qu'il s'en empare.
Il chante un chant de dévouement.

Saluons ce beau courage !
Qu'il soit comme un nouveau soleil
Qui enlumine notre familier paysage !
Qu’il transforme notre folie en pur éveil ! 



Déshabillé de ses nuages,
Le ciel est nu et heureux.
Le soleil crée partout des mirages
Qui nous rend tous audacieux.

La raison perd ses balises,
Nous faisons d’incroyables choix
Et nous bondissons ainsi de crise en crise
Par-dessus le labyrinthe des lois

 

Est-ce cela, l’amour de ma vie ?
Mon amour d’aujourd’hui,
Celui dont la jouissance
Me donne la connaissance ?

La connaissance du Beau,
Celle qui se passe de mots,
Celle dont je fais l’expérience
Quand je l’aime en silence.



L’ami s'est évaporé
Et l’on ne sait où il s'est reconstitué.
Peut-être sur une terre nouvelle,
Où il prépare une saison plus belle.

L'oiseau s'est envolé
Et l’on ne sait où il s'est posé.
Peut-être sur une terre nouvelle
Où c'est le printemps qui annonce l'hirondelle.



Ces dames entre elles,
Loin des pâles aquarelles,
Élancent vers le ciel,
Leurs longues silhouettes d’arc-en-ciel.


 

Couv word pna 5POÈMES DE MON NOUVEL ÂGE, 1998, 2016 (éd. Edmond Chemin)

 

Bonjour,
Vous allez bien ?
Moi aussi,
Je reviens de loin.

 

* * *

Comme l'oeil de l'ouragan,
Tu vois et tu ressens.
À la fois silencieuse présence
Et violente transe.

 

* * *

Tu n'es attaché à aucun port,
C'est pourquoi tu ne crains pas la mort.
Et ta soudaine absence
Ne suscitera qu'indifférence,

Car c'est au présent que tu vis.

 

* * *
Le temps n'est pas pour toi un alibi.
Jamais il ne passe,
Il n'est que de l'autre la place.


* * *

C'est vrai que c'est un beau lieu de résidence,
Comme il n'en existe pas dans cette existence,
Mais c'est aussi un peu ennuyeux
De voir tous les jours tout le monde heureux.

 

* * *

C'est cela, le Grand Voyage !
C'est ne plus voir son visage,
C'est se prendre pour un autre,
C'est abandonner toute mémoire,

Ne plus délimiter son territoire,
Et alors on voit tout verticalement,
On change radicalement de plan.

C'est aimer tout et ne s'attacher à rien.

 

* * *

Ma conscience est sans visage.
Elle ne cherche pas son âge,
Elle est comme un matin
Qui n'a pas de fin.

Elle est comme la lumière
Qui elle-même s'éclaire.
Elle n'a donc pas de mots
Pour dire ce qui est le bien et le beau.

Car il n'y a rien sous le voile
Que l'infini et ses étoiles,
L'éternité du maintenant
Dont Vous êtes l'unique élément.


* * *

Je voudrais me noyer dans la matière
Comme une graine qu'on oublie
Pendant tout un hiver.
Et puis, soudain, voilà qu'elle sort du néant !

Et personne n'y comprend rien.
D'où elle sort celle-là ?
D'elle il n'y avait aucune trace
Et, tout d'un coup, voilà qu'elle prend toute la place !

 

* * *

Guerriers de l'espérance,
Nous avons pris tous les matins comme des dimanches.
À l'orée de la nuit
Pourtant, nous guettaient tous nos ennemis.
Et la lune agitait son flambeau blafard
Au-dessus des rues de mon hasard.

Il n'y avait ici aucun rêve,
Je brisais simplement la froideur de mes lèvres.

 

* * *

Ô ami de jadis,
J'ignore ton nom d'artiste.
Tu me jouas si bien la comédie
Que je la préférai à la vie.
Sur les places des villes, il y a parfois ta musique
Et l'Éternel me dit que tu es triste.

L'Éternel écoute ma prière,
Je ne suis pas fait que de bois,
Mais aussi d'un métal qui ne rouille pas.

Mon âme est acérée
Par l'usure des vieux baisers


* * *

La paix silencieuse de demain
Sera fait de l'ignorance d'aujourd'hui.
Lourde fatalité léguée par nos pères guerriers,
À l'aurore de l'avenir qui sommeille encore.

Et personne ne sait vraiment
Si le serpent souterrain
Des rêves humains
Apparaîtra un jour à la lumière.


* * *

Quand coulera le sang noir de la rancune,
Alors nos regards s'éclairciront.
Et nous monterons, main dans la main,
Par ces chemins secrets
Qui mènent là d'où personne n'est revenu.

 

* * *

Désarmés jusqu'aux dents
Pour mieux goûter au firmament.


* * *

Mais moi je ne suis qu'un pauvre hère
Et je ne comprends pas leur croyance.
Moi-même je suis dans la misère,
Ma seule richesse est mon existence.

Oui, je sais que je donne parfois,
Mais je ne suis pas comptable :
Je ne donne qu'à ceux qui ne calculent pas
Et qui à moi peuvent être semblables.

 

* * *

Un orage a grondé
Et mon coeur a tremblé
Passent les nuages
Entre de célestes rivages

Dans la ruelle
Un enfant est passé
Il chantait
Et je l'entendais
La vie était belle



* * *

Il y avait aussi le ruissellement automobile
Des routes qui ne se croisent jamais,
Dans cet infini désert où toutes les directions
Mènent à la même solitude.

Ici, paysage et pensée sont toujours co-créés.
Ici, le paysage est aride, pur.
Mes pensées le créent et il crée mes pensées.


* * *

L'Homme tomba près de moi.
Jamais je ne le sentis aussi proche
Que lorsque nous nous relevâmes.
Ensemble.
À la fois fragiles et puissants,
Parmi les autres hommes.

* * *

Les élans de la nuit
Ont rouvert la plaie profonde de mon ennui
Et j'ai plongé dans l'eau précieuse
De ta jeunesse radieuse.

Je ne m'y suis point noyé,
Mais j'y ai tout oublié
Et, par ma défunte mémoire,
C'est à toi à présent que je vais croire.


* * *

Je suis né ivre
Ivre de ma joie de vivre
Pas comme un livre
Mais pour être
Pour me reconnaître
Pour te reconnaître
Toi
Et beaucoup d'autres amis
Je suis né pour t'aimer
Et être aimé
Je suis né



* * *

L'odeur de ta peau sauvage
Sans cesse musclait mon désir ardent
Et je m'enfonçais en toi
Lourdement
Comme le chasseur fourbu mais têtu
Entre dans une fraîche clairière
Au beau milieu de sa jungle torride


* * *

L'alliance
Entre la douce bonté
Et la féline beauté

Ces deux qualités qui sont celles du désert
Ce n'est pas le soleil qui nous y fait délirer
Ce sont les forts contrastes 
Où le contraste ne s'oppose plus à l'harmonie

 

* * *

Toujours je chanterai l'association splendide
Du doux et du beau.
Cela n'est-il pas divin ?
Le démoniaque mêle beauté et violence,
La grâce ne suscite pas de transe.

 

* * *

Les fils de la nuit tissent une mosaïque
Où je distingue à peine les planètes de mon futur
Voie étoilée
Que je prendrai un jour
Ou plutôt une nuit
Comme on prend un train sans savoir où il va
On est surpris ensuite
Que le contrôleur ne soit pas surpris

Le billet est bon
Bon pour l'infini


* * *

Je m'entends dire
Que je puis être à la fois bon et puissant.

Je me laisse glisser dans le néant,
Je me sens aimé
Et j'aime intensément,
Éternellement,
Je ne sais qui.

Je ne sais quand,
Mais je me sens bien.
Comme un amant qui n'a plus besoin de jouir,
Tant il partage
Son amour.


* * *

J'allais toujours sur ce chemin
Qui descendait descendait sans cesse
Un peu plus chaque jour.

Mais je n'arrivais pas à sombrer vraiment.
Toujours, quelque chose me retenait.
J'étais à la fois touriste et mendiant,

À la fois humble et distant.
Je ne craignais pas d'être sali,
Les bactéries étaient mes amies,
Je leur disais toujours merci.


* * *

Vérité 
Tu es nue
Tu as froid
Je voudrais te donner un peu de chaleur
Mais tu n'aimes pas ma passion
Tu ne m'aimes pas

Je ne sais que faire de toi
Ton impudeur me gêne
Ton indifférence me peine

Je ne peux de toi abuser
Car tu n'as pas d'intimité

Alors je t'habille de mes poèmes
Et enfin je sens que je t'aime


* * *

J'AI VU aussi des fleurs étranges
Comme je n'en avais encore jamais vu
Elles étaient vertes
Leur parfum m'enivrait
D'une ivresse se profonde
Que je m'assoupissais

Mes rêves m'amenaient vers les rives
Du passé
La nostalgie ne me réveillait pas
Je me trouvais au milieu de débris
Qui n'étaient que le reflet de mon esprit

 

* * *

Torride torrent d'amour rouge
De violence amoureuse respectueuse
Que je déverse soudain au plus profond
De ta délicate tendresse

Et dix arcs-en-ciels étincelants
Éclatent autour de nous
Et leurs doux débris recouvrent
Bientôt nos corps
En ensevelissant nos mémoires


* * *

Et le feu sanglant est rouge,
Rouge de ta pudeur, mon enfant,
Mon enfant broyé
Qui interdira mon poème,
Car il est fou,
Il m'accusera de violence,
De démence.

 

* * *

Comme le cavalier qui saute la haie
Et rouvre ainsi du cheval blessé la plaie,
Tu ne sais pas ce que c'est d'aimer.

 

* * *

Laisse-moi donc à ma folie,
Là où s'ouvre l'infini
De la conscience,
Où se rejoindront enfin ma mort
Et ma renaissance.

Ne cherche pas à comprendre,
Regarde simplement,
Regarde simplement

Ma plaie.

Je te hais.

 


* * *

Éclate ma joie,
Vieux feu d'artifice rituel,
Éclate-toi,
Insulte les fous
De la Raison
En t'éclatant en plein midi !

Et seules les âmes simples
Sauront s'en réjouir.


* * *

Le tambour de la passion
Ne peut battre qu'aux élans
De la Mort
Qui menace,
Dont le plaisir vous menace,
Dont le rire vous menace.

Et moi aussi je passe.
Et vous aussi passez, passants !

Je vous aime,
Ne me regardez pas.

Passez,
Passants.


 

* * *

J'ai goûté à ta peau, à ta bouche,
J'ai plongé au plus profond de ta chair,
Et tu gémissais comme gémit sur la mer
La mouette que la pluie prochaine effarouche.

Mais mon désir est toujours aussi fort.
Il veut la violence et la tendresse,
Il veut de ta sveltesse en extraire toute l'ivresse,
Mourir encore dans la vague profonde de nos corps.

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Couv eee 1

ÉTRANGER EST L'ÉTERNEL, 2015 (ed. Edmond Chemin)

(N.B. : L'auteur tient à préciser que le langage qu'il prête aux personnages s'exprimant par le moyen des poèmes ci-dessous, ne reflète pas nécessairement ses propres opinions. En particulier, certains de ces textes ont été écrits sur un mode satirique ou caricatural que, pour une juste lecture, il convient  de ne pas oublier ou minimiser.)



Mais je vous le dis que je ne viens de nulle part !
C’est tout à fait par hasard
Que j’ai échoué sur cette île
Et je ne veux surtout pas en faire mon domicile.

Non, je veux aller beaucoup plus loin,
Ce n’est pas ici que s’arrête mon chemin.
C’est sans la moindre haine
Que mon désir est celui d’une terre lointaine.


 

* * *
À chaque jour suffit son aventure,
À chaque homme suffit sa figure.

Moi, je n’en ai plus.
Pour moi aussi désormais je suis un inconnu.
Et ce qui à mes yeux me légitime,
C’est d’être parmi d’autres un anonyme.



* * *

...Alors, afin d’économiser de l’énergie et du sang,
Ne pourrions-nous pas aujourd’hui faire autrement ?
Au lieu de renforcer en vain les frontières,
Trouver enfin une solution planétaire.

Pour que l’humanité atteigne son âge de raison,
Ensemble nous pouvons organiser une juste redistribution.
Mais si nous acceptons d’un côté l’abondance
Et de l’autre côté une extrême indigence,

Les migrants continueront à vous envahir.
Et vous continuerez à de plus en plus à les haïr.
Il n’y a pas d’autre issue à cette lutte fatale,
Sauf la déflagration finale.

 

* * *
Je ne ne veux plus savoir d’où je viens.
Si un autre le découvre je ne serai plus un clandestin.
Il me donnera mon passé en héritage
Et me renverra bientôt à mon village.


* * *
Il n’y a pas plus fort
Que celui qui est déjà mort.
Ayant oublié mon lieu de naissance,
Je n’ai plus d’existence.

 

* * *

Malilo Malila, tu va toujours plus loin.
Comme un profond mystère
Tu envahis toute la terre.
De nous il ne restera bientôt rien.

 

* * *
C’est face à vous que désormais je vis.
Pas parce que vous êtes mon ennemi,
Mais parce qu’en me donnant la chasse
Vous m’obligez à agrandir mon espace.

 

* * *
Malilo Malila, quoi qu’il arrive, tu restes confiant.
Qu’il vente ou qu’il pleuve,
Tu es comme le grand fleuve
Qui, lentement et sûrement, descend vers l’océan.


* * *
M’ayant à la frontière reconduit,
Vous me retrouvez pourtant Ici.
Vous croyez m’éloigner par la distance,
Pour affirmer votre différence,

Mais les différences constituent le tout
Et c’est ce que nous sommes, moi et vous.
Il n’y a pas de mystère,
C’est clair comme de la lumière.

* * *
Vous êtes de nous pleins.
De vous nous sommes le chemin.
Par nous vous faites l’expérience
De votre véritable essence.

 

* * *

Je préfère être leur ennemi
Que de leur paraître soumis.
Je préfère mon vagabondage
À leur marchandage.

Je préfère mes trafics
À leur service public.

 

* * *

Celui qui a été par le hasard avantagé
N'est pas vraiment volé.
C'est par le hasard aussi qu'on le ponctionne,
C'est ainsi que la nature fonctionne.



* * *

Même ces quelques mots,
Vous direz que c'est trop !
Si vous ne pouvez appliquer la censure
Vous engagerez des procédures.

Pour ne pas entendre la vérité
Vous êtes prêts à m'arrêter.
Mais si vous me mettez dans une cage
Je diffuserai quand même mon message.


* * *
Bientôt, de vous il ne restera plus rien
Qu'une sorte de grand magasin
Et, dans ce petit espace,
Vous vivrez dans l'angoisse.

Obsédés par votre sécurité,
Rien ne pourra vous rassurer.
Mais nous vous laisserons toujours le nécessaire
Pour continuer à entretenir notre vie parasitaire.


* * *

On casse tout
On prend tout
Que voulez-vous y faire
Messieurs les propriétaires

Fermez les yeux
Pour vous ce sera mieux
Ça vous fera moins de peine
De ne pas voir notre haine

Tournez-nous le dos
Et nous vous ferons un cadeau
Vous supporterez mieux notre existence
En sentant en vous notre violence


* * *

Mon visage dans les miroirs
Est loin de ceux que je vois sur les trottoirs.

Ma peau n’est pas masquée,
Rien à faire pour la cacher.
À la fin, je me résigne
D’être aussi indigne.

Et même je joue leur jeu :
Je deviens irrespectueux,
Je joue le rôle
De celui qui n’est jamais allé à l’école.

 

* * *
Heureusement, il y a les miens.
Nous unissons nos chemins,
Nous nous écartons de votre route,
Pour effacer ensemble nos doutes.

Nous sommes faits pour être nous-mêmes
Et tant pis si aucun de vous ne nous aime !


* * *

Ce qui vous appartient
Est pour vous le plus sacré des liens.
Mais celui qui n’a pas d’attache,

Faut-il qu’au visage on lui crache ?

 

* * *

L’enfant qui meurt dans la froideur crépusculaire
N’est pour vous qu’un risque identitaire.

 

* * *

En repoussant les exilés,
C’est votre monde que vous rétrécissez.
Et ce qui n’est pas transformable
N’est que par la violence périssable.

 

* * *

La liberté et l’égalité
Ne sont-elles pas pour toute l’humanité,
Quelles que soient les personnes
Ou ne sont-elles que des idées bouffonnes

Si de vous je suis différent
J’ai les mêmes droits cependant
Ce sont ceux de tous ceux qui pensent
Et cela ne se limite pas à la France

 

* * *

Je m’incline cinq fois par jour
En n’espérant rien en retour,
Sauf de Te plaire
Et plus si c’est nécessaire.

Mon dieu, accorde-moi la grâce
D’agrandir toujours Ton espace

 

* * *

Si l’’ombre qui me recouvre
Me permet de voir mieux
Ce qui devant moi est lumineux,
C’est parce que je sais où je me trouve.

Et si je cache mon visage,
C’est parce que je ne peux être regardée
Sans devenir pour moi un objet.
Je ne suis pas une image.


* * *

Pourquoi donc il vous dérange,
Cet innocent tissu
Dont je suis depuis toujours revêtue ?
Que voudriez-vous donc me donner en échange ?

Je serais une prisonnière
Et vous voudriez me donner des droits,
Par exemple celui d’avoir froid,
De ne plus avoir de vie communautaire,

De ne croire en rien qu’en ma personne,
D’exciter des hommes le désir.
Vous voudriez qu’au goût du plaisir
Passionnément comme vous je m’adonne.

Que je dévoile ma face
Pour que vous puissiez m’étiqueter
Comme faisant partie des gens évolués
Et qu’ainsi je perde de la liberté mon espace


* * *

Vous m’avez dit que sur terre tous les humains sont égaux
Et vous me l’avez expliqué avec vos mots.
Mais moi, je ne me suis pas sentie votre égale,
Je n’étais pas assez pâle.

Aujourd'hui, je sais pourquoi on voulait que je reste ici.
C'est parce que je possède un titre de noblesse
Qui a lui seul dit l'immensité de ce que je suis.
Il est comme un cri qui jamais ne finit :
La Négresse.

 

* * *

Ne prends que ce qui ne les empêchera pas de vivre.
Ainsi ils n’auront pas le temps de te poursuivre.

Et n’oublie pas de remercier Dieu.
C’est lui qui te fait changer si souvent de lieu.
Quand la demeure est mobile,
Alors le cœur est tranquille.

 

* * *

Tu n’es pas fait pour t’attacher,
Tu es fait pour aimer,
Tu es fait pour le voyage,
Pas pour être enfermé dans une cage.

Le plus grand des bonheurs,
C’est d’être en famille des rôdeurs.
Ici, il n’y a rien à redire
À celui qui ne sait pas lire.

 

* * *

Quand je m’introduis dans votre maison,
Je ne trouve pas qu’elle ne sent pas bon.
Je lui trouve même beaucoup de charmes
Et c’est pourquoi j’y entre toujours sans armes.

C’est pourquoi aussi je suis très prudent :
Chez vous je rentre invisiblement
Et ce que je laisse comme trace,
C’est de vous avoir fait plus d’espace.


* * *

Vous voulez soit nous détruire, soit nous convertir,
Mais surtout pas nous accueillir.


* * *

Pourtant, en vous allégeant de vos biens,
Nous vous faisons un environnement plus sain.
Pour que pure reste l’élite
Il lui faut des parasites.

Nous vous nettoyons que du superflu
Afin que vous ne soyez pas corrompus.
C’est à nous que revient la tâche
De vous préserver de basses attaches.

 

* * *

On ne peut rien donner aux voleurs
Sans leur provoquer un haut-le-cœur
Mais d’une juste intolérance
Ils vous remercient d’avance


* * *

Vous savez que le plus grand danger pour le bien,
C’est le clandestin,
Car celui qui n’a pas d’attaches
Quelque part, demain en l’autre, il les cache.

 

* * *

Bonne et merveilleuse prison,
Entre tes murs je prépare mon prochain rebond,
Tu nous apprends vraiment à revivre,
C'est la liberté que gratuitement tu nous livres.

 

* * *

Bonne et merveilleuse prison !
Ici, je me suis fait plein d’amis
Et je leur dis un grand merci,
Car, pour celui qui vole,
C’est la meilleure des écoles.

Tu nous apprends vraiment à vivre !
Ici, pas besoin de livres.

 

* * *
Je reconnais les miens,
Je connais mon destin,
Je continuerai ma route,
Sans le moindre doute.

Et j’irai peut-être très loin,
Très loin sur ce chemin.
De tout je suis capable,
Car je suis irrécupérable.

 

* * *
Ce sont mes pires ennemis,
Ceux qui me traitent comme une brebis.
Ce sont les loups de la sociale
Qui veulent m’imposer une vie normale.

 

* * *

On nous appelle la racaille,
Mais à chacun sa manière d’être voyou.
Nous, on ne nous donnera pas de médailles
Pour faire croire qu’on est au-dessus de tout.

 

* * *

Notre slogan, c’est "Antisocial" !
Comme tous les personnages
Des fictions et des jeux
Dont nous adoptons les coutumes et les usages
Et la liberté d’être haineux.

Nous avons la haine contre ceux qui ont le beau rôle,
Celui de pouvoir réprimer
Sans jamais manquer à leur parole.

 

* * *
Nous préférons prendre par la violence
Plutôt que d’avoir à dire merci,
Plutôt que de perdre notre appartenance,
Plutôt que d’être reconverti.

C’est à nous notre morale
Ne pas être du bon côté,
Pas du côté de la nationale
Mais être du côté des cités.

 

* * *

Le droit au trafic et au piratage,
Ici ce n’est pas un délit,
Ici c’est un banal usage,
Une pratique millénaire établie.

 

* * *

Si aujourd’hui tu as le regard noir
De ceux qui n’ont pas osé la vérité voir,
Ne fais pas la justice
En infligeant à d’autres le même supplice.

 

* * *

Aujourd’hui, nous avons recréé Israël,
Mais nous ne sommes pas immortels.
La fumée est comme un long voile
Qui nous cache toujours les étoiles.

Mais si par Dieu nous avons été élus,
C’est pour être tous le visage nu,
C’est pour affirmer notre différence
En renonçant à toute vengeance.

* * *

Le temps de la soumission est passé.
Le martyre nous a légitimés
Comme le peuple de l’espérance,
Le peuple de la transcendance.

Nous conformant à l’enseignement divin,
Nous assumons aujourd’hui notre destin.
Nous sommes installés sur nos traces,
Nous avons retrouvé notre espace.

* * *

Le procès à duré presque deux mille ans
Et les bourreaux n’ont fait qu’exécuter le jugement.
La sentence était depuis longtemps écrite.
Et pour l’accomplir l’accord général fut tacite.

 

* * *

Ne pleure pas, Sarah.
Tu n’as plus de maison à toi,
Mais ton nouveau domicile
Est un endroit tranquille.

Ne pleure pas Sarah.
Là où tu es on respecte La Loi
Et on trouve très sage
De tourner la page.

* * *

C’est la loi de la compétition
Qui fait le bonheur de toutes les religions,
Car c’est dans la misère
Que le mieux elles prospèrent.

* * *

La loi de la compétition,
C’est celle qui entraînera l’ultime explosion.
Il n’y aura plus de trêve,
Il ne restera alors de l’homme que ses rêves.

Il ne restera que les rêves et les héros,
Pas ceux que nous montrent les jeux vidéo,
Mais ceux qui étaient prêts à rendre l’âme
Pour sortir l’humanité du drame.

* * *

C'est ainsi que les médias nous instruisent :
En confondant information et marchandise.
La nouvelle éthique,
C'est l’audimatique !

On conditionne les foules,
Chaque jour on les saoule
De brillantes représentations
Qui suscitent de belles émotions.

* * *

Qu'on est à l'aise sur son siège
Pour dénoncer les privilèges !

Nous sommes tellement émus
Que nous ne pouvons plus bouger notre cul.
Nous nous identifions aux personnages
Que nous montrent les images.

 

* * *

Il y a des choses vraiment intolérables
Et il faut vite trouver les coupables !

La télé est un feuilleton policier,
Un jeu passionnant où l'on peut tous les jours juger.
Ce n'est pas le discours de la méthode,
C'est la démonstration par les épisodes.

 

* * *

Ainsi est mon pays de jungle et de rizières,
De chaleur et d'incessants travaux
Où la paix est comme un souvenir de guerre,
Le socle d'un monde nouveau.

 

* * *

Nous ne ferons jamais l'aumône,
Mais s'il le faut encore nous nous battrons.
S'il le faut jusqu'à ce que la vie nous abandonne.
Et mille fois, s'il le faut, nous reconstruirons.

C'est ainsi que s'est forgé notre caractère.
Ici, le jonc n'est pas que souple, il est aussi tranchant.
Sous l'amabilité de nos traditions séculaires
Se cachent des millions de grands combattants.

 

* * *

La réalité, c’est l’impermanence.
C’est parce qu’à soi-même on est un étranger
Que le monde est aussi immense
Et que les frontières sont aussi vite traversées !

 

* * *

La grandeur n’a pas de mesure,
Elle ne se réduit pas à un chemin,
Elle a toujours un goût d’aventure,
Elle ne sait pas de quoi sera fait demain.


* * *

Ce qu’en moi on assassine,
Ce n’est pas le goût du charnel,
C’est le cœur universel.
Ce qu’on viole, c’est mon origine.

Et alors je deviens un jeune loup féroce
Ou un enfant mendiant
De froid et de faim tremblant,
À moins que je ne meurs aussitôt d’une fin atroce.

Je devrais, sans me retourner, vite fuir.
Mais trop tard, ce qui vient, c’est de la colère.


* * *

Merci, mémé, de nous avoir compris
Et d’avoir mis la main à la poche.

 

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Couv site 3 reves de cyclope

RÊVES DE CYCLOPE, ed. Edmond Chemin, 2022.


C’était une marée à un tour, 
Celle qui est sans retour 
Et qui ne nous dit jamais ni bonsoir ni bonjour.

 


Au pays des binoculaires les cyclopes sont rois.

 


Dieu a mille oreilles, 
C’est bien connu qu’il entend tout, 
Mais il n'a qu'un seul œil.  

 


Rien à consommer ici, 
Passez, passants. 
Rien à voir, 
Rien à s’émouvoir,
Rien à croire.
Passez, passants.

 


Je ne crois pas en la résurrection de mon âme.
Pourtant, seul subsistera de moi ce qui résistera aux flammes.



C'est à la fois le début et la fin d'un chemin.
Personne ne pourra me dire que ce n'est pas le mien.

 


Je ne fais que suivre la course du vent :
Il m'apporte de la vie et des encouragements.

 


Je ne vois rien au-delà de l'horizon
Que ce qui relie la matière à ma proche désintégration.

 


Les jonquilles de l'hiver sont aussi belles que les roses du printemps. 

 


Brise-larmes de la nuit claire de l’instant.

 


On ne peut définir que ce qui a des limites, c’est-à-dire un début et une fin. 

 


Là où l'on est heureux l'on ne compte pas. 



Nos rêves vagabondent sur les kilomètres de pensée que tous les jours nous alignons sans même en être conscients. 



Le temps n'est que la mémoire du temps. 
Et la mémoire n'est que de la distance carbonisée. 



Laissez-moi aller vers ma vérité. 
Celle des autres ne cesse de me dé-router. 


Je vous le dis : il n'y a plus de passé là où il n'y a que de l'in-fini.



Multiplier le nombre de ponts
Ne réduit pas la largeur des fleuves qu’ils traversent.

 


On ne veut voir 
Que ce qui se classe et se range.
On aime bien trop sa transe,
Celle qui nous fait plein d’amis,
Comme des nuées de fourmis,
Toujours entre elles d’accord
Pour ne faire qu’un seul grand corps.

 

J’attends toujours les éclairs inattendus des orages silencieux,
Que seuls les enfants pourront voir, 
Avec leurs grands yeux sans frontières. 

 


L'émotion, mon dieu, l'émotion de nos cœurs d'enfant quand nous sommes perdus
et qu’une âme bienveillante nous prend la main pour nous guider loin, très loin, si loin de nous-mêmes ! 

 


Personne ne voit que la route des cieux
Est une roue édentée pareille à une vieille sorcière,
Qui est aussi une fée qui nous fait les yeux doux.
C’est un fond d’amour et de souffrance
Qui se dévoile quand on veut bien lever les yeux. 




Les quartiers généraux de la pensée ne sont pas aux avant-postes du front de la guerre, encore moins de la paix. 
Et l’on peut déjà entendre les bombes à retardement du futur à travers les fusillades obsolètes d'antan.

 

L'homme n'est pas parfait. 
L'homme répond à l'homme. 
L'homme affronte l'homme. 
L'homme est un ange pour l'homme. 
Ange exterminateur 
Ou ange créateur. 


 

Les arcs et les flèches remplaceront à nouveau les avions et les bombes. 
Tout ça passe et repasse comme des vieux films 
Qu’on oublie et, quand on les revoit, on est surpris. 


La terre tremble et elle explosera bientôt, mais elle renaîtra dans un autre temps. 
Il y a des milliards de rivages entre les étoiles, 
Ne nous désespérons pas. 
Que sommes-nous dans cette immensité qui n'est pas qu’une immensité spatiale ? 
C'est aussi une immensité immense.



C'est l'Océan qu’il faut piloter et non le bateau, c'est cela le secret des grands marins. 
Parfaitement immobiles au milieu de l'Océan, ils composent un ballet
à la chorégraphie imprévisible et dont eux-mêmes sont totalement absents.

 

Je ne veux pas être compris. 
Je ne veux pas servir de référence.
Surtout, que personne ne fasse comme moi ! 
La vie est trop courte pour ne faire que de l'imitation. 
On doit risquer sa vie à chaque instant. 
C'est le prix de la vérité, celle qui n'ignore pas la mort.

 

On avait perdu tous nos repères et on s'était mis à ramer,
À ramer sans fin jusqu'à ce que l'on prenne enfin conscience que ce qu'on avait pris pour un océan
n'était en fait qu'un petit bassin, presque un bocal, un verre d'eau. 
Et nos voisins étaient pareils : chacun dans son petit bocal, chaque fourmi dans sa boîte,
chaque poisson dans son filet. 
 

 


Tout deviendra plus clair que clair. 
Et même cette clarté sera elle-même éclairée par une nouvelle clarté 
Et alors elle deviendra comme son ombre.


Nous survivons pour aller toujours plus loin vers de nouvelles rencontres
qui nous surprendront encore et encore, car chaque fois que nous croirons tout savoir
il se produira des événements inexplicables qui renverseront nos certitudes. 

 

Les rouleaux des printemps imminents qui dévalent 
Sur les rondes événementielles 
Écraseront toutes les résistances qu'on leur opposera,
Car il sera trop tard pour boire la ciguë de la résurrection. 


Ce qui est lisse 
Facilement glisse. 
Ce qui est beau 
Ne peut pas toujours faire l’objet d’un jeu de mots. 

 

Nous n'avons pas besoin de très grandes fenêtres pour nous purifier des claustrations claudicantes qu'on nous a imposées. 
 

De toute façon, les étoiles seront de plus en plus nombreuses, il sera de plus en plus difficile de les compter malgré la persévérante présomption des scientifiques, qui veulent tout totaliser. 

 

Les hommes manquent d'humilité, ils veulent tout expliquer, tout comprendre pour accroître leurs pouvoirs. 
Mais il y aura toujours de nouvelles limites à franchir, toujours des bonds en avant à accomplir
et des régressions catastrophiques qui nous démoraliseront. 

 


La persévérance doit cibler la compréhension de nos impuissances
et non pas nous faire espérer devenir les maîtres d'un empire. 

 

Les yeux pétillants d'amour et de plaisir ne signifient pas toujours que l'éternité de l'instant
ne va pas se distordre pour nous faire passer d'un champ à un autre, 
D’un niveau à un autre niveau, là où nous ne serions plus les maîtres de nos destins. 

 


Nous attendent au virage des routes que nous n'emprunterons jamais. 
Pas parce que nous avons peur, mais parce que nous n'avons plus de jambes.
Nous n'avons plus de moteurs,
Nous n'avons que des têtes 
Sous nos vieilles casquettes. 

 


C'est le bois toujours frais mouillé des naufrages anciens qui donne du sens aux brise-larmes
que nous avons partout installés. Ce sont comme de beaux phares élancés
qui ne clignotent jamais, mais qui nous éclairent  
Si bien que les ombres ne nous font pas peur, 
Les ombres reculent devant tant de mystère.

 


On se touche, c’est vrai, mais ce n'est ni définissable ni saisissable.

 


Un fruité léger s’écoule délicieusement dans ma gorge, 
Mon imaginaire dévore une chair satinée, 
C’est un spasme sans fin,
Sans faim.

 

Elles sont belles en elles, 
Mais elles ont perdu leurs ailes. 
Cela me rend triste qu'elles aient perdu leurs instincts,
Qu’elles ne rêvent plus de lointains. 

 


Tu te déplaces comme une panthère et ta voix est empreinte d'une sensualité grave, 
Et ton visage est beau. 
Beau par ce qu'il exprime de toi, ton amour de la vie, ton amour des autres, ton ouverture un peu candide. 
Il est vraiment difficile de résister à ton charme. 

 

J'irai plus loin que l'horizon sans me poser de questions.
Je fermerai les yeux pour ne pas voir où je vais. 
Je ne les ouvrirai que pour voir les vraies étoiles. 

 


Distance dans le temps et distance dans l'espace à l'échelle du cosmos se confondent. 
Ce n'est pas qu'une question de vitesse, c'est aussi une question de caresse. 


Ne plus penser… 
Être là simplement dans la dégustation de ce moment privilégié et unique qu'est l’instant présent. 
Sans vouloir en tirer le moindre parti. 
Sans le moindre rêve. 
Simplement ressentir ce bonheur, cette chaleur qui annihile toute pensée, toute angoisse, tout souci. 

 

Le chemin quotidien des masses uniformisées par les religions, les idéologies et les commerces qui en profitent. 
Peu leur importe la vérité ! 
Chacun pour soi et tous pour chacun pour soi ! 

 

Pourquoi se compliquer la vie, mon dieu ? Le monde est assez compliqué comme ça ! 
Alors, laissez-nous vivre comme ça nous plaît. 
S’il vous plaît.
Nous, ça nous plaît de ne pas être différent des autres.

 

Les trompettes assourdissantes de l'oubli ne sonneront jamais assez fort 
Pour que nous puissions enfin comprendre qu'il faut toujours se découvrir. 
Pour découvrir.

 


La lumière éclairera alors nos visages et nos cœurs.
Et l'on verra dans nos yeux 
De profonds étangs d'obscurité 
Qui seront comme des trous noirs voguant dans un cosmos secret 
Que personne ne connaîtra jamais. 

 

Saurons-nous dire l'immense joie de ces découvertes sans lendemain 
Où nous puisons les forces qui nous manquent pour croire à nouveau en notre destin ? 

 

Dans les hautes sphères, c’est vrai qu’on se pavane, mais on sait que tout ce qui est fait de matière est transitoire. 
On défend son honneur et sa noblesse parce que ce sont des valeurs immatérielles.
Plutôt mourir que de les perdre ! 
Le peuple ne peut comprendre cela, il est trop pragmatique ! 
Il lui faut d'abord avoir de quoi nourrir les corps. 
Mais les nobles riches n'ont pas ces problèmes et, quand ils surviennent, ils préfèrent mourir que de s'asservir.

 


L'égalité, c'est d'amener tout le monde au niveau de la noblesse et non pas d'amener tout le monde au niveau de la bassesse. 
Une erreur qui a souvent commise et qui n'a anobli personne. 
Elle entraîna l’avènement d'une férocité et d'une laideur tout à fait à l'opposé de ce dont je veux parler. 

 


Osons enfin ôter nos bretelles de protection 
Afin de respirer librement les nuages miraculeux des hautes sphères,
Celles qui ne sont pas bordées par ces écriteaux 
Que personne ne sait et ne saura jamais décrypter. 

 

Imiter ce qui nous est de nature supérieur est ridicule.
Pourrions-nous donc imiter le ciel ?
Pourrions-nous imiter les étoiles ?

 

Soyons humbles, 
Mettons le tablier des domestiques, des valets, des servantes, 
Endossons les uniformes des militaires, 
Parons-nous des plumes de la noblesse ! 
C’est ainsi que nous verrons le mieux ce qui fait vraiment de nous ce que nous sommes vraiment. 

 

Au fond d'un œil nocturne infiniment étoilé, 
C'est là que se trouve notre vérité. 

 


Non, je vous le dis, ce ne seront pas les mêmes corps, mais ce seront les mêmes hommes, 
Ce seront les mêmes larmes,
Ce seront les mêmes âmes qui se trouveront réunies grâce à ce spectacle tragique 
Qui n'a que le sens de la déchirure, 
Le sens du malheur, 
Le sens des chagrins immenses, 

Ceux qui ne guérissent jamais et traversent l'Histoire en attisant éternellement les rêves de vengeance.

 

Que dire encore de la voie guerrière que les humains affectionnent comme s'ils n'avaient jamais tiré les leçons des catastrophes passées ?
Le monde est condamné à une destruction massive, mais ce n'est pas le problème du présent. 
Nos descendants ne sont pas présents. 

 

Ceux qui viendront vivront dans un champ d'ordures qui ne seront pas que post-climatiques. 
Et les religieux seront à l'honneur, 
Car c'est dans le malheur, la fatalité, la pauvreté, qu'ils sont le plus écoutés. 

 

Lumière et obscurité se succèdent suivant un ordre immuable,
Mais il advient parfois qu'elles se mélangent étrangement 
Et alors un vent nouveau souffle sur les braises anciennes qui ne veulent pas mourir. 
Et alors nous assistons au lever de matins clairs qui ravagent les plaines interminables de l'ennui. 

 

Là où il n'y a plus de différence entre le vrai et le faux. 
Il ne me reste finalement que la beauté :
Pas celle des objets, 
Pas celle des apparences, 
Pas celles des montreurs d'ours, 
Pas celle des menteurs prodigieux, 
Mais celle des voyageurs qui s'envolent vers des altitudes intérieures, 
Que seuls des vaisseaux de l'au-delà pourront un jour atteindre, 
Car c'est à la fois hauteur et profondeur. 

 

La ville s'éveille et je garde mes ailes. 
Je suis l'ange gardien 
De toutes ces maisons, 
De tous ces immeubles. 
Oui, je sais, un jour ils disparaîtront, 
Mais moi, je ne disparaîtrai jamais, 
Car je ne suis jamais né, 
Car je ne suis jamais sorti de ma cité. 
Je suis devenu son être même.

 

On aura beau retourner le problème dans toutes ses dimensions, cela ne nous dira pas d'où nous vient ce sens de la mesure, 
Car il vient du non-mesurable. 
Le besoin de mesurer vient nécessairement de quelque chose qui a besoin d'être mesuré. 
On ne peut mesurer que si l'on peut aussi dé-mesurer.

 

Voyez et vous saurez.
Mais voyez que vous ne voyez pas qu'avec les yeux.
Vos yeux vous sont à jamais invisibles.
Vous ne pouvez voir que leurs images reflétées.
Vos yeux sont aussi dans vos mains. 
Ne croyez pas aux saints, mais croyez en leurs miracles, car c'est ainsi que vous vous êtes faits. 

 

La hiérarchie mondaine n'a plus cours, 
Il faut se soumettre aux nouvelles cultures. 
Les enfants des riches ont pris le pouvoir 
Pendant que les enfants des pauvres passent de la soumission totale à leurs parents 
À la contestation radicale de la Loi. 

 

Le langage des extraterrestres, 
C’est la musique. 
Il n'y a que la musique qui puisse sauver la planète Terre.

 

Il faudra encore recommencer. 
Encore et encore ! 
Avec, à chaque fois, cette culmination éclatante du plaisir qui me coupera de toi. 
Encore et encore !
Je rêve parfois d'orgasmes qui seraient tellement forts qu'ils m'amèneraient au seuil de ma mort.

 

Jour et nuit se succèdent, c'est vrai, mais nous ne pouvons voir que dans la lumière. 
Seule la lumière peut guérir les aveugles 
Et c'est l'obscurité qui aveugle, ce n'est pas l'excès de lumière. 
L'excès de chaleur peut nous aveugler, mais pas l’excès de lumière. 

 

Les étrangers d'un lointain futur ont peut-être déjà inventé des machines à remonter le temps. 
Ce qui signifie qu'ils sont là parmi nous ou qu'ils nous observent comme sur un écran de cinéma. 

 

Mes amis, si vous pouvez faire quelque chose pour moi et pour le destin de l'humanité, je vous demande humblement, du haut de ma petitesse, de ne pas hésiter. 
Enfin, surtout pour moi, car si je vais bien le reste de l'humanité ira bien aussi. 


J’ai horreur des morts violentes
Et je préfère renaître dans la douceur.
Mais les destins sont si fragiles,
Ils sont si imprévisibles !

 

 

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L'OISEAU BLANC, La Nouvelle Proue, 1989, Edmond Chemin, 2016.

 

Ô mon domaine fertile,
Comme tu es lointain !
Et pourtant toujours j'en reviens
Avec des anges gardiens
Très habiles
Bien que fragiles.


* * *

Appels divins
Qui me touchent délicatement,
Valeurs clignotantes, hésitantes...
L'amitié et l'amour se confondent agréablement.
Ciel humain toujours prêt à frémir,
À pleurer ou à rire.


* * *
Fécondes catastrophes écologiques.
Le fléau réalise
La sphère spirituelle,
Divers pactes découragent
Le zèle étourdissant des menteurs brillants,
Mais ne les empêchent pas de séduire à nouveau.
L'éloquence du président étranglé
Bannira bientôt tout éclat.


* * *

Les égards qu'on ne doit pas
Sont les plus délicieux.


* * *
Certes, les absents n'ont pas toujours le cœur limpide,
Les mains frêles ne sont pas toujours tes plus délicates,
L'atmosphère souvent égare
Et le hasard nu
S'habille des oripeaux du beau langage.

Alors l'assassin
Se déshabille de sa violence
Et nous croyons tous qu'il pense.



* * *

Blessé, je tombe dans ses bras.
Je ne comprends pas, il n'y fait pas froid.
Je glisse dans un profond néant,
J'aime le goût de mon sang,
II me rend totalement présent.


* * *
Homme aux mille visages,
J'ai aperçu parfois ton image,

Nuée fragile du petit matin,
Que le vent jette déjà au lointain,
C'était un petit être dans un chemin,
Assis seul avec son chagrin.

Ce n'était pas un archange,
Plutôt un enfant étrange
Qui voulait qu'on le venge
Sans que ça dérange.

 

* * *
Soupirs frais
De la nuit déboutonnée,
Plaisanterie puérile d'adolescente grave,
Dont le regard sérieux
Me fait penser
Aux sens de ma vie.


* * *
Étoile inconnue qui attend au seuil du firmament,
Je ne puis t'atteindre,
Je ne puis t'éteindre,
Je ne puis t'étreindre.
Une porte, doucement en grinçant ,se referme devant mon cœur impuissant.
Trop lourd il ne peut plus feindre.


* * *

Fleur de cimetière, n'es-tu qu'une ombre fugace ?
Comme l'oiseau dont le chant se lasse
D'appeler en vain l'éclat des beaux jours,
À en pleurer de ce cri d'amour...

Mais quel est ton nom, quel est ton rêve ?
Dis-le, enfin, ce que jamais tu n'achèves ?
Ce que jamais tu n'as repris ni appris
Si bien qu'à présent tu es sans abri...

 

* * *
L'enfant blessé, tombé, et qu'on a encore humilié,
Va-t-il se relever ? Va-t-il chanter, cracher ou pleurer ?
J'ai peur de lui tendre ma main, qui tremble...
J'ai peur, tellement peur qu'il me ressemble.

 

* * *

À ton humeur voici ma réponse
J'ai un cœur de bronze
Je suis un vieux bonze
Appelle-moi « Alphonse »

 

* * *

J'ai pris ta main dans ma main.
Y sera-t-elle encore demain ?
Elle tremble, elle est chaude
Comme un oiseau pris en fraude,

Mon esprit capitule. Je meurs.
Je cherche ton sourire, ton odeur.
Respecteras-tu toujours ma maladresse,
Ô toi qui jamais ne me blesses ?

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DIVAGATIONS SUR LE SILLON
Dérives poétiques à Saint-Malo
publication du livre prévue en 2024

 

Sautez sur le premier nuage,
Car ici ils sont tous de passage.
Il vous amènera très loin,
Il vous remettra sur le bon chemin.
C’est celui de l’aventure et du rêve,
Là où le monde en vous s’achève.
Si vous ne me comprenez pas
Ne changez surtout pas de voie.

 

*
"Ni français ni breton, malouin suis".
Même tes habitants qui ne sont pas nés ici
Revendiquent fièrement ta différence,
Héritage lointain d’une brève indépendance.


Cela leur fait le cœur chaud
Que le drapeau de Saint-Malo soit le plus haut.
C’est bien plus qu’un symbole
De s’afficher au-dessus de la métropole !

 

*
Ho Ho Saint-Malo,
Je n’entends plus les flots !
Tu chantes à tue-tête,
Plus fort que la tempête !

Tu cries sur les remparts
Que tu ne dois rien au hasard,
Que ton éternelle gloire,
Tu la dois à ton histoire,

Elle s’est faite à coups de canon
Et par de féroces expéditions,
Mais tu es toujours très fière
De tes héros légendaires.


*

C’est un soir d’hiver à Saint-Malo
Et le temps n’est pas beau.
La pluie tombe en trombes.
D’énormes nuages sombres,

Comme un immense couvre-ciel,
En un majestueux funèbre cérémoniel,
Rassemblent lentement leurs troupes
Qu’ils vont déverser en torrents de gouttes.

 

*
Saint-Malo s’invertit en hiver.
On n’y oublierait presque la mer
S’il n’y avait pas ces violentes tempêtes
Qui, sur les riches demeures, furieusement se jettent.

Les coups de vent chargés d’embruns,
Avec leurs effluves iodés et leur souffle salin,
Qui giflent les majestueuses façades
En de somptueuses et tonitruantes parades.


 

*
Entre les images du passé toujours présentes
Et celles du présent qui sont en train de passer,
C'est cela la vraie vie de Saint-Malo.

C'est une vie secrète, une vie forte, 
Que vous ne pouvez connaître 
Qu'en dormant à Saint-Malo. 
À Saint-Malo intra murs hauts.

 

*

Nos chants avaient le sens du désespoir
Nous savions que nous allions bientôt mourir
Nous n’avions pas besoin de nous essorer
Dans une belle vasque de marbre

Nos plus généreux remplissages
Faisaient déborder les fleuves de l’aventure
Et inonder les plaines de notre avenir
Du sang qui allait forger l’Histoire

Celle de Saint-Malo 
Et de bien d’autres ports de France 
Et d’ailleurs

 

*

Sous l’onde sombre des fleurons,
Il y a ceux qui ne s’agenouillent pas 
Devant le glamour d’un faux mousqueton.

Sous la pluie qui tombe comme une myriade de minuscules perles
Transparentes et de simplicité si belles.

 

*

Ils vont sur le Sillon ou à la plage.
Ils aiment les légendaires personnages,
Représentés dans la vieille cité
Par les statues et dans des petits musées.

Mais eux, c’est en rêvassant sur les digues
Que, les yeux dans la vague, ils naviguent.
Le soir venu, ils se sentent repus,
Contents de tout ce qu’ils ont vu et entendu.

 

*
Les grands voiliers amarrés aux pontons 
Semblent s'ennuyer. 
Dépouillés de leur majesté, 
Ils sont comme de grands oiseaux déplumés 
Qui se seraient enfermés dans un poulailler. 

 

*
Devant le défilé insolite des piétons,
Qui sont comme une mouvante exposition,
Un renouvellement incessant de visages. 
C'est un véritable et perpétuel voyage

De côtoyer sans cesse de nouveaux promeneurs.
Gens d'ici, de là-bas ou d'ailleurs,
Ils vous offrent leur magnificence,
Celle de leurs inépuisables différences.

 

*
Ils se sont rencontrés à Rochebonne 
Et ils se sont promenés jusqu'à Courtoisville. 
C'est là que leur histoire a commencé. 
Ils n'étaient plus tout jeunes et ils ont commencé doucement.

Simplement, ils se sont assis sur un banc.
Sur le Sillon.
Ils ont échangé quelques paroles, 
Il venait juste tout juste de pleuvoir. 

 

*
L'air était clair transparent. 
Sous un ciel à moitié gris et bas, 
La marée avait découvert de nombreux amas rocheux, 
La plage immense et calme s'offrait au regard,

Comme une ouverture illimitée à tous les possibles terrestres, 
Loin des impondérables maritimes 
Qu'exprime si bien le déroulement interminable 
De vagues toujours nouvelles. 

 

*
Dans le visage sibyllin du matin 
Qui court entre des algues démodulées
Je ne sais que penser 

La nuit vient de se dissiper 
Peut-être l'ivresse des odeurs trop iodées 
Je ne sais que penser

 

*
Ce beau et grand goéland tout blanc n'est pas fidèle, 
Voilà qu'il s'intéresse à présent à d'autres promeneurs. 
Je m'étais mis à rêver de je ne sais quel mystère.
Comme une grande âme blanche réincarnée 
Qui aurait retrouvé son ex-âme-sœur, 
Dans une autre vie, 
Dans un autre monde, 
Un monde parallèle. 

 

*
Le fracas lointain des vagues
Un goéland crie
Il pleut à peine l'air est doux
Le vent souffle fort


*

Sur le Sillon
Le défilé des âges
C'est l'exposition
Le soleil d'automne
Frise les vagues d'argent
Nuages gris-blanc 
La ligne d'horizon
Les nuages au loin flottant  


*
La douceur du temps
Lumière tamisée
Par le filtre de la brume
Rideau diaphane
Rayons dorés

 

*
Rochers au front couronné 
Couronné par les écumes 
De la mer déchainée 
Faisant face au vent 
Ou trônant au milieu de l'onde tranquille 
Comme des autels sacrés 

 

*
Paramé ma bien-aimée 
Celle du bourg avec son beffroi son église 
Ses parcs boisés
Et celle de la mer sa falaise 
Ses vieilles résidences fortifiées
Témoins d’un passé suranné
Au-dessus d’une baie de sable blond

 

*
Aujourd'hui, la mer était belle
Et mon cœur était chaud.
La vie me semblait éternelle,
C’était un jour de renouveau.

 


*
La vague intense du sable, dense et doux,
Comme la peau d'une jeune vierge,
Qui ne cesse d'être déflorée
Par les marées de la nuit,
Mais toujours elle en guérit.
Et je la trouve encore plus belle
Quand, chaque matin, je m’étends sur elle,
En humant ses algues de dentelle.

 

*
J'avais perdu la mémoire,
Je voguais au rythme des flots.
C'étaient eux qui me racontaient mon histoire,
Ce n'était pas avec des phrases et des mots.
C'étaient de fantasmatiques images,
Projetées sur un grand écran bleu
Et, comme par un étrange sort ou un simple mirage,
Je me trouvais dedans.

 

*
Sur la plage, les chiens courent comme des lièvres,
Ils courent après d'autres chiens,
Chacun devient, à tour de rôle, de l'autre le lièvre,
Tout ça galope, galope, galope sans fin.
Là où il n'y a pas de frontières, il n'y a pas de combat.

 

*
Toute cette beauté dont on sait qu’à l’aube naissante
Elle va apparaître !
Cette belle clarté dont on sait, 
Même dans la nuit la plus noire,
Qu'elle existe. Elle existe.
Elle va apparaître.
Mon dieu, est-il besoin de plus que cela ?


*
Saint-Malo entre murs hauts,
Comme un gothique vaisseau
À jamais amarré
À de séculaires rochers.


*
Entre combats et folles chimères,
Entre ses ruelles obscures et ses enclaves de lumière,
Entre son passé noir et la clarté fabuleuse de sa gloire,
Saint-Malo ne cesse de me raconter son histoire.


*
Voulez-vous avancer ou reculer ?
Il n’y a pas d’autres alternatives,
Car, ici, on ne peut vivre entre deux rives.


*
Il y a comme une sorte de complicité joyeuse,
Le sentiment jouissif d'être
Comme un clandestin légitime
Au milieu de cette foule d'inconnus,
Qui sont tellement différents de vous !
Ils ne parlent pas comme vous,
Certains ne parlent même pas la même langue que vous
Ou n'ont pas la même couleur de peau
Et, pourtant, tout le monde a l'air heureux.


*
C'était dans les yeux clignotants de la ville,
Une nuit d'automne à Saint-Malo.
Le soleil n'avait laissé aucun marque-page
Sur les débris de gros nuages.


*
Nous savons bien que demain
Ou en tout cas un jour prochain,
Nous pourrons sortir de notre cage
Pour illuminer à nouveau le paysage.

 

*
Le soleil se lèvera sur un clair horizon
Quand nous ne jouerons plus aux mauvais garçons,
Quand nous arrêterons nos beuveries et nos transes
Pour revenir enfin à nos vraies existences.
Nous retrouverons alors nos maisons,
Nous enfilerons nos chaussons,
Nous oublierons nos folles escapades.
Jusqu’à la prochaine grande parade.


*
C’est le destin de chacun de trouver sa voie,
De trouver un abri qui le protège de l’ennui.


*
L’immobilité définitive de mon être profond,
Celui qui n’a jamais bougé et qui ne bougera jamais

 

*
Simplement les paroles s'envolent :
Courtes salves de mélopées murmurées,
Qui n'ont pas de cibles précises.
C'est juste si bon de s'entendre à peine parler 
Face à cette immensité grondante et mouvante,
Qui engloutit toute fierté mal placée ! 

 

*
Des marins la reconnaissance
Vaut bien plus qu’une seule existence !
Cent ans après les avoir dépannés,
Ils n’ont toujours pas oublié.
C’est ce qu’on appelle les copains.
Ils ne vous connaissent pas bien,
Mais ils n’ont pas perdu la mémoire.
Pas besoin de boîte noire !
Ce que pour eux vous avez fait,
Dans leur cœur est à jamais gravé.


*
Et même quand on en venait aux mains,
Cela se terminait toujours bien.
On se retrouvait tous autour d’une chope
Pour régler nos comptes entre potes.


*
Ne croyez pas tout ce que je vous dis,
Car il n’est pas vrai que tout a déjà été dit.


*
Si vous partez dans l’analyse
Vous ne sentirez plus la brise
Et vous échouerez sur un ilot,
Très loin de Saint-Malo.
Très loin des somptueux voyages,
Très loin des joyeux partages !
Vous vivrez comme un pingouin
Qui n’aurait plus de voisins.


*
Il faut choisir entre la paix et l’aventure,
Entre la vulnérabilité et l’armure.
On ne peut tout avoir,
Sauf si on est un buvard.

 

*
Les rêves des malouins
Sont imprégnés d’embruns.
Ils prennent racine
Là où il n'y a pas de frontières,
Entre des rives lointaines,
Celles qui ne se toucheront jamais.
Que c’est beau la vie
Quand l’hiver ne dure qu’une nuit !
Nous dormons ensemble depuis la nuit des temps
Et, en vérité, nous ne voulons pas autre chose.
Les frontières du temps sont plus fluides
Que celles des territoires auxquels on s’attache.

 

*
Trois navires ont coulé
Au large de Saint-Malo
Et tout le monde a ri.
Et l’air était tellement transparent
Qu’on voyait bien plus qu’à l’habitude.
On voyait au-delà de ce qui nous avait été dit et redit,
On traversait des siècles de fausse repentance,
On retrouvait les vieilles connaissances :
Celles qui sont enfouies au fond des mers,
Au fond des océans, des océans d’obscurité
Et qui viennent toujours la nuit nous hanter.


*
Les requins sont des poissons mangeables
Mais très peu fréquentables.
Ils ne vous sourient pas pour vous faire reculer,
Ils ne craignent pas les verbalisations et les menaces,
Ils adorent ceux qui font preuve d’audace :
Fouilleurs de plage, touristes forcenés, baladeurs étrangers,
blanchets ou noirets, caprins d'opérette ou de cœur.


*
Tout le monde ici monte le même chameau,
Que l'on soit au creux de la dune ou tout en haut.
Ici, comme dans le désert, on est des autres tous solidaires.
Bien sûr, il y a ceux qui veulent tout faire en solitaire,
Mais ceux-là, on ne les voit jamais :
Soit ils restent pendant des mois chez eux enfermés,
Soit ils ont si totalement disparu derrière l’horizon
Qu’on perd conscience de leur existence.


*
Quand on est au loin
Sur le même bateau,
On ne jette pas le vin à l’eau !
On a vite fait de démasquer les marauds,
Pas besoin d’observatoire,
Car c’est un petit territoire.
Ici, la frontière c’est la mer,
On n’attend pas d’être rentré au port
Pour être fixé sur son sort.


*
À force de tourner en rond,
Dans ma cyclique prison,
Je ferai bientôt en avant un nouveau bond.

 

*
Cézembre baril de poudre protégé 
Ile torturée jadis mille fois déchiquetée 
Les intestins noués 
De la grande mascarade obsolète 
Qui fabrique les armes 
Dont se nourrissent les bêtes féroces 
Qui s'affrontent dans le désert des villes 
Qui se construisent et se déconstruisent 
Au fil des vagues qui vont et qui viennent 
Qui charrient dans leurs flots 
Les débris des arsenaux égarés 
Dans l'histoire des siècles 
Et les poudrières de l'avenir guerrier 
Ne seront qu'un spectacle de plus à donner 
Dans l'obscurité naissante 
Alors que je ne verrai plus les nuages planant 
Et que je m'enracinerai là où je ne naîtrai jamais 
Là où les caravanes de feu passeront en un éclair 
En un éclair de feu 

 

*
Les îles de ma solitude sont bien plus à l'abri 
Que cette masse informe 
Et son sourire si accueillant 
Qui cache un potentiel meurtrier 
Des têtes qui explosent 
Des bras de mains coupées du sang qui rougit 
Qui fait honte et le premier napalm 
Qui incendie les corps et laisse dans les cœurs 
Un souvenir abominable 
Traces du passé que je ne peux visiter 
Que je ne peux qu'imaginer
Traces de l'avenir qui restent 
Comme un marchepied pour accéder 
À l'infinité 
À l'infinité des possibles 
Des possibles meurtriers 
Terre blessée à mort